LES HUMAINS  de Stephen Karam. Adaptation et mise en scène Ivan Calbérac. Avec Isabelle Gélinas, Bernard Campan, Mélanie Bernier, Astrid Ortmans, François Nambot, Michèle Simonnet.
Pauline n’est pas peu fière de recevoir sa famille pour Noël dans son appartement parisien encore encombré par les cartons d’emménagement. Si elle n’en revient pas d’avoir pu se loger non loin du Marais, ses parents et sa sœur Marion sont plus mesurés sur le choix des lieux, à considérer le « duplex », ou plutôt « souplex » situé sur deux niveaux, du rez-de-chaussée au sous-sol. Ses parents s’enorgueillissent aujourd’hui de voir Marion avocate, pressentie pour être associée et Pauline embrassant bientôt une carrière artistique importante. Ce soir, ils sont heureux de faire plus ample connaissance avec Louis, le compagnon de Pauline …
La soirée s’annonce bien. Cependant, pourquoi la voisine du dessus ponctue-t-elle les minutes de coups suffisamment sonores pour faire sursauter la petite famille, comment remonter urgemment l’escalier en colimaçon pour se rendre à l’unique WC, comment descendre mémé au sous-sol en fauteuil roulant ? La grand-mère, justement, qui entre deux absences et deux apnées se signale bruyamment sans crier gare.
Chacun donne pourtant le change. On trinque, on chante, on échange des cadeaux pour le moins surprenants. Louis est agréablement surpris par cette soirée, jugeant bien plus calmes celles passées chez lui, « sponsorisées par Lexomil et Prosac ». Cependant, les heures qui s’écoulent dévoilent inexorablement l’autre côté du miroir. Maladie, carrière au point mort, licenciement, rupture, dépression... Et c’est pourtant le père qui va lâcher la nouvelle la plus explosive. Consternée, la famille Lemonnier fera sienne le constat rabâché par mémé : « On ne revient jamais en arrière ».
Ivan Calbérac présente une adaptation réussie de « The humans », pièce couronnée par quatre Tony Award de Stephan Karam, jeune dramaturge américain de 36 ans.
Les comédiens mènent d’un bon train les conversations qui meublent ce réveillon. Affligés par les coups du sort, ils voient sans pouvoir réagir leurs rêves anciens balayés par les aléas du présent. Isabelle Gélinas est excellente en mère pétrie de bonnes intentions mais rigide sur ses convictions. Bernard Campan se tire royalement du rôle complexe d’un homme qui voit lui aussi l’avenir s’écrouler. Si le décor est l’un des éléments comiques de cette « comédie douloureuse », Michèle Simonnet en personnifie un autre. Hilarante, elle donne un bel aperçu de son talent, grand-mère qui a perdu la tête mais au bon sens parcellaire, encore vivant. Mélanie Bernier, Marion Lemonnier et François Nambot  sont ces jeunes qui tentent vaille que vaille de se tailler une place dans un monde de plus en plus dur. Des humains quoi ! M-P P. Théâtre de la Renaissance 10e.