CÉLIMÈNE ET LE CARDINAL

Article publié dans la Lettre n°536 du 8 décembre 2021


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CÉLIMÈNE ET LE CARDINAL de Jacques Rampal (*). Mise en scène Violette Erhart et Sylvain Martin. Avec Violette Erhart et Luc Franquine.
Célimène est une beauté épanouie, mère de quatre enfants, épouse d'un mari aimant. Elle mène une vie sage à la campagne, semée de quelques rencontres issues de sa première vie mondaine. Alceste, quant à lui, a mené brillante carrière de prélat jusqu'à la pourpre cardinalice. Une conclusion plausible pour la trilogie dont le Misanthrope est le sujet. Vingt années ont laissé loin derrière leurs amours tumultueuses et douloureuses. Pourquoi Alceste vient-il troubler cette paix ? Telle est la question que se pose Célimène, entre impatience et inquiétude larvée. Retrouvailles prudentes, chacun prend la mesure polie de ce qu'est devenu l'autre. On se tourne autour, on échange des nouvelles des uns et des autres, on se laisse aller à la suavité du cacao. Mais bientôt les réflexes anciens craquellent le vernis. Célimène déploie sa sensualité faussement candide. Alceste, d'abord Tartuffe, fait jour au Torquemada qui sommeille diaboliquement en lui. Tout les réunit et les oppose tout à la fois, les braises d'un amour jamais éteint se ravivent dans le chassé-croisé de l'impossible aveu. Jusqu'à ce que le corps du délit, au sens propre, révèle ses charmes sulfureux, du moins pour le prélat jaloux qui, pour pallier une sincérité impensable, use d'un pouvoir tyrannique et brandit l'anathème. Célimène mesure alors combien sa franchise et son naturel mutin font courir un réel danger à son entourage. Tandis qu'Alceste s'enferre dans une violence odieuse, elle opte pour un repli stratégique, avec prudence et non moins grande douleur. Elle se montrera désormais empreinte d'une contrition de façade. Mais la vengeance en sera d'autant plus insidieuse. Le temps décidément ne fait rien à leur affaire, même amour, même incompatibilité.
Le contraste entre les deux amants est rendu avec une remarquable subtilité par les deux comédiens dans ce huis-clos de leur aimantation mutuelle, Violette Erhart pulpeuse et lumineuse, Luc Franquine sombre et torturé. Elle ironise, il vitupère, douleur et déception à fleur de peau, larmes à bord de cils. Misogyne par mauvaise foi, il éructe, avivant ainsi la rébellion insolente de sa compagne. Le ton monte, les gestes ne se maîtrisent plus. Témoin de ce duel à mort qui ne veut surtout pas tuer, le public retient son souffle jusqu'aux points de suspension de la fin. « Je vous espère », lui murmure-t-elle...
Un vrai régal. A D. Théâtre de la Croisée des Chemins 19e.

(*) Troisième chapitre de la trilogie composée avec Le Misanthrope, d’après Molière (Lettre n°531) ; la Conversion d’Alceste, de Georges Courteline (Lettre n°533) et Célimène et le Cardinal, de Jacques Rampal (Lettre n°536).


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