UN RÊVE D’ITALIE :
LA COLLECTION DU MARQUIS CAMPANA

Article publié dans la Lettre n° 470
du 9 janvier 2019


 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

UN RÊVE D’ITALIE : LA COLLECTION DU MARQUIS CAMPANA. Comme son père et son grand père, le marquis Giampietro Campana (1808-1880) est nommé directeur du Mont-de-Piété, une institution majeure des États pontificaux. Comme eux et comme les grandes familles italiennes, il se passionne pour la collection d’antiques, mais dans des proportions inégalées. Non seulement il se procure des objets sur les marchés spécialisés, comme ceux de Rome, Florence et Naples mais il pratique aussi des fouilles, à Rome, dans le Latium et dans les grandes cités étrusques de Véies et de Cerveteri. Même s’il a peu publié, il tient une place importante dans l’histoire de l’archéologie et a donné son nom à des plaques architecturales romaines à décor figuré en terre cuite, les plaques Campana.
Après sa collection d’antiques commencée dans les années 1830, Campana constitue une collection d’œuvres modernes à partir de la fin des années 1840 en profitant de la mise en vente de nombreuses œuvres sur le marché italien. En quelques années il rassemble des ensembles conséquents de peintures, sculptures et majoliques.   
Mais, à l’époque du Risorgimento, en voulant présenter un tableau complet des richesses archéologiques et artistiques de l’Italie, Campana rejoint ainsi ceux qui militent pour l’unité du pays et contre le pouvoir du pape. Sa collection aura une importance majeure dans la définition culturelle et politique du patrimoine italien.
Sa boulimie d’œuvres d’art le conduit à des malversations financières. Il est arrêté en 1857, condamné à la prison, commuée à l’exil, et sa collection est mise en vente par l’administration pontificale, suscitant l’indignation des défenseurs du patrimoine italien et attisant les rivalités entre les grandes nations. C’est à cette occasion que l’on se rend vraiment compte de l’importance de cette collection, alors dispersée dans de nombreux lieux à Rome, comme la Villa Campana près de Saint-Jean-de-Latran, le Palais du Corso ou le Mont-de-Piété. Personne ne l’a vue en entier, surtout la collection moderne. Des catalogues sont réalisés, reprenant le classement de Campana en 12 classes dont 7 pour les antiques, qui servent aux acheteurs pour faire leur choix. On dénombre ainsi plus de 12 000 objets. En 1861 l’Angleterre achète une sélection de sculptures modernes, la Russie surtout des marbres et des vases antiques et Napoléon III le reste de la collection, soit plus de 10 000 pièces, à l’exception des monnaies, seuls objets à rester à Rome.
Le parcours de l’exposition, après des données générales sur Campana, son projet et la réalisation de sa collection, illustrée par quelques objets caractéristiques des différentes classes, se déroule en suivant justement l’ordre des classes définies par ce collectionneur. On commence donc par les antiques avec les vases (3 800 dans la collection), les bronzes, y compris des objets de la vie courante, les bijoux et les monnaies, les terres cuites dont ce chef-d’œuvre qu’est le Sarcophage des époux (520-510 avant J.-C.), les verres, que Campana présentait comme des précurseurs de ceux de Murano, les peintures antiques et les sculptures (classe 7).
A ce stade du parcours, les commissaires présentent la classe 12, les objets de curiosité, pourtant antiques. On y trouve des objets modestes du quotidien ainsi que des ex-voto à caractère érotique.
En aparté nous avons ici une section consacrée aux restaurations. Nous voyons que les restaurateurs du 19e siècle allaient parfois très loin dans leurs interventions, n’hésitant pas à compléter une statue avec des fragments d’autres statues et des compléments modernes comme cette Vénus d’Anzio (1er-2e siècle après J.-C.). Même chose avec les vases et les peintures. On a ainsi une figure féminine dite Le Printemps (vers 100-150 après J.-C.), restaurée, puis recouverte d’un jutage brun pour ne laisser apparaître que les quatre fragments antiques et finalement rendue récemment à sa restauration initiale !
Le parcours reprend avec la collection moderne. Celle-ci comprend plus de 600 tableaux et avait pour but de retracer l’évolution de la peinture italienne depuis ses origines jusque vers 1700. Il commence par les primitifs italiens (classe 8, plus de 400 tableaux) avec des œuvres des 13e, 14e et 15e siècles. Viennent ensuite les éléments du décor mobilier, panneaux de coffres de mariage, décors de chambres à coucher, et les quatorze portraits d’hommes illustres ornant autrefois le studiolo du palais ducal d’Urbino. Les deux classes de peintures se terminent avec des œuvres monumentales, comme La Bataille de San Romano, un chef-d’œuvre d’Uccello, et des tableaux des 16e et 17e siècles dont certains étaient attribués alors à des peintres célèbres (Raphaël, Caravage, l’Albane, …) !
La classe suivante, numéro 10, est l’une des plus impressionnantes du parcours. Il s’agit de majoliques, des faïences de la Renaissance italienne, richement illustrées. La collection en comptait 641. Les commissaires ont mis en exergue la majolique lustrée, avec des reflets métallescents rouges et dorés, et la majolique illustrée, Belle donne (belles femmes) et Istoriati (sujets bibliques, mythologiques ou historiques).
Le parcours relatif à la collection de Campana se termine par les sculptures, parmi lesquelles on trouve des œuvres collectionnées par Ottavio Gigli, un ami de Campana, qui avait dû mettre en gage sa collection au Mont-de-Piété à Rome, où elle subit le même sort que celle de Campana. On admire des œuvres qui étaient attribuées à Donatello, Antonio Rossellino et aux Della Robbia, attributions largement contestées aujourd’hui.
La dernière section est consacrée à la dispersion de la collection. Napoléon III les avaient exposées en 1862 au Palais de l’Industrie, dans un éphémère musée Napoléon III, afin de servir de source d’inspiration aux arts industriels, comme on le voit dans la dernière salle avec des copies de bijoux. L’année suivante, la collection fut transférée pour l’essentiel au Louvre et pour le reste dans des musées de province. Actuellement on tente de regrouper certains de ces dépôts au musée du Petit Palais d’Avignon.
Avec plus de 500 objets, des explications très claires et complètes sur les œuvres majeures, cette exposition est un modèle du genre. Elle sera présentée cet été à Saint-Pétersbourg, au musée de l’Ermitage, partenaire du Louvre pour cette exposition. R.P. Musée du Louvre 1er. Jusqu’au 18 février 2019. Lien : www.louvre.fr.


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