MUSÉE SOULAGES
Rodez

Article publié dans la Lettre n°523 du 28 avril 2021



 
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MUSÉE SOULAGES. C’est le cinquième article que Spectacles Sélection consacre au plus grand artiste français contemporain (voir Lettres 116 ; 308 ; 461 ; 495). Cette fois nous avons une rétrospective permanente et quasi complète de son œuvre, grâce aux diverses donations que Pierre et Colette Soulages ont faites à l’agglomération de Rodez en 2005, 2012 et 2020, et aux dépôts de collections particulières. A lui seul, le musée Soulages, inauguré en 2014, possède plus de la moitié des œuvres de l’artiste détenues par 110 musées de par le monde. Pierre Soulages a voulu « mettre l’accent sur la manière dont naissent les œuvres », en privilégiant les plus anciennes. La collection du musée s'étend de 1946 à 2012.
Pierre Soulages est né à Rodez le 24 décembre 1919. Très tôt il est attiré par la peinture. En 1939 il est admis à l’école des beaux-arts de Paris, mais stupéfait par l’académisme froid et le manque d’innovation de la part de ses pairs, il décide de quitter l’enseignement et retourne à Rodez. En 1942, il fait un bref séjour à l’école des beaux-arts de Montpellier (on peut voir trois études de nus, qu’il a dessinées dans cette école). Il fréquente assidument le musée Fabre auquel il fera une importante donation d’une vingtaine d’œuvres majeures en 2007 et rencontre Colette Llaurens, qu’il épouse la même année. En 1946 le couple s’installe à Courbevoie où Pierre Soulages consacre tout son temps à la peinture et peint ses premiers « brous de noix » avec ce produit utilisé pour teindre le bois.
Le parcours du musée retrace la carrière artistique de l’artiste en huit sections suivant un ordre à la fois thématique et chronologique. Après une brève introduction sur le musée et sur la biographie de Soulages, nous avons un vaste aperçu des « Premières peintures » de l’artiste.
La plus ancienne exposée est Peinture 81 x 100 cm, 1946. On note cette façon très particulière (nature de l’œuvre, dimensions, date de réalisation) qu’utilise Soulages pour nommer ses oeuvres. C’est une peinture abstraite et pleine de couleurs. Peu à peu, il s’oriente vers des peintures de plus en plus sombres. C’est ainsi qu’en 1947, les tableaux qu’il expose au Salon des surindépendants contrastent avec ceux des autres peintres, très colorés. Il rencontre Picabia qui le prévient : « Avec l’âge que vous avez et avec ce que vous faites, vous n’allez pas tarder à avoir beaucoup d'ennemis ». La plupart de ses toiles sont faites à partir de fonds colorés (bleu, brun, rouge, blanc) sur lequel il superpose de larges traits noirs. Soulages a choisi l’abstraction car il dit ne pas voir l’intérêt de passer « par le détour de la représentation […] Je ne représente pas, dit-il, je présente. Je ne dépeins pas, je peins ». Néanmoins, il n’appartient à aucun courant.
La troisième section est consacrée aux « Brous de noix », l’une des premières techniques qu’il utilisa. On y voit une dizaine de ces œuvres très particulières, peintes sur du papier, ainsi que des encres appliquées de la même façon, à larges traits, sur la feuille.
On entre ensuite dans la quatrième section, « L’estampe », où sont rassemblées quelques-unes des 118 œuvres imprimées de Soulages. Celui-ci fit don au musée de l’intégralité de sa production, à savoir 43 gravures, 49 lithographies et 26 sérigraphies. Leur tirage va de 65 à 300 exemplaires. Si les premières œuvres sont directement liées à des peintures sur toile ou sur papier, les suivantes sont sans lien avec ses peintures antérieures ou à venir. Soulages utilise alors la gravure comme un moyen d'expression à part entière, créant des œuvres qui tirent parti des spécificités de chaque technique de gravure, avec parfois des changements en cours d’impression. Dans cette section, particulièrement intéressante et rare, on peut voir également des cuivres utilisés pour la réalisation de certaines eaux-fortes, de magnifiques bronzes (Bronze I, 1975 ; Bronze II, 1976) et l’un des quatre exemplaires du vase qu’il conçut en 2000 avec la Manufacture de Sèvres (Vase de Sèvres, 2000).
Le parcours revient à la peinture avec, dans la cinquième section, des « Peintures sur papier », dont certaines de grandes dimensions comme Acrylique et collage sur papier 103,3 x 72,2 cm, 1999 ou 2000. Si des touches de bleu sont présentes en 1973, nous n’avons plus que du noir sur les autres tableaux, à part, bien évidemment, dans ce grand Brou de noix 102 x 74,5 cm, 1998.
Viennent ensuite les « Peintures sur toile » où sont exposés des œuvres de très grandes dimensions peintes entre 1956 (Peinture, 14 avril 1956, 195 x 365 cm) et 1971 (Peinture 162 x 262 cm, 8 septembre 1971). Comme les précédentes, on y voit de larges bandes noires sur des fonds blancs ou colorés, bleu ou ocre, avec parfois des touches de rouge.
La section suivante est la plus spectaculaire. Elle est consacrée à l’« Outrenoir ». Après 1979, ses tableaux font beaucoup appel à des reliefs, des entailles, des sillons dans la matière noire qui créent à la fois des jeux de lumière et de couleurs. Car ce n'est pas la valeur noire elle-même qui est le sujet de son travail, mais bien la lumière qu'elle révèle et organise. Pour Soulages, outrenoir veut dire : « Au-delà du noir une lumière reflétée, transmutée par le noir. Noir qui, cessant de l’être, devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Un autre champ mental que celui du simple noir. » Effectivement, malgré l’usage d’un seul pigment, le noir, les immenses tableaux présents dans cette salle (Peinture 324 x 362 cm, 1986) où pénètre la lumière du jour laissent apparaître les sillons et reliefs de toutes sortes que l’artiste a infligés à la masse pigmentaire. Ainsi, quand on se déplace, l’aspect des tableaux se modifie et l’on n’a pas de problème d’éclairage pour les exposer !
En 1987, Soulages reçoit une importante commande, le remplacement des 104 vitraux posés en 1952 dans l’abbatiale Sainte-Foy de Conques. La réalisation de cet immense chantier lui prend sept années, en collaboration avec le maître-verrier Jean-Dominique Fleury à Toulouse. Soulages a fait don de la totalité des maquettes à l’échelle un de tous ces vitraux. On voit quelques-uns de ces travaux préparatoires dans la dernière section. Avec ce chantier, Soulages renouait avec la technique du « goudron sur verre » qu’il expérimenta en 1948 et dont, malheureusement, on ne voit aucun exemple dans ce musée. Il en est de même en ce qui concerne les décors de théâtre et de ballets (1949-1952) et les tapisseries que l’État lui commanda en 1984 pour le nouveau bâtiment du Ministère des Finances (Savonnerie I, 4,30 × 10,75 m, 1985 et Savonnerie II, 4,30 × 10,75 m, 1985).
Un musée unique et passionnant, d’une très grande richesse, comme on peut le constater. R.P. Musée Soulages. 12 Rodez. Lien : www.musee-soulages-rodez.fr.


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