RIBERA. Ténèbres et lumière. Avec plus d’une centaine de peintures, dessins et estampes venus du monde entier, le Petit Palais rend hommage pour la première fois en France au grand peintre espagnol Jusepe de Ribera (1591-1652). En outre, depuis la réattribution du tableau du Jugement de Salomon par l’historien d’art Gianni Papi en 2002, qui a permis d’enrichir la production romaine de Ribera d’une soixantaine d’œuvres, cette exposition retrace pour la première fois l’ensemble de la carrière de l’artiste.
Le parcours retrace la vie du peintre, depuis son arrivée à Rome vers 1605-1606, il a alors quinze ans à peine, jusqu’à son extraordinaire séjour à Naples, alors possession espagnole. Il ne retournera jamais en Espagne.
À Rome, Ribera suit la voie du Caravage qui prône une peinture «d’après nature». Ce dernier quitte la capitale européenne des arts pour Naples en mai 1606. On ne sait pas si «Lo Spagnoletto» (le petit Espagnol) l’a rencontré, mais celui-ci reprend les fondements de la peinture du maître en les exacerbant. Pour ses contemporains, Ribera est «plus sombre et plus féroce» encore que Caravage. Grâce à sa virtuosité technique et sa rapidité d’exécution, il se fait rapidement connaître et reçoit des commandes des plus grands collectionneurs de Rome, tels Scipione Borghese et Mario Farnese qu’il accompagne à Parme en 1611. Dans les premières sections, nous pouvons voir quatre tableaux (vers 1607-1609) appartenant à un Apostolado, une série de treize toiles représentant le Christ et les douze apôtres et deux toiles appartenant à une série d’allégories des cinq sens (vers 1615-1616), des ensembles à la mode à cette époque. Mais le plus intéressant est le magnifique Jugement de Salomon (vers 1609-1610) qui a permis d’attribuer à Ribera la soixantaine de toiles peintes par celui que l’on nommait jusqu’alors le «Maître du Jugement de Salomon» et que l’on croyait être un artiste français.
En 1616, Ribera s’installe à Naples où il épouse la fille d’un peintre déjà bien établi. Le Caravage, disparu en 1610, y avait laissé de nombreux chefs-d’œuvre. Très vite Ribera obtient de grandes commandes, non seulement des nombreux ordres religieux présents à Naples ainsi que des aristocrates locaux, mais aussi de clients espagnols. Sa carrière est fulgurante et il est nommé peintre de cour. Les différentes sections consacrées à sa longue période napolitaine, près de quarante ans, nous montre, à côté de figures de philosophes ou de saints, des portraits d’humbles personnages comme cette Maddalena Ventura et son mari, [«La Femme à barbe»], (1631) ou ce jeune infirme, Le Pied-bot (1642). Dans tous les cas, il peint d’après nature, avec des modèles vivants qu’il réutilise d’un tableau à un autre. Il revisite aussi les sujets mythologiques, tels Le Silène ivre (1626), Apollon et Marsyas (1637), Vénus et Adonis (1637). Ses sujets religieux sont de véritables portraits comme sa Madeleine pénitente (1641) ou son Saint Jérôme (1643).
Quelques sujets font l’objet d’une attention toute particulière de la part des commissaires. C’est le cas de ces trois tableaux sur le Christ mort, qu’il ne représente pas dans les bras de sa mère comme c’était l’usage, mais en se concentrant sur le corps du Christ. C’est aussi le cas de tous ces dessins et tableaux sur des scènes de violence tels les martyrs de certains saints (Barthélemy, Sébastien, André) et les supplices des victimes de l’Inquisition, dont Ribera pouvait voir à Naples le triste spectacle.
Au milieu du parcours nous avons une douzaine de dessins très expressifs et autant de gravures dont on apprécie l’originalité et la virtuosité. Enfin, faisant figure d’exception dans l’œuvre de Ribera, voici deux paysages, l’un avec un fortin, l’autre avec des bergers, peints en 1639, sans doute à la demande du comte de Monterrey, vice-roi de Naples, qui les emporta avec lui en Espagne.
Le visiteur appréciera non seulement la scénographie très réussie, mais aussi les nombreux cartels développés, tous retranscrits dans le parcours en images qui accompagne cet article, et ce petit jeu, « l'œil aiguisé», qui nous montre certaines subtilités de Ribera. Une exposition absolument magnifique et bien documentée. R.P. Petit Palais 8e. Jusqu’au 23 février 2025. Lien: www.petitpalais.paris.fr.