MODERNITÉS SUISSES
1890-1914

Article publié dans la Lettre n°526 du 23 juin 2021



 
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MODERNITÉS SUISSES. 1890-1914. À part les rétrospectives consacrées à Arnold Böcklin en 2001-2002 (Lettre n°194), Ferdinand Hodler en 2007 (Lettre n°277), toutes deux au Musée d’Orsay, et Félix Vallotton en 2014 (Lettre n°360) au Grand Palais, il n’y a pas eu d’exposition de peintres suisses en France au cours des soixante dernières années. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que nous voyons cet accrochage de quelque soixante-quinze toiles réparties en onze sections monographiques ou thématiques, mettant à l’honneur une quinzaine de peintres qui se distinguèrent à partir de 1890.
Au tournant du XXe siècle, les artistes suisses sont partie prenante pour la quête, par cette jeune confédération créée en 1848, d’une identité culturelle suisse, dans un contexte de multilinguisme et d’un fort ancrage régional. Parmi ceux-ci on compte deux « figures tutélaires », Ferdinand Hodler (1853-1918) et Giovanni Segantini (1858-1899). Leur carrière est internationale et ils ont rompu avec la tradition naturaliste, où la vérité en peinture se définit par l’imitation. Ce sont des figures majeures de la peinture et du symbolisme européens.
Tout comme son mentor Segantini, Giovanni Giacometti, est obsédé par la lumière (Vue sur Capolago et le lac de Sils, 1907). Il en est de même de Cuno Amiet, inspiré quant à lui par Hodler, qui est fasciné par le pouvoir éblouissant de la lumière et ses effets colorés (Taches de soleil, 1904 ; Le Grand Hiver, 1907). Giacometti et Amiet se sont formés à l’Académie Julian à Paris. Amiet passera ensuite quelque temps à Pont-Aven, sans y rencontrer Gauguin, mais en découvrant les recherches les plus avancées qui succèdent à l’Impressionnisme. À leur retour en Suisse, ils feront connaître l’Impressionnisme, Cézanne et surtout Van Gogh, qui entrera dans des collections privées.
Comme ailleurs en Europe, l’industrialisation du pays provoque diverses réactions parmi des artistes à « la recherche de l’innocence ». Amiet quitte la ville pour la campagne. Alice Bailly, établie dans le quartier de Montparnasse, célèbre la nature vierge de toute présence humaine. Martha Stettler préfère l’environnement des parcs parisiens à celui de la campagne (La Toupie, entre 1907 et 1916). Pour des peintres comme Vallotton ou Sigismund Righini, cette industrialisation génère une angoisse qui se manifeste dans leur représentation de la famille, trouble et sinistre chez le premier (Le Dîner, effet de lampe, 1899), ironique chez le second (La Famille !, 1904).
Trois peintres, Ernest Biéler, Édouard Vallet, Max Buri, s’installent à la campagne et renouvellent les « scènes de genre paysannes » en traitant de manière novatrice ces sujets traditionnels (Biéler, Ramasseuse de feuilles mortes, vers 1909). Il en est de même pour la peinture de paysage, traitée d’une manière plutôt symboliste par Félix Vallotton, Hans Emmenegger, Alexandre Perrier et Albert Trachsel (L’Île des arbres en fleur, vers 1912-1913).
Tous ces peintres, à l’exemple de Cézanne, Gauguin ou Van Gogh, s’intéressent aux natures mortes, un domaine propice aux expérimentations de forme, de couleur et de composition. Alice Bailly, la plus radicale dans ce renouveau (Nature morte au réveille-matin, 1913) exposera avec les cubistes à Paris en 1912.
Une exposition utile, tant on connaît mal ces peintres, bénéficiant de prêts exceptionnels, d’un bel accrochage et d’une documentation très claire. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 25 juillet 2021. Lien : www.musee-orsay.fr.


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