VIVIAN MAIER. C’est en 2014 que nous avons découvert cette photographe « amateur » à travers le film de John Maloof A la recherche de Vivian Maier. John Maloof recherchait des images pour illustrer un livre d’histoire locale. C’est ainsi qu’il fait l’acquisition des biens d’une personne inconnue, lors d’une vente aux enchères du contenu d’un box dont le loyer n’était plus payé. Il y trouve plus de 120 000 images photographiques, des films Super 8 et 16 mm, des enregistrements divers, des appareils photographiques et une multitude de pellicules non développées. Grâce à une enveloppe portant le nom de l’ancienne propriétaire, il découvre qu’elle vient de décéder à Chicago quelques jours plus tôt et prend contact avec les personnes qui se sont occupées de ses obsèques. Il s’agit des trois frères Gensburg dont Vivian Maier était la gouvernante de 1956 à 1967. À partir de là, il lui est possible de reconstituer sa biographie, une recherche qu’il raconte dans son documentaire.
Vivian Maier est née à New York en 1926, d’un père d’origine austro-hongroise et d’une mère française. Ils se séparent en 1929. Elle fait plusieurs séjours en France jusqu’en 1959, ainsi qu’au Canada, en Égypte, au Yémen et en Thaïlande. Elle occupe divers emplois dans des familles aisées jusqu’en 1993. À la fin des années 1990, les enfants Gensburg, qui la considèrent comme leur deuxième mère, la retrouvent alors qu’elle est tombée dans la misère. Ils s’occupent d’elle financièrement et l’installent dans une maison de repos où elle décède en 2009.
C’est en 1951 que Vivian Maier acquiert son premier appareil photo, un Rolleiflex, appareil reflex de format carré, préféré par de nombreux photo-reporters jusque dans les années 1970. L’exposition présente 278 photographies, dont 142 inédites. 72 sont des images vintage, c’est-à-dire, des tirages d’époque. Anne Morin, la commissaire, a divisé le parcours en 9 sections. La première, « autoportrait et autoreprésentation », présente de nombreuses images où l’on voit la photographe à travers des jeux de miroirs, parfois savants, ou à travers une ombre. Ce type de photographie qu’elle utilisera tout le temps révèle d’emblée son haut niveau de connaissance dans la prise de vue photographique.
Dans les sections suivantes, on mesure l’intérêt qu’elle portait aux scènes de la rue, souvent pittoresques, aux gens qu’elle croisait, la plupart du temps dans les quartiers populaires, aussi bien à New York qu’à Chicago. Parfois elle réalisait de véritables portraits, rassemblés dans la section « Les identités remarquables », ou s’attardait sur des postures singulières, comme des mains dans le dos ou portées au visage. Compte tenu de l’absence de téléobjectif ou de zoom sur ce type d’appareil que l’on tenait au niveau de la poitrine, il lui fallait prendre les photos de très près, ce qui nécessitait audace et rapidité. Malgré ces handicaps, on constate que ses photographies, non retouchées, sont parfaitement cadrées.
Une section est consacrée au cinéma avec la projection de quelques films en couleur, non montés, de moins de deux minutes. Les thèmes abordés, comme les scènes de rue ou les jeux d’enfants, sont les mêmes que pour les photographies. Une autre section nous montre des photographies couleur, dont beaucoup sont des tirages vintage. Vivian Maier utilisait un Leica 35 mm au format rectangulaire, proche de celui des films qu’elle faisait simultanément. On la voit avec ce Leica, dans le reflet d’un miroir. Se promenant avec les deux types d’appareil, elle commençait par filmer puis prenait une photographie.
La huitième section s’intéresse aux photographies d’enfants, en pleurs ou fixant l’objectif. Enfin dans la dernière, on trouve des images étonnantes, journal sur le sol, pieds au bord d’une piscine, etc. que l’on ne peut pas rattacher à un lieu précis et qui frôlent l’abstraction. On y voit aussi des photographies pas du tout banales de Notre-Dame de Paris et de Versailles prises en 1959. Cette exposition remarquable, bénéficiant d’une scénographie claire et aérée, nous prouve que cette photographe, inconnue de son vivant, est à mettre au même niveau que Diane Arbus, Robert Frank, Helen Levitt, Robert Doisneau ou Henri Cartier Bresson. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 16 janvier 2022.
Lien : www.museeduluxembourg.fr.