TAMARA KOSTIANOVSKY. La chair du monde. Née en 1974 à Jérusalem dans une famille d’immigrés, arrivée à l’âge de 2 ans à Buenos Aires, Tamara Kostianovsky vit aujourd’hui aux États-Unis. Au début des années 2000, dans une laverie automatique, tous ses vêtements rétrécissent. Après quelques jours à les observer, elle décide de faire de ces vêtements la matière même de ses sculptures. Dès lors elle n’utilise que des matériaux recyclés, des tissus mis au rebut, des vêtements personnels ou de proches, des textiles d’ameublement, éventuellement cousus sur des supports en bois. Ainsi, à la mort de son père, en 2017, en hommage à ce dernier, elle récupère ses pantalons en velours côtelés pour les intégrer dans son œuvre.
Quand on pénètre dans la salle d’exposition temporaire, on ne se rend pas compte, au premier regard, que les morceaux d’arbres exposés ici sont en tissus. Le travail de Tamara Kostianovsky est d’un réalisme époustouflant. Il l’est encore davantage avec ses carcasses de « viande » (série Tropical Abattoir, 2021-2022) suspendus à des chaînes et tournant sur elles-mêmes. Mais, en tournant, elles découvrent leur intérieur dans lequel des plantes et des oiseaux se sont installés. C’est toute la philosophie de l’artiste qui fait sienne la théorie du philosophe Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) pour qui la « chair du monde » représente l’interface entre le sujet percevant et le monde qui l’entoure.
Pour sa première exposition dans un musée français, Tamara Kostianovsky a créé, en résidence à la Cité Falguière à Paris, un imposant tronc coupé en cinq morceaux, son plus grand arbre à ce jour. Elle a également élargi sa palette avec l’introduction de la couleur noire, qui symbolise les incendies dont les arbres sont souvent victimes aujourd’hui.
Comme d’habitude dans ce musée, après la salle d’exposition temporaire où sont présentées sept œuvres monumentales représentant des morceaux d’arbres, le parcours se poursuit dans cinq autres salles. Dans celles-ci, les travaux de Tamara Kostianovsky dialoguent avec les collections permanentes. Un énorme vautour tourne au-dessus de nos têtes dans le salon de Compagnie. Des oiseaux multicolores sont délicatement posés sur des fonds de feuilles et de fleurs dans le salon des Oiseaux. Enfin dans la salle de la Forêt (La Forêt d’Eva Jospin), d’autres oiseaux ornent les grands triptyques exposés ici : Sordides décorations (2020) ; Devenir indigène (2022) et Biophilia (2022). Une très belle exposition qui nous fait découvrir une artiste utilisant des matériaux originaux et qui nous permet aussi de voir ou revoir les collections permanentes de ce magnifique musée. R.P. Musée de la chasse et de la nature 3e. Jusqu’au 3 novembre 2024. Lien : chassenature.org