TINA MODOTTI
L'œil de la révolution

Article publié dans la Lettre n°592 du 24 avril 2024



 
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TINA MODOTTI. L’œil de la révolution. Née à Udine, en Italie, en 1896, Tina Modotti émigre dès l’âge de 16 ans aux États-Unis, à San Francisco puis à Los Angeles. Elle trouve un emploi de couturière puis de mannequin pour un prestigieux magasin de mode et enfin, en 1918, celui de comédienne dans le cinéma muet naissant. À Los Angeles, en 1921, elle rencontre le photographe Edward Weston (1886-1958) dont elle devient l’un des modèles puis sa compagne jusqu’en 1927. Avec Chandler, l’un des fils de Weston, ils fondent tous les trois, en 1923, un studio de portraits au Mexique. C’est là que Tina Modotti, de simple assistante au début, s’initie à la photographie et commence sa carrière de photographe. Très engagée politiquement, Tina arrête la photographie en 1930 pour se consacrer à la défense de causes sociales et politiques. Peu à peu tombée dans l’oubli, son œuvre photographique recommence à être exposée et étudiée à partir des années 1970 et on lui attribue actuellement quelque 400 photographies. La présente exposition, fruit de six années de recherche, nous présente 240 tirages d’œuvres d’Edward Weston et de Tina Modotti.
Le parcours, divisé en six sections, commence par une évocation de sa vie en Autriche, en Italie et enfin aux États-Unis. Il est illustré de diverses photographies de Tina dont un album-photos familial où l’on remarque déjà, à travers ses costumes, son anticonformisme. Vient ensuite une évocation de ses débuts au Mexique en tant que photographe. Si la plupart de ces photographies sont essentiellement « artistiques » avec des vues de fils électriques, d’escaliers, de stade, de fleurs etc. on note déjà son intérêt pour des sujets sociaux comme cette Paysanne avec une petite fille (1926)ou ces Petites filles assises chez Tina (vers 1927). Les commissaires nous livrent un exemple de la différence entre Tina et son maître avec la photographie du chapiteau d’un cirque en 1924. Weston photographie, d’une manière abstraite, la toile grimpant le long du mat, tandis que Tina Modotti nous montre des paysans sur les gradins.
Avec la troisième section « La renaissance mexicaine », nous sommes transportés dans l’univers des muralistes mexicains, dont Diego Rivera et José Clemente Orozco. Les photographies de Tina Modotti vont illustrer diverses publications américaines ainsi qu’une monographie de Rivera. Nous voyons aussi des portraits de ces muralistes et des commanditaires de Tina, telle Anita Brenner, ainsi que des photographies prises en Allemagne en 1930, après son expulsion.
La quatrième section témoigne de son engagement politique avec le parti communiste mexicain, comme Rivera ou Frida Kahlo, ainsi qu’avec le SRI, le Secours rouge international. Elle considère alors le Mexique comme son peuple. Cette section est la plus humaniste. Nous y voyons des photographies de manifestations et de réunions politiques. Mais surtout d’individus photographiés dans des situations réelles car Tina Modotti refuse de faire poser ses sujets. Certains s’enfuient même quand ils la voient arriver avec son matériel ! Tout un petit peuple, vendeurs, porteurs, lavandières, mères avec leurs enfants, etc. est ainsi pris sur le vif. Certaines de ses photographies sont publiées dans la presse locale, surtout dans El Machete, qui s’adresse à un lectorat de paysans, mais aussi dans des revues étrangères (américaines, allemandes et russes), comme on le voit dans la dernière section.
Modotti fait face à un dilemme: comment trouver un langage visuel accessible au peuple sans trahir ses principes esthétiques ? Elle y répond avec des photos emblématiques comme Femme au drapeau (1927) ou des montages de natures mortes telle Faucille, cartouchière et épi de maïs (1927). Nous en avons de nombreux exemples dans les dernières sections.
En 1930, accusée à tort d’avoir participé à un attentat contre le président Pascal Ortiz Rubio, Tina Modotti est expulsée du Mexique. Après un séjour en Allemagne où elle n’arrive pas à exercer son métier de photographe, elle part pour l’Union soviétique. Nous la retrouvons en mission pour le SRI dans diverses villes espagnoles puis finalement au Mexique où elle retourne sous une fausse identité en 1939. En 1942 elle meurt prématurément d’une crise cardiaque, à Mexico, à l’âge de 45 ans.
Cette très belle rétrospective, bien documentée, nous permet de mieux connaître cette artiste, un mot qu’elle n’aimait pas, ainsi que la situation du Mexique dans les années 1920-1930. R.P. Jeu de Paume 1er. Jusqu’au 26 mai 2024. Lien : jeudepaume.org


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