PICASSO ET LA PRÉHISTOIRE. On sait combien Picasso (1881-1973) et ses contemporains ont été frappés par l’art africain et s’en sont inspiré. On sait moins que Picasso a tout autant été influencé par l’art de la Préhistoire. En effet c’est au début du XXe siècle que sont authentifiés des objets et peintures de cette époque et qu’ils sont montrés dans des expositions et des publications. Picasso se procure deux moulages de la fameuse Vénus de Lespugue, une statuette féminine en ivoire de mammouth âgée d'environ 27000 ans. Celle-ci lui montre qu’il y a d’autres façons de représenter un corps de femme et Picasso ne s’en privera pas comme le prouve Femme lançant une pierre (1931) au début du parcours.
Les commissaires ont conçu celui-ci en cinq sections dans lesquels sont présentés une quarantaine de peintures, sculptures, céramiques et galets gravés de Picasso, en dialogue avec des œuvres préhistoriques et des objets issus de ses ateliers. Parmi ces derniers on trouve un grand nombre de galets et d’os que Picasso avait recueillis au cours de ses promenades et qu’il considérait comme des sculptures en soi.
«Corps modelés», la première section, présente une photographie de Brassaï montrant, dans l’atelier de Picasso, une vitrine contenant toutes sortes d’objets dont les deux Vénus de Lespugue. Dans cette section sont exposés trois bronzes de l’artiste et une cinquantaine de petits ossements émoussés par le temps et l’érosion de l’eau. On y voit également le crâne de boviné que Picasso brandit sur une photo de Dora Maar (1937).
Avec «Bestiaire et grands décors», les commissaires associent des relevés de dessins préhistoriques, tels Le Sorcier de la grotte des Trois-Frères ou les animaux de la grotte d’Altamira (Espagne) avec, entre autres, une sculpture de Faune (1951) et une impressionnante gravure, Taureau attaquant un cheval (1921), rappelant de façon saisissante l’art pariétal préhistorique.
Il en est de même dans la section suivante «Empreintes et abstractions», où l’on voit, à côté des innombrables reproductions de mains que l’on trouve dans les grottes préhistoriques, une Empreinte (au sucre) de la main de Picasso (1936) et un moulage en plâtre de sa main (1937). L'Acrobate bleu (1929), accroché ici aussi, n’est pas sans rappeler, quant à lui, la façon dont les artistes préhistoriques utilisaient les aspérités de la roche pour concevoir leurs peintures.
Comme les premiers artistes, Picasso ramasse des objets naturels ou fabriqués dans lesquels il voit autre chose, par exemple des têtes de morts, et les façonne parfois à sa guise. La section «Objets trouvés» nous présente ainsi divers objets hétéroclites récoltés par Picasso et surtout une dizaine de galets et autres trouvailles transformés par celui-ci en tête ou en simple visage, comme le faisaient nos lointains ancêtres, dont on nous montre quelques réalisations.
L’exposition se termine avec une section consacrée aux « Déesses primitives ». Les reproductions de six d’entre elles sont exposées à côté de deux sculptures de Picasso, Buste de femme (1931) et Femme (1948) qui, avec leurs formes voluptueuses, leur ressemblent beaucoup. Mais l’œuvre la plus étonnante, si on peut la désigner ainsi, est cette Vénus du gaz (1945), un brûleur de cuisinière, unique ready-made dans l’œuvre de Picasso qui, ici, ne dénote pas. Une exposition originale sur cet artiste dont on célèbre, à travers un grand nombre d’expositions, le cinquantième anniversaire de sa mort. R.P. Musée de l’Homme 16e. Jusqu’au 12 juin 2023. Lien : www.museedelhomme.fr.