LE MISANTHROPE d'après Molière (*). Mise en scène Violette Erhart et Sylvain Martin. Avec Violette Erhart, Luc Franquine, Alex Gangl, Benjamin Gourvez, Mahmoud Ktari, Sylvain Martin.
Alceste est amoureux de la belle Célimène, une coquette volage qui virevolte de soupirant en fête échevelée. Mais, à son corps défendant, l'incurable atrabilaire est à la fois douloureux et lucide sur cette violence qui le ronge. Ni les conseils avisés de son ami Philinte, ni les perfidies dénonciatrices d'Arsinoé la laissée-pour-compte ne sauraient le détourner de l'objet de sa passion, qu'il rêve d'emmener avec lui dans sa retraite loin de la débauche de ses fréquentations. Petits marquis, poète ridicule, politesses hypocrites, intrigues mondaines, cet univers de l'artifice est le creuset de médisances auxquelles chacun s'empresse d'apporter sa touche vipérine. Alceste y dresse sa jalousie, son intransigeance et une franchise sans concession qui lui vaut maint conflits et procès.
La mise en scène fait le choix de la modernité des situations. Costumes, beuveries, danses échevelées, dénonciations par le truchement des téléphones portables, illustrent notre époque moderne. Les gestes eux-mêmes sont sans retenue, Alceste va jusqu'à menacer physiquement Célimène.
Le choix de cette représentation est ambivalent, à la fois dans le respect absolu de la langue de Molière, mais aussi dans une sélection du texte lui-même qui fait l'impasse sur les scènes où Eliante, -ici absente-, aurait apporté une version possible de l'amour apaisé avec Philinte. Cette option contemporaine, en ôtant tous les filtres, resserre l'intrigue autour de la jalousie, de la violence des conflits, des excès de la débauche, et interdit l'éventuelle sympathie à l'égard de quiconque. On rit franchement, mais on ne plaint ni Alceste ni Célimène.
Un Molière intemporel servi avec fougue et efficacité par des comédiens bien de notre temps.
Il est à noter que ce Misanthrope s'inscrit dans une trilogie qui regroupe La Conversion d'Alceste, de Courteline, et Célimène et le Cardinal, de Jacques Rampal, jouée par les mêmes acteurs. A.D. Théâtre de la Croisée des chemins 19e.
(*) Premier chapitre de la trilogie composée avec Le Misanthrope, d’après Molière (Lettre n°531) ; la Conversion d’Alceste, de Georges Courteline (Lettre n°533) et Célimène et le Cardinal, de Jacques Rampal (Lettre n°536).