VICTOR BRAUNER
« Je suis le rêve, je suis l'inspiration »

Article publié dans la Lettre n°512 du 25 novembre 2020



 
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VICTOR BRAUNER. « Je suis le rêve. Je suis l’inspiration. » « Le plus surréaliste des surréalistes », d’après André Breton, est aussi l’un des moins connus. Né en Roumanie en 1903, Victor Brauner alterne les séjours entre Bucarest et Paris de 1925 à 1930, année où la montée du fascisme en Roumanie l’incite à venir s’installer à Paris. En 1931 il peint un Autoportrait à l’œil énucléé. C’est une œuvre prémonitoire car il perdra effectivement son œil droit en 1938, en tentant de séparer deux amis qui se battaient. Ce n’est qu’en 1933 qu’il rencontre André Breton et adhère au groupe des surréalistes. Mais, faute de ressources, il doit retourner à Bucarest, de 1935 à 1937, et ne peut donc pas participer aux expositions surréalistes internationales. Il s’inscrit au parti communiste clandestin qu’il quitte lors des procès de Moscou (1936-1938) et revient à Paris. Malheureusement, étant juif, la guerre le conduit à se cacher dans les Pyrénées-Orientales puis dans les Hautes-Alpes, car il n’obtient pas de visa pour partir aux États-Unis avec ses amis surréalistes comme Masson, Tanguy, Man Ray, Breton et Ernst.
À partir de 1942, il séjourne dans la clandestinité aux Celliers de Rousset, près de Gap, en compagnie du sculpteur Michel Herz et de Jacqueline Abraham, qu’il épousera en 1946. Faute de peinture à l’huile, trop chères durant ces années de guerre, il met au point une technique de peinture à la cire, en utilisant des bougies. En 1941 il fait naître un être étrange, composé de plusieurs corps, humains ou animaux, n’ayant qu’une seule et même tête, le Conglomeros. En 1945, Michel Herz réalisera une sculpture grandeur nature d’un de ces Conglomeros ainsi que de trois autres œuvres dont Nombre, un hermaphrodite incroyable sous la protection de Saturne.
La guerre finie, il s’installe à Paris au 4 et 2 bis rue Perrel, dans le XIVe arrondissement, dans ce qui passait pour l’atelier d’Henri Rousseau. Il célèbre ce « hasard objectif » en peignant le tableau de La Rencontre du 2 bis rue Perrel, où son Conglomeros voisine avec la charmeuse de serpent du Douanier Rousseau.
En 1947 il participe à l’Exposition internationale du surréalisme organisée par André Breton et Marcel Duchamp. Mais en 1948, le peintre chilien Roberto Marta étant exclu du groupe surréaliste, Brauner prend sa défense et se voit exclu à son tour ! Après cela sa peinture prend d’autres directions sous l’influence des arts premiers et de la psychologie, voire la psychanalyse. C’est la série des Onomatomanie (1949), « manie de nommer », la série des « Rétractés » (1950) et plus tard les cycles « Mythologies » et « Fêtes des Mères » (1965). Après une longue maladie, il meurt le 12 mars 1966, l’année même où il était choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise.
La présente rétrospective fait la part belle à sa période surréaliste. Après une brève introduction, le parcours est composé de sept sections suivant un ordre chronologique et d’une section consacrée à ses dessins. Cette dernière permet de voir son talent dans ce domaine. Brauner a fait des milliers de dessins. Jacqueline Victor Brauner, sa veuve, en a légué plus de 3000 au Musée d’Art moderne de Saint-Étienne, tandis qu’elle enrichissait le Centre Pompidou et bien d’autres musées français en tableaux et en sculptures, comme on le constate en regardant la provenance des œuvres exposées.
Après un regard sur sa jeunesse roumaine (1920-1925), on découvre les peintures de Brauner au contact de l’univers surréaliste (1925-1932) puis lorsqu’il devient membre du groupe, en 1933. Dans cette section (1933-1939), on est frappé par les représentations d’un personnage extravagant, sorte d’Ubu, Monsieur K, allégorie de la sottise triomphante dont l’initiale n’est pas sans évoquer « kaiser », « képi » ou encore « kapital » quand on sait la passion de Brauner pour le maniement des mots.
Vient ensuite une section intitulée « Les frontières noires de la guerre (1939-1945) » où l’on voit ses peintures à la cire puis la spectaculaire section sur le Conglomeros. Là, à côté des trois sculptures exposées, on découvre l’ampleur du travail préparatoire avec de nombreux dessins pour le Conglomeros, La Pallatine, etc.
Le parcours se termine avec ses dernières œuvres surréalistes (1946-1948) puis celles qui suivirent (« Au-delà du surréalisme (1949-1966) ») jusqu’à sa mort. Les toutes dernières appartiennent à des cycles, Mythologies et La Fête des Mères (1965), et rappellent les papiers découpés, avec des peintures en aplats sur des supports en bois, découpés et peints. Une exposition brillante, avec des commentaires intéressants, un parcours cohérent et une belle scénographie. R.P. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 10 janvier 2021. Lien : www.mam.paris.fr.


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