SOULAGES. Une autre lumière. Peintures sur papier. Nous avons rendu compte à plusieurs reprises des expositions consacrées à Pierre Soulages (1919-2022), en particulier au Centre Pompidou en 2009 (Lettre 116), à la Fondation Pierre Gianadda à Martigny en Suisse en 2018 (Lettre 461), au Louvre en 2020 (Lettre 495) et bien sûr dans son musée à Rodez (Lettre 523). À côté de ses toiles et de ses bronzes, il y avait toujours des peintures sur papier. Mais ici, l’exposition est exclusivement consacrée à ces dernières, une première en France. 130 œuvres sont exposées, dont plus d’une trentaine inédites, sur les quelque 800 qu’il peignit et conserva longtemps dans ses ateliers à Paris et à Sète.
Le parcours suit un ordre chronologique depuis ses tout premiers dessins d'après modèle réalisés lorsque Soulages était élève à l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 1941-42, jusqu’à ses dernières œuvres sur papier en 2004.
C’est pendant la guerre, en 1942, qu’il découvre l’art abstrait dans un article de Signal consacré à l’art «dégénéré». Il y voit, entre autres, un tableau de Mondrian, qu’il qualifie d’«art né de la division d’un rectangle, fondé sur les rapports géométriques». Dès lors Soulages se lance dans l’art abstrait et ne le quittera plus. Sur le papier, il commence par des fusains puis opte pour le brou de noix, une matière ordinaire utilisée par les menuisiers pour teindre le bois, dont il aime les qualités de transparence et d’opacité et également de luminosité en contraste avec le blanc du papier. Il emploie aussi l’encre et la gouache mais n’abandonne jamais le brou de noix, jusqu’en 2004, l’étalant avec des outils de peintres en bâtiment.
En 1948, le docteur Ottomar Domnik, amateur d’art abstrait, organise une tournée de peintres abstraits dans sept musées allemands. Non seulement Soulages, de loin le plus jeunes des peintres sélectionnés, en fait partie mais c’est l’un de ses brous de noix qui est choisi pour l’affiche. Cette exposition rencontre un grand succès et lance la carrière de Soulages. Celui-ci est exposé dès 1954 et pendant les dix années suivantes à la galerie Kootz à New York, tandis qu’il expose peu en France. En 1957, la galerie Berggruen présente à Paris ses gouaches et ses eaux-fortes. Peu à peu Soulages est exposé dans le monde entier, ce qui confirme sa stature internationale, et présente chaque fois, à partir des années 1960, des peintures sur papier à côté de ses toiles, preuve de l’importance qu’il leur attache.
Tout au long de sa carrière, Soulages ne cesse de rechercher de nouvelles techniques, utilisant toutes sortes d’outils, qu’il invente, fabrique ou fait fabriquer. En 1977 et 1978 il réalise une centaine de grandes gouaches vinyliques dont certaines, comme dans ses toiles de cette période, laissent place à la couleur bleue. En 1979, il commence une nouvelle phase, qu’il appelle l’outrenoir, et délaisse la peinture sur papier mais sans l’abandonner. Il se lance alors dans des peintures de grands formats, dont certaines traitées à la mine de plomb sur fond noir, une nouveauté pour lui.
Toutes ces périodes, des années 1940 jusqu’en 2004, sont abondamment illustrées avec des peintures de toutes sortes qui montrent l’inventivité de leur auteur. Une exposition remarquable bénéficiant d’une scénographie bien adaptée. Signalons également, certains jours, une expérience en réalité virtuelle, Outrenoir, sur le travail de l’artiste. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 11 janvier 2026. Lien : www.museeduluxembourg.fr.