TARSILA DO AMARAL
Peindre le Brésil moderne

Article publié dans la Lettre n°606 du 11 décembre 2024



 
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TARSILA DO AMARAL. Peindre le Brésil moderne. Si Tarsila do Amaral (1886-1973) est une artiste très connue et appréciée dans son pays, très peu d’expositions lui ont été consacrées à l’étranger. Celle-ci est donc la bienvenue pour faire la connaissance de son œuvre, forgé tant à São Paulo qu’à Paris, où elle vient étudier en 1920 et y travailler jusqu’en 1932. Pour nous présenter Tarsila, son nom d’artiste, Cecilia Braschi, la commissaire, a rassemblé quelque 143 œuvres dont une cinquantaine d’huiles sur toile et carton. Le parcours en six sections retrace les différentes périodes de son art.
La première section décrit ses origines, celles d’une femme issue d’une famille cultivée de grands propriétaires terriens de la région de São Paulo, et nous montre ses premières peintures. Tout d’abord des vues classiques comme celle qu’elle voit depuis sa chambre à Paris ou des nus féminins peints à l’académie Julian, puis des toiles moins académiques, influencées tant par les courants avant-gardistes de São Paulo que de Paris. C’est ainsi qu’elle adopte des couleurs plus vives (Figure en bleu, 1923) et s’essaie au cubisme. Elle commence à être connue à Paris grâce à ses qualités physiques et vestimentaires, comme on le voit sur ses autoportraits dont Manteau rouge (1923). Son compagnon, Oswald de Andrade, la qualifie de «Caipirinha habillée par Poiret», à savoir une petite «caipira», c’est-à-dire une jeune fille de la campagne brésilienne habillée par l’un des plus grands couturiers de l’époque. Cette section évoque aussi ses nombreux voyages à l’étranger, dès 1902 avec ses parents, puis avec son compagnon.
En 1924, de retour au Brésil, Tarsila «redécouvre» son pays avec São Paulo en plein développement, Rio de Janeiro et ses paysages, le Minas Gerais et ses vestiges coloniaux. Elle fait de nombreux dessins qu’elle retranscrit dans des peintures exubérantes où, par exemple, le chemin de fer voisine avec un village brésilien typique. La deuxième section «L’invention du  paysage brésilien», évoque cette période avec cinq toiles et de nombreux dessins.
Le parcours s’intéresse ensuite au thème du «Primitivisme et identité(s)». À Paris, on attend d’une brésilienne qu’elle montre l’exotisme de son pays, tandis qu’au Brésil on souhaite qu’elle participe à «la construction d’un imaginaire national et moderne fondé sur le métissage entre les cultures indigène, portugaise et africaine qui composent historiquement le peuple brésilien». Cette section est donc riche en toiles s’inspirant du folklore brésilien comme Carnaval à Madureira (1924) ou d’animaux en partie inventés ou copiés sur des modèles indigènes (La Cuca, 1924). Mais on y trouve aussi La négresse (1923) une toile ambiguë qui se veut un hommage à la population afro-brésilienne tout en représentant cette femme noire avec tous les stéréotypes de l’époque. Au milieu de ces toiles et dessins des années 1924 à 1927, trône une grande composition, objet d’une commande reçue en 1956, Baptême de Macounaïma, qui évoque les mythes et légendes du folklore autochtone.
La section suivante porte un titre, «Le Brésil cannibale» qui ne peut que nous intriguer. En fait, il s’agit de montrer comment les Brésiliens s’approprient les cultures étrangères et colonisatrices comme le faisaient les indigènes en dévorant l’autre dans le but d’en assimiler les qualités. Cela donne lieu à des tableaux anthropophages où se mélangent des paysages et des animaux, réels ou inventés, voire des humains, sans souci de réalisme.
Le krach boursier de New York en 1929 affecte de plein fouet Tarsila dont les propriétés sont hypothéquées. Elle vit maintenant avec un jeune médecin de gauche, Osório César, avec qui elle fait un voyage à Moscou en 1931. Désormais, elle s’inspire du «réalisme social» et peint les «Travailleurs et travailleuses». Nous voyons dans cette section plusieurs toiles sur ce thème dont une immense composition réunissant une cinquantaine de portraits devant les cheminées d’une usine (Ouvriers, 1933) et une autre mettant les femmes à l’honneur (Couturières, 1950 mais commencée dans les années 1930).
La dernière section, «Nouveaux paysages», est très plaisante. Dans les années 1950 Tarsila reprend des motifs anciens comme Bonace ou Village avec pont et papayer en simplifiant les formes et en les colorant encore plus vivement. Elle continue aussi à représenter les changements dans son environnement comme la construction des gratte-ciel à São Paulo (La métropole, 1958). Une belle exposition, bien documentée, avec de nombreux cartels développés très utiles pour la compréhension de certaines œuvres. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 2 février 2025. Lien : www.museeduluxembourg.fr.


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