TURNER
Peintures et aquarelles. Collections de la Tate

Article publié dans la Lettre n°513 du 9 décembre 2020



 
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TURNER. Peintures et aquarelles. Collections de la Tate. Joseph Mallord William Turner (1775-1851) ne souhaitait livrer à la postérité que des toiles parfaitement achevées. Mais, en 1856, à la suite d’un procès contre ses cousins qui contestaient ses dernières volontés, la nation britannique reçoit un legs immense comprenant 300 peintures à l’huile et plus de 30 000 œuvres sur papier : aquarelles, esquisses et dessins, dont 300 carnets de croquis saisis on the spot sur les lieux traversés. Seul Delacroix peut supporter la comparaison sur ce sujet. Turner avait réalisé la plupart de ces œuvres « pour son propre plaisir » comme le remarqua le critique John Ruskin. Ces aquarelles, dont une soixantaine est exposée ici, à côté d’une dizaine de peintures à l’huile, montrent la profonde originalité de cet artiste romantique. Un écrivain et critique, William Hazlitt, écrit en 1816 que les tableaux de Turner « ressemblent trop à des abstractions de perspective aérienne ». Il ajoute qu’ils « marquent le triomphe du savoir de l’artiste et du pouvoir du pinceau sur l’aridité du sujet » et termine en disant que « tout est sans forme, vide ». Cette critique est finalement fort bien vue. Turner s’exerce d’abord à saisir la réalité de l’air, de l’eau ou de la terre. C’est en imitant les effets de transparence, de luminosité et de propagation diffuse de la lumière obtenus à l’aquarelle que la peinture de Turner s’est constituée dans sa singularité.
C’est à quatorze ans que Turner entre comme élève à la Royal Academy, où l’on remarque très vite ses talents de dessinateur. Il travaille pour des architectes renommés comme Thomas Malton, son « vrai maître ». Très vite il s’échappe de « la pierre et la brique » pour s’intéresser aux paysages de lacs, de ravins, de rivières, de montagnes. Il réalise des milliers d’études sur place puis, de retour dans son atelier, il fait preuve d’une stupéfiante mémoire des couleurs, des effets de lumière, de la densité et de la transparence des phénomènes naturels.
Contrairement aux autres peintres de son époque, comme John Constable qui ne quitte guère le Suffolk où il est né, Turner est pris d’une frénésie de voyages dès son plus jeune âge. En 1791 et un premier voyage à Bristol, il inaugure un rythme qu’il gardera toute sa vie, le summer touring. En été il moissonne des visions de paysages. En hiver ceux-ci lui servent de sujet pour son travail en atelier. En 1802, profitant d’une trêve dans la guerre entre la France et l’Angleterre, il traverse la Manche et visite la Suisse et les Alpes et la Grande Chartreuse. À son retour, il passe par Paris où il va étudier au Louvre les tableaux de Claude Gellée, dit Le Lorrain, auquel il voue un véritable culte (il demandera que deux de ses toiles soient accrochées à côté de deux tableaux de ce peintre). La liste des voyages de Turner, à une époque où il n’était pas facile de voyager, donne le tournis. Il visite, souvent à plusieurs reprises, la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark. De Rome il ramène 1500 dessins sur le motif et 200 études à l’aquarelle. À partir de 1845, la fatigue réduit les déplacements de Turner. Il lui reste Margate, à l’estuaire de la Tamise, et « les plus beaux ciels d’Europe ».
La présente exposition rend bien compte de l’évolution picturale de Turner. Elle commence par des œuvres de jeunesse où, à côté de l’intérieur d’une cathédrale, on voit des paysages tourmentés avec de vastes horizons. Viennent ensuite des paysages de l’Angleterre (1805-1815), dont certains préfigurent déjà sa manière de les représenter. Puis des sujets puisés dans toute l’Europe (1815-1840). Au milieu de paysages presque abstraits, on admire une magnifique toile, Le Rameau d’or, exposé en 1834, qui montre que Turner est aussi habile à rendre la lumière sur une toile que sur une feuille de papier.
Une petite section nous montre sa dernière palette et surtout un cabinet à pigments où l’on voit qu’il aimait beaucoup les couleurs primaires. Ce goût pour les coloris éclatants va s’exacerber dans les œuvres de sa maturité, objets des deux dernières salles de cette très belle exposition. R.P. Musée Jacquemart André 8e. Jusqu’au 11 janvier 2021. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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