Chaïm Soutine / Willem de Kooning
La peinture incarnée

Article publié dans la Lettre n°535 du 24 novembre 2021



 
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CHAÏM SOUTINE / WILLEM DE KOONING. La peinture incarnée. Après « Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet » en 2018 (Lettre n°459), le musée de l’Orangerie s’intéresse de nouveau à l’influence des artistes parisiens sur les artistes américains et plus particulièrement ceux de la première école de Paris sur ceux de l’expressionnisme abstrait américain. Les deux peintres exposés aujourd’hui à l’Orangerie, avec une cinquantaine de toiles, après l’avoir été à la Fondation Barnes à Philadelphie, ne se sont jamais rencontrés. Chaïm Soutine (1893-1943), d’origine biélorusse, a émigré à Paris, alors capitale de l’art, en 1912, tandis que Willem de Kooning (1904-1997), d’origine néerlandaise, émigrait clandestinement aux États-Unis en 1926 (il obtiendra la nationalité américaine en 1962).
Dans les années 1930, de Kooning découvre Soutine, déjà bien connu aux États-Unis à cette époque. Plus tard, la grande exposition consacrée au peintre russe en 1950 par le Museum of Modern Art de New York et la visite privée que de Kooning fera en 1952 à la Fondation Barnes, qui abrite l’une des plus grandes collections d’œuvres de Soutine avec celle du musée de l’Orangerie (dans les deux cas grâce à Paul Guillaume), l’influenceront profondément. En effet, la peinture gestuelle et l’empâtement prononcé des toiles de Soutine ne sont pas sans rappeler l’expressionnisme abstrait américain.
Les commissaires, Claire Bernardi et Simonetta Fraquelli, n’ont pas cherché à confronter systématiquement les toiles des deux artistes. Le parcours suit un ordre chronologique marqué par l’évocation de la rétrospective Soutine de 1950 au MoMA, avec une quinzaine de portraits, paysages et natures mortes qui étaient présents dans cette manifestation. C’est à ce moment-là que de Kooning se lance dans la série des « Woman », un moyen d’aller au-delà de l’antagonisme entre figuratif et abstrait, invoqué par les critiques d’art. À part Marilyn Monroe (1954), seule Woman portant un nom à la place d’un numéro, ces « grosses femmes » selon l’expression d’Elaine Barnes, son épouse, sont « férocement souriantes » et à la limite de l’abstraction.
Plus tard, dans les années 1960, de Kooning élabore des « Femmes - Paysages », des figures aux poses provocantes, encore plus abstraites. On les rattache à la toile de Soutine, Femme entrant dans l’eau (1931), elle-même inspirée par le tableau d’un grand maître, Rembrandt, que les deux peintres admirent, La Femme se baignant dans un ruisseau (1654).  
L’exposition se termine avec des toiles des années 1960-1970 sous le titre de « Transfigurations ». De Kooning, toujours en admiration des peintures de Soutine, cherche à retrouver la luminosité des paysages de ce dernier avec des tableaux totalement abstraits. Une exposition originale avec une scénographie épurée, mettant les toiles bien en valeur. R.P. Musée de l’Orangerie 1er. Jusqu’au 10 janvier 2022. Lien : www.musee-orangerie.fr.


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