LE TROMPE-L’ŒIL
de 1520 à nos jours

Article publié dans la Lettre n°608 du 15 janvier 2025



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

LE TROMPE- L’ŒIL de 1520 à nos jours. Le terme «trompe-l’œil» a été employé pour la première fois par Boilly (1761-1845) en légende de l’œuvre qu’il expose au Salon de 1800. L’Académie française l’adopte trente-cinq ans plus tard. Mais cet art  de tromper l’œil ne se limite pas à la peinture. L’exposition offre à voir une multitude de mediums, de la peinture à la sculpture, de l’architecture au dessin, de la photographie aux arts décoratifs dont la céramique. C’est «la seule catégorie d’œuvres d’art qui se définisse par référence à l’effet produit sur le spectateur».
Si l’exposition commence en 1520 avec une peinture anonyme, Armoire aux bouteilles et aux livres, l’art du trompe-l’œil remonte à l’Antiquité. Pline l’Ancien (c.23-79 ap. J.-C.) rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. J.-C.), dans une compétition qui l’opposait au peintre Parrhasisos (entre 460 et 455 – env. 380 av. J.-C.), avait représenté des raisins si parfaits que les oiseaux vinrent voleter autour.
Le parcours se développe en neuf sections et nous présente plus de 80 œuvres dont plusieurs appartiennent au musée. En effet Jules et Paul Marmottan, qui appréciaient ce genre pictural, en possédaient sept dans leur collection.
Dès l’entrée et dans la première salle nous voyons des toiles qui rivalisent d’ingéniosité pour nous présenter des objets aux dimensions réelles accrochés à des supports en bois ou posés sur des étagères. Parmi ces objets on trouve des instruments de peintre, des livres, des gravures, des lettres dont on peut lire ce qui est écrit, etc. Ces tableaux sont conçus pour être accrochés de telle façon que l’on ne se rende pas compte, au premier coup d’œil, qu’il ne s’agit pas d’objets réels.
Ce thème perdure aux XVIIe et XVIIIe siècles avec des trouvailles d’une grande technicité tels ces cadres aux verres brisés ou ces petits messages cachés au milieu des autres documents. C’est l’époque du quodlibet («ce qu’il vous plaît») et des représentations de trophées telles cette Grive morte (vers 1775) de Houdon (1741-1828) ou cette Tête bizarre d'un cerf (1741) de Oudry (1686-1755).
L’art du trompe-l’œil s’est aussi intéressé à l’architecture et à la représentation de sculptures pour des dessus-de-porte, des devants de cheminées ou des murs. Certains artistes comme Jacob de Wit (1695-1764) ou Piat Joseph Sauvage (1744-1818) se sont spécialisés dans ce genre. Nous avons aussi plusieurs tableaux de Guillaume Dominique Doncre (1743-1820), d’autres de Augustin-Victor Pluyette (1820-1870), qui reprend un Christ de Boilly déjà peint en trompe-l’œil, et de Anne Valayer-Coster (1744-1818), première femme à avoir été admise à l'Académie des beaux-arts en 1770 à l'âge de 26 ans.
Le trompe-l’œil a conquis également le domaine de la céramique. On se souvient des plats décorés d’animaux de Bernard Palissy. Charles-Jean Avisseau (1795-1861) renouvelle le genre, fonde l’école de Tours et influence d'autres céramistes passionnés. Une vingtaine de céramiques illustrent cette section où l’on voit des assiettes décorées de cartes à jouer ou de portraits, des terrines en forme de melon ou de choux, des assiettes pleines de mirabelles ou de moules, etc.
La cinquième section évoque l’épanouissement de la peinture illusionniste au XVIIIe siècle. À côté de peintures d'objets accrochés au mur, dans la tradition des siècles précédents, nous y voyons des tableaux et même un dessus de guéridon peints par Louis Léopold Boilly, des peintures en grisaille de Boilly, Jean Étienne Liotard (1702-1789) ou encore Étienne Moulineuf (1706-1789) imitant des gravures. Ce dernier était tellement doué qu’on croyait qu’il collait de véritables estampes sur son tableau.
Au XIXe siècle le trompe-l’œil n’a plus la cote en Europe. Les commissaires nous présentent alors des œuvres inconnues en France réalisées par des artistes américains tels Adolphe Martial Potémont (1828-1883), John Frederick Peto (1854-1907) ou John Haberle (1856-1933). Ceux-ci reprennent les thèmes à la mode dans les siècles précédents tels les objets accrochés au mur ou posés sur une table.
En revanche les peintres du XXe siècle, à commencer par Picasso et Braque s’intéressent aux objets et les représentent de multiples façons. Henri Cadiou (1906-1989) crée le groupe des peintres de la réalité qui expose des trompe-l’œil au Salon Comparaisons, en 1960. Plus tard d’autres artistes le rejoignent et fondent le groupe Trompe-l'œil / Réalité. De Cadiou nous avons La Déchirure (1981), la Joconde emballée dans du papier en partie déchiré, et Transcendance spaciale (1960), un hommage à Luciano Fontana, célèbre pour ses toiles lacérées (Lettre 370) ou bien une critique de l’art abstrait au moyen d’un pastiche. Dans cette section le tableau le plus amusant est celui de Pierre Ducordeau (1928-2018), Tableau en déplacement (1966), qui représente un cadre vide avec un bon d’enlèvement pour une exposition des «Chefs-d’œuvre français» à Londres !
Vient ensuite une section consacrée aux «illusionnistes de la réalité» avec des tableaux dans le style de ceux des siècles précédents, mais aussi un mannequin très réaliste, des objets en céramique et surtout un tableau-miroir de Michelangelo Pistoletto (né en 1933) dont les personnages semblent se mêler aux visiteurs.
Une dernière section est consacrée à «L’art du camouflage», une technique développée à partir du mois d’août 1915 afin de tromper l’ennemi. Une exposition passionnante, bien documentée, avec de nombreux cartels développés, qu’il faut absolument voir car les reproductions ne peuvent pas créer le choc visuel que l’on éprouve devant ces tableaux d’un très grand réalisme. R.P. Musée Marmottan Monet. Jusqu’au 2 mars 2025. Lien : www.marmottan.fr.


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