LUCIO FONTANA. Rétrospective

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 370
du 16 juin 2014


LUCIO FONTANA. Rétrospective. Depuis sa mort en 1968, c’est la plus importante rétrospective consacrée à cet artiste, né en Argentine en 1899 d’un père italien, qui passa presque toute sa vie à Milan. Avec quelque deux cents œuvres, nous avons un vaste panorama de cet artiste prolifique (dans les années 1960 il réalisait environ cent cinquante Tagli [Fentes] par an) illustrant toutes les périodes de sa carrière.
Le parcours chronologique commence par le « Primitivisme » (1930-1933) avec des sculptures polychromes en terre cuite ou en plâtre qui ne se réfèrent à aucun courant artistique. Viennent ensuite des sculptures abstraites, sortes de dessins dans l’espace, contrastant avec les sujets biomorphes précédents, puis des sculptures en céramique (1936-1940) avec des sujets figuratifs tels que des natures mortes, des animaux, des fonds marins.
La quatrième section, « Le spatialisme » nous emmène directement à l’année 1946, sans doute parce que Fontana retourna en Argentine durant la guerre. Ce mouvement, dont il est l’instigateur, trouve son fondement dans le « Manifeste blanc », fruit des discussions d’artistes, d’écrivains et de philosophes réunis autour de Fontana. Ses membres préconisent de rompre avec le tableau de chevalet, de renouveler les techniques, d’être en phase avec le progrès et de donner à l’idée et au mouvement la primauté sur la matière. L’art spatial est envisagé comme une synthèse entre « couleur, son, mouvement, espace ». Néanmoins, c’est avec des matériaux traditionnels que Fontana réalise ses premières œuvres spatiales.
Vient ensuite ce qui allait être la marque de fabrique de Fontana, les Buchi [Trous] (1949-1952). L’artiste perce des trous au recto et au verso de la toile, son support de prédilection à partir de 1949, de façon à constituer des figures en relief laissant passer la lumière. A partir de cette époque presque toutes ses œuvres sont intitulées Concetto spaziale [Concept spatial], quelle que soit la technique utilisée.
Néanmoins, durant cette période, Fontana produit des céramiques figuratives qui s’inspirent de l’iconographie traditionnelle italienne : guerriers, bataille, crucifix, arlequins, etc.
Après les Buchi viennent les Tagli [Fentes] (1958-1968). Fontana lacère la toile monochrome, affinant au fil du temps sa technique pour conserver à la fente son relief. La violence radicale du geste et la charge érotique de ces fentes, bien que dénuées d’intention expressionniste, ont souvent été soulignées. Néanmoins il semble qu’il y ait une certaine intention érotique avec ses Nature [Natures] (1959-1960), de grosses boules fendues en terre cuite ou en bronze, puisque le mot « natura », au pluriel, désigne en argot italien le sexe féminin ! Montrées en groupe, comme ici, elles évoquent aussi un paysage lunaire. Nous sommes en effet en pleine conquête spatiale.
Les autres sections de cette exposition sont consacrées à diverses séries. Nous avons ainsi les Venezie [Venises] (1961-1962) aux titres évoquant Venise (Soleil sur la place Saint-Marc, La Lune à Venise), où l’artiste dépose sur la toile trouée des éclats de verre de Murano ; les Metalli [Métaux] (1961-1968), inspiré par la ville de New-York où il expose en 1961, réalisés avec des plaques en cuivre ou en aluminium percées et lacérées ; les Fine di Dio [La Fin de Dieu] et Trinità (1963-1966), toiles monochromes de couleurs vives, comme celles de la publicité, de taille humaine, trouées, parfois pailletées, ovoïdes, qui renvoient aux origines de la vie et enfin les Teatrini [Petits théâtres] (1964-1966) et les Ellissi [Ellipses] (1967). Il s’agit d’œuvres aux couleurs vives, en bois ou métal, relecture des principaux thèmes de l’artiste, qu’il fait confectionner à partir de ses esquisses.
Cette belle exposition nous permet de mieux comprendre un artiste assez peu connu en dehors de l’Italie, ce qu’il regretta, dont les sculptures et les peintures « sont belles comme des rêves et poignantes comme des cauchemars », comme l’écrit Fabrice Hergott, le directeur du musée, dans le catalogue. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 24 août 2014. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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