PRÉHISTOIRE
Une énigme moderne

PRÉHISTOIRE. Une énigme moderne. Quel sujet inattendu pour un musée d’art moderne ! Pourtant, cette exposition montre la fascination qu’éprouvent de nombreux artistes modernes et contemporains pour ces œuvres d’un lointain passé. Pour cela le parcours suit une progression chronologique en commençant par Cézanne et Redon et en terminant par des artistes contemporains, tous inspirés par l’art préhistorique. À travers cette progression, les commissaires abordent différents thèmes : l’épaisseur du temps, la terre sans les hommes, hommes et bêtes, gestes et outils, la caverne, néolithiques, présents historiques.
« En quoi le surgissement de l’idée de préhistoire correspond-il à des attentes spécifiquement modernes ? ». Telle est la question posée, en guise de prologue, montrant que la quête des commencements va de pair avec l’appréhension de la fin de l’homme. Le Temps de Paul Klee (1933) et le crâne de l’homme de Cro-Magnon illustrent cette question.
La première partie s’intéresse à « L’Épaisseur du temps », rendue sensible au tournant du 18e et du 19e siècle grâce à la stratigraphie. De par leur amitié avec des scientifiques sensibles à cette méthode, Paul Cézanne prend conscience de mouvements antéhistoriques dans le paysage et Odilon Redon se lance dans son recueil Les Origines (1883) dont on voit quelques planches.
Avec « La terre sans les hommes », les artistes se rendent compte que si de nombreuses espèces ont disparu, il en sera de même pour l’homme, même si celui-ci est apparu tardivement. C’est le cas d’Alberto Savinio avec Souvenir d’un monde disparu (1928), de Graham Sutherland avec The Origins of the Land (1950-51) et de bien d’autres tels Max Ernst, De Chirico, Dubuffet, Fontana.
À peine confirmée l’antiquité de l’homme, en 1859, que l’on trouve dans une caverne les premiers objets symboliques du Paléolithique. Cela bouleverse la vision du monde et de l’art. Plus tard des expositions offrent des reconstitutions de scènes « préhistoriques » qui inspirent de nombreux artistes. Le MoMA en 1937, Londres en 1948, montrent l’attrait de ces productions des origines, telles la Vénus de Lespugue, exposée ici, sur les artistes. La majorité des sculptures paléolithiques représente des femmes ou des animaux. Celles-ci se retrouvent dans des œuvres de Klee, Arp, Picasso, Moore, Klein, Bourgeois, etc. qui les traitent à leur façon comme on peut le voir dans la section « Hommes et bêtes ».
Comment reconnaître un silex façonné par l’homme d’un silex naturel ? Certains signes de la préhistoire (cupules, entailles) fascinent des artistes tels Ubac, Dubuffet, Fontana. A l’inverse, d’autres artistes comme Léger ou Charlotte Perriand collectent des formes accidentelles et laissent de côté la technique.
Il n’était pas possible de faire une exposition sur la préhistoire sans parler de « La caverne ». Le thème est traité ici non pas tant avec les grottes ornées et les peintures rupestres qu’avec les fantasmes associés aux souterrains, aux lieux de création et même aux refuges en cas de guerre atomique. Notons qu’il faut s’accroupir pour pouvoir entrer dans une des salles de cette section !
La section suivante, « Néolithiques », nous montre des œuvres inspirées par la technique de la pierre polie, les dolmens et les menhirs. Nous avons au centre de la salle le spectaculaire Snake Circle (1991) de Richard Long, entouré de sculptures monumentales de Robert Morris, Robert Delaunay, Jacques Lipchitz, Giacometti, etc.
Aujourd’hui encore des artistes s’inspirent aussi bien des reconstitutions préhistoriques que des êtres fantastiques de la science-fiction pour créer à leur tour, comme Marguerite Humeau ou Jake et Dinos Chapman, de telles créatures. Une exposition vraiment étonnante bénéficiant d’une magnifique scénographie et de prêts d’œuvres exceptionnelles et variées. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 16 septembre 2019. Lien : www.centrepompidou.fr.