SOULAGES AU LOUVRE. À l’occasion du centième anniversaire de Pierre Soulages, né le 24 décembre 1919 à Rodez, le musée le plus fréquenté du monde lui consacre une exposition-hommage absolument exceptionnelle. Celle-ci rassemble une vingtaine d’œuvres de toutes les époques allant de 1946 (Brou de noix sur papier 48,2 x 63,4 cm) à octobre 2019 (Peinture 390 x 130 cm, 18 octobre 2019). Le public peut ainsi se rendre compte du travail de cet artiste inlassable (il vient de peindre trois toiles de très grande hauteur à l’occasion de cette exposition) sur huit décennies, depuis le tout début de son œuvre abstrait, juste après la guerre, jusqu’à aujourd’hui.
Nous avions rendu compte des rétrospectives consacrées à Soulages par le Centre Pompidou en 2009 (Lettre 116), à l’occasion de ses quatre-vingt-dix ans (Lettre 308) et tout récemment, en 2018, par la Fondation Pierre Gianadda à Martigny en Suisse (Lettre 461). Nous retrouvons avec plaisir au Louvre certaines œuvres déjà exposées, provenant de grandes institutions internationales (Centre Pompidou, Tate, Moma, The National Gallery of Art de Washington, etc.).
Les peintures du début sont intéressantes et déjà originales. Elles montrent l’évolution de l’artiste qui bannit peu à peu les différentes couleurs au profit d’une seule, le noir. Néanmoins ce sont surtout les grands polyptyques peints à partir de 1979 qui nous interpellent. Comment peindre intégralement une toile avec un seul pigment, le noir absolu, tout en faisant surgir la lumière ? Cette prouesse, baptisée outrenoir par Soulages, ne cesse de nous surprendre. Ces grandes toiles apparaissent différemment, même en photographie, selon l’angle sous lequel on les regarde. Pour y parvenir Soulages, comme son ami Hans Hartung, utilise des instruments plus proches de ceux du bâtiment que de ceux de la peinture. Il fait surgir la lumière par contraste entre la couleur noire et les parties claires, par superposition et raclage. Au contraire d’une œuvre monochrome, « ce sont des différences de textures, lisses, fibreuses, calmes, tendues ou agitées qui, captant ou refusant la lumière, font naître les noirs gris ou les noirs profonds ».
On appréciera aussi sa façon de désigner ses tableaux par la technique, les dimensions et la date de réalisation. En nommant une toile Peinture 326 x 181 cm, 14 mars 2009, par exemple, il n’oriente pas notre vision. Déjà, en 1948, Soulages écrivait « Une peinture est un tout organisé, un ensemble de formes (lignes, surfaces colorées…) sur lequel viennent se faire et se défaire les sens qu’on lui prête ». Un très bel hommage au plus grand peintre français vivant. R.P. Musée du Louvre 1er. Jusqu’au 9 mars 2020. Lien : www.louvre.fr.