VOYAGE SUR LA ROUTE DU KISOKAIDŌ
De Hiroshige à Kuniyoshi

Article publié dans la Lettre n°515 du 6 janvier 2021



 

Pour voir le parcours en images et en vidéos de l'exposition, cliquez ici.
Accès direct à la série complète des estampes de Eisen et Hiroshige.
Accès direct au images du diaporama sur Kunisada.
Accès direct à la série complète des estampes de Kuniyoshi.


VOYAGE SUR LA ROUTE DU KISOKAIDŌ. De Hiroshige à Kuniyoshi. À l’époque d’Edo ou de Tokugawa (1603-1868) il existait cinq voies routières (gokaidō) pour se rendre d’Edo (l’actuelle Tōkyō), ville de résidence du Shogun, le maître du pays, à Kyōto, siège de l’empereur. La route la plus empruntée était celle du Tōkaidō, 500 km, qui ralliait l’ancienne capitale en cinquante-trois relais en longeant la côte, obligeant les voyageurs à utiliser des bacs, coûteux et hasardeux, pour traverser les baies et les rivières. À l’inverse, la route du Nakasenko (« route des montagnes du centre »), 542 km, plus connue sous le nom de Kisokaidō, car elle longe le fleuve Kiso sur une partie de son parcours, traversait l’intérieur montagneux suivant un itinéraire parfois plus pittoresque et ardu, en raison de la présence de neuf cols escarpés, jalonné de soixante-neuf relais.
Vers 1833-1834, Hiroshige (1797-1858), et son éditeur Takenouchi Magohachi publient la série des Cinquante-trois Relais de la route du Tokaidō qui remporte un immense succès. Ils décident de renouveler leur collaboration autour du Kisokaidō. Cependant, pour des raisons inconnues, c’est à Keisa Eisen (1790-1848), que Takenouchi confie la réalisation des premiers dessins, parus à partir de 1835, sur lesquels figurent des titres différents. Eisen ne réalise que vingt-quatre stations, sans ordre géographique. Hiroshige finit alors la série, publiée sous le nom Les Soixante-Neuf Relais de la route du Kisokaidō (1835-1838), avec un autre éditeur, Iseya Rihel. Malgré un emploi du temps surchargé à cause de l’afflux de commandes, l’obligeant à recourir jusqu’à une vingtaine d’élèves pour les honorer, il est quasiment certain qu’Hiroshige a parcouru le Kisokaidō en 1837, comme en atteste les carnets d’esquisses qui nous sont parvenus. Notons que les artistes pouvaient aussi se servir de livres illustrés et de guides de voyage, comme celui de Yasumi Roan qui écrit en 1810, à la demande de ses amis, un bref « guide de marche sur les petites routes du Japon ».
Le succès de la série du tandem Eisen-Hiroshige encourage deux autres artistes à faire de même, presque vingt ans après, en 1852. Le premier, Utagawa Kunisada (1786-1865), le plus prolifique de tous les auteurs d’Ukiyo-e du XIXe siècle (il a laissé plus de 20 000 œuvres) met en scène des acteurs de kabuki, une des formes du théâtre traditionnel japonais, qui ne semble avoir aucun lien à première vue avec les différentes étapes de la route. L’association entre le lieu, esquissé en arrière-plan, et l'acteur est souvent évoquée par un jeu de mots ou par la présence d'un accessoire incongru. Le second, Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), artiste maudit remis en selle par Kunisada, l’un de ses pairs à l’école Utagawa, propose lui-aussi une interprétation très différente de celle d’Eisen-Hiroshige. Au lieu des scènes de vie d’Eisen, fin observateur de la nature et des activités humaines, et des paysages d’Hiroshige, il propose des interprétations d’œuvres littéraires, théâtrales ou légendaires jouées par des acteurs ou des sportifs de l’époque dont l’action se déroule dans les stations en question représentées, chez lui-aussi, en arrière-plan et dans des cartouches. Tous ces artistes sont des maîtres de l’Ukiyo-e, un terme qui exprime la notion de « monde flottant », évocation au XIXe siècle des plaisirs éphémères de la vie qui passe.
Si la pandémie actuelle n’a pas permis d’exposer la série de Kunisada, simplement évoquée avec une dizaine d’images projetées à mi-parcours de l’exposition, en revanche nous avons la chance de voir les séries complètes d’Eisen-Hiroshige et de Kuniyoshi.
La première, prêtée par le collectionneur Georges Leskowicz, est considérée comme l’une des plus belles du monde. En effet elle comporte un tirage complet de première édition et de premières épreuves pour la totalité de la série. Leur polychromie est remarquable. La seconde a été léguée au musée par Henri Cernuschi en 1896 et vient d’être restaurée à l’occasion de cette exposition. C’est la première fois qu’elle est présentée au public dans son intégralité. La commissaire a ajouté des cartels pour décrire certaines estampes. Ils sont indispensables pour comprendre la signification de celles de Kuniyoshi et l’on regrette qu’il n’y en ait pas pour toutes.
Une vidéo décrit le parcours avec des estampes d’Eisen-Hiroshige, des photographies  prises dans les années 1870 à 1920 et des photographies prises au XXIe siècle, permettant de voir les changements survenus en près de deux siècles. Une autre vidéo nous montre la complexité de l’impression de ces estampes qui nécessitent jusqu’à 14 planches et 15 couleurs. Des objets exceptionnels par leur finition et les matériaux employés complètent le parcours. On retrouve en effet ces nécessaires à pique-nique, ces nécessaires de fumeur, cette selle de bataille, cette armure, cette caisse d’armure et cette tenue portée sous l’armure, cette arquebuse, cette paire de sabres et ces boîtes d’écritoire dans les estampes exposées. Une exposition remarquable que l’on peut voir en intégralité dans le parcours en images complétant cet article. R.P. Musée Cernuschi 8e. Jusqu’au 17 janvier 2021. Lien : www.cernuschi.paris.fr


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des expositions

Accès à la page d'accueil de Spectacles Sélection