PIERRES GRAVÉES. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière. L’entrée est gratuite mais il faut s’inscrire car la place est limitée. Les centaines d’objets exposés sont évidemment très petits puisqu’il s’agit essentiellement de bijoux ou d’objets que l’on peut transporter avec soi dans la poche, comme le font certains collectionneurs. Mais le « spectacle » est merveilleux et il faudrait avoir une loupe avec soi pour pouvoir admirer les détails d’une très grande finesse de ces petits objets.
Le parcours commence dans une salle où l’on nous explique les techniques de taille des pierres. Les échantillons bruts de cornaline, calcédoine, jaspe, cristal de roche, améthyste, turquoise, lapis-lazuli et agate dans lesquels sont taillés la plupart des objets exposés ont été prêtés par le maître-tailleur Philippe Nicolas, qui nous fait une démonstration de son travail dans une courte vidéo. Le même a mis à la disposition de Philippe Malgouyres, le commissaire, un tour, un pilon et des outils semblables à ceux qu’il utilise aujourd’hui. Comme il l’explique, depuis l’antiquité, la technique n’a pas beaucoup évoluée, seul le matériel a changé au fil des siècles. Le tableau didactique sur les matériaux et techniques, qu’il est préférable de lire avant d’aller voir les objets, est très clair et très complet.
Ces pierres taillées ont de tout temps passionné les collectionneurs. Dans l’antichambre, un autre panneau didactique nous montre que dès le XVIe siècle, des collectionneurs avaient publié des livres décrivant en détail les objets qu’ils possédaient. Cela a servi par la suite à en identifier certains, à les copier ou à s’en inspirer, voire à faire des faux, dont des faux abîmés, car on pensait qu’un tel objet cassé, était authentique !
Il y a deux types de pierres gravées. Le plus ancien, connu depuis cinq millénaires, est l’intaille. La gravure est en creux et permet de laisser une empreinte dans la cire ou la terre. Quand le graveur travaille en ronde-bosse, on parle alors de camée. Ceux-ci sont apparus au IIIe siècle av. J.-C., peut-être en Égypte. Ce sont les objets les plus spectaculaires. Souvent le graveur utilise des pierres ayant beaucoup de nuances dans les couleurs, comme l’agate, pour en tirer le meilleur parti. C’est un art difficile car il faut réaliser des portraits, voire des scènes avec plusieurs personnages, dans de très petits volumes. Malgré tout, très peu de noms de tels graveurs nous sont parvenus, même au XIXe siècle.
Le parcours de l’exposition adopte un ordre chronologique. Il commence par l’Égypte où l’on voit un Osiris Canope en calcédoine d’environ 10 cm, ce qui en fait l’une des plus grandes pièces de la collection. Vient ensuite Rome avec des camées à l’effigie des dieux et des empereurs ainsi que d’Alexandre le Grand, un sujet très populaire, repris au fil des siècles, comme le montre ce magnifique exemplaire d’Alexandre en Minerve, réalisé au XVIIe siècle avec pas moins de quatre pierres différentes (agate, sardonyx, calcédoine et cornaline).
Le Moyen-Âge est représenté en majorité par des camées provenant de Byzance, pour les plus anciens, et de Sicile. Une petite section est consacrée à un sujet très populaire, Méduse, avec des camées allant du Ier ou IIe siècle de notre ère jusqu’au XIXe siècle, époque où toute l’Europe symboliste était fascinée par ce mythe de la femme-monstre au regard qui tue ! Avec la Renaissance, les portraits comme ceux de François Ier ou du Roi René́ d’Anjou sont à la mode. On voit aussi une délicate Scène de chasse au sanglier.
Le XVIIe siècle est représenté, en particulier, par quelques grands camées comme celui de la reine Elisabeth Ière (1533-1603) en Omphale portant la peau du lion de Némée, un symbole de puissance lui permettant d’affirmer son autorité. Après une petite section consacrée aux Intimes, ces pierres que l’on portait sur soi ou qui commémoraient un événement personnel comme un mariage, le parcours des pierres taillées se termine par des productions néoclassiques où l’on voit quelques-uns de ces camées fabriqués à Rome pour les touristes et plus tard en France, en Angleterre ou en Allemagne.
L’exposition nous régale aussi avec une impressionnante collection de bagues fabriquées au cours de 2 000 ans. La plupart sont en or mais il y en a aussi montées avec des pierres précieuses. C’est un beau complément à ces merveilles que sont les pierres gravées. Une exposition magnifique et passionnante. R.P. L’École des Arts Joailliers (31 rue Danielle Casanova, 75001 Paris). Jusqu’au 1er octobre 2022. Lien : www.lecolevancleefarpels.com/fr