Parcours en images de l'exposition

PICASSO ET LA PRÉHISTOIRE

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°568 du 19 avril 2023





Entrée de l'exposition

Pablo Picasso entre dans le XXe siècle en ayant accès à un vaste catalogue d'œuvres venues d'ailleurs. Favorisée par les découvertes archéologiques, les expéditions de voyageurs et l'importation sur le marché des premiers objets du monde, la révélation de ce corpus étendu, restitué sous forme d'expositions et de publications, ouvre le regard des artistes. Picasso s'est constamment nourri de sources lointaines : la préhistoire, parce qu'elle touche aux origines de l'humanité et au mythe du premier artiste, occupe dans son travail une place singulière, auréolée d'un certain mystère.

L'exposition « Picasso & la Préhistoire » explore cette influence dont l'écho est sensible dans le langage, les sujets et les gestes de l'entre-deux-guerres, tandis que les sites et les statuettes préhistoriques sont tour à tour exhumés et connus des milieux artistiques parisiens que côtoie l'artiste espagnol. Une quarantaine de peintures, sculptures, dessins, céramiques et galets gravés de Picasso, issus d'institutions publiques et de collections privées, dialoguent avec les objets de ses ateliers et les artefacts de la préhistoire, suivant une mise en abyme qui plonge le visiteur au cœur de la «préhistoire de Picasso» l'une des relations les plus fascinantes de l'artiste avec son passé.

L'exposition a été conçue et réalisée dans le cadre de la «Célébration Picasso 1973-2023», avec le partenariat exceptionnel du Musée national Picasso-Paris.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Femme lançant une pierre. Paris, 8 mars 1931. Huile sur toile. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979. © Mathieu Rabeau. Succession Picasso, 2023.

Tout à la fois humaine et animale, minérale et organique, féminine et phallique, Femme lançant une pierre dérive des créatures de plage dont Picasso déploie l'ambivalence de nature et de genre au tournant des années 1930. Dépouillée de sa symbolique marine, elle combine les ressorts d'un imaginaire populaire de la préhistoire : un monde déserté, inquiétant, où la pierre et les os sont les dernières survivances du peuple des origines. L'idée lointaine de la préhistoire agit ici comme le lieu de révélation de fantasmes humains, où s'opère la rencontre du monstrueux et du merveilleux.


1 - Corps modelés

Scénographie

Picasso entre très tôt en possession de deux moulages de la Vénus de Lespugue, une statuette féminine en ivoire de mammouth âgée d'environ 27000 ans. Les dessins, peintures et sculptures qu'il compose à partir de l'été 1927, peu après l'arrivée de la statuette au Muséum national d'Histoire naturelle, traduisent un souci nouveau de représenter le corps féminin. Par l'association de volumes lisses et renflés, faisant presque abstraction du visage, ils rappellent dans le même temps la fascination de l'artiste pour les ossements, qu'il collectait et considérait comme naturellement modelés. Les œuvres et objets réunis témoignent de ce regard curieux et attentif que Picasso portait sur l'archéologie préhistorique au moment où paraissaient les premiers articles illustrés dans la presse artistique.


 
Texte du panneau didactique.
 
Dora Maar (dite), Henriette Theodora Markovitch (1907-1997). Pablo Picasso, la bouche ouverte, avec un crâne de boviné  à la main, sur la plage de Juan-les-Pins, en 1937. © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / image RMN-GP. © Succession Picasso. © Adagp, Paris.
 
Crâne de boviné. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.
 
Humérus gauche de boviné. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.
 
Ensemble d'ossements tronqués. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.

Une cinquantaine de petits ossements, émoussés par le temps et l'érosion de l'eau, et des crânes d'animaux constituent le memento mori du peintre. Parmi ces derniers, un crâne de grand boviné - celui-là même que l'artiste brandit avec une vitalité presque sauvage devant l'objectif de Dora Maar, en 1937, sur la plage de Juan-les-Pins - et des cornes de boviné soulignent autant la passion de Picasso pour le monde tauromachique que la permanence des thèmes animaliers dans le monde de l'art depuis 40 000 ans.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Baigneuse allongée. Boisgeloup, 1931. Bronze. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.

Étendue sur un banc de sable, les bras en arceau au-dessus de la tête, Baigneuse allongée se déploie à partir de quatre unités plastiques modelées indépendamment et nouées en deux points. Pour bâtir son sujet, Picasso a pensé de façon modulable chaque élément de structuration du corps, ainsi qu'en témoignent les dessins contemporains. La surface du bronze garde la mémoire d'un découpage abrupt des masses, d'entailles au couteau, du lissage des parties rondes et d'une certaine rugosité de la matière qui rendent vivante cette nouvelle odalisque.
Scénographie
 
Pablo Picasso (1881-1973). Baigneuse allongée. Juan-les-Pins, 16 août 1931. Plume et encre de Chine sur papier. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Métamorphose. I. Paris, 1928. Bronze. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.

Cette sculpture, dont la morphologie généreusement difforme et sexuée est surmontée d'une tête proportionnellement petite et étirée, rappelle autant l'anatomie de la Vénus de Lespugue que la forme naturelle de certains ossements récoltés. Incisée sur ses flancs pour dire ici un sein, là les détails du visage et de la chevelure, Métamorphose. I souligne la manière dont, à cette époque, Picasso distord ses sujets pour mieux en révéler la beauté étrange, l'érotisme, la fécondité.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Femme assise dans un fauteuil. Paris, décembre 1926. Crayon graphite sur papier calque.  Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Brassaï (dit), Gyula Halász (1899-1984). Vitrine de sculptures et d'objets dans l'atelier de Pablo Picasso, rue des Grands-Augustins, Paris. Paris, le 25 octobre 1943. © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau. © Succession Picasso. © Estate Brassaï - RMN-Grand Palais.

Le 25 octobre 1943, rue des Grands-Augustins, le photographe hongrois Brassaï découvre la «vitrine-musée» de Picasso, qui réunit ses sculptures de petit format et les objets qu'il collecte, parmi lesquels un squelette de chauve-souris, un cheval et un guerrier chypriotes, le fragment d'une sculpture de l'île de Pâques et deux répliques de la Vénus de Lespugue. Véritable petit musée de l'intimité, la vitrine confronte les objets dans un dialogue non hiérarchisant, depuis la préhistoire jusqu'aux œuvres les plus récentes de Picasso, témoin d'une création vivante et éclairée qui puise au cœur des civilisations les plus anciennes.
 
Reproduction de la Vénus de Lespugue telle que découverte en 1922, 1984. Résine. Laboratoire de préhistoire du Lazaret, Nice.
 
Reproduction de la Vénus de Lespugue reconstituée. Résine. Musée de l'Homme - MNHN.


2 - Bestiaire et grands décors

Scénographie

Les créatures et animaux de Picasso jaillissent parfois du passage répété du crayon, de la mine ou du burin, qui dessine un réseau serré de lignes. Les motifs sont redoublés, démultipliés, vibrants d'énergie. Cette écriture dynamique, que l'on observe sur la toile, la pierre, le plâtre, une plaque de cuivre ou le papier, fait écho aux parois rupestres dont l'artiste admirait «la précision des lignes gravées dans les cavernes», mais aussi aux blocs de calcaire et aux galets incisés du Paléolithique dont les premières images paraissent dans les revues de l'époque. La délicatesse des os gravés comme la monumentalité des environnements peints et gravés des grottes d'Altamira et du Pech Merle, révélés du vivant de Picasso, sont une source d'inspiration invitant à explorer tous les formats possibles et à inscrire son œuvre dans l'Histoire.


 
Texte du panneau didactique.
 
Le Sorcier, gravure murale dans la grotte des Trois-Frères, Ariège, France. L'animal a des cornes de cerf, des oreilles de loup, un masque de chouette, les membres antérieurs d'un ours et la queue d'un cheval. © World History Archive / Alamy Images.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Faune. Vallauris, 18 mars 1951. Terre blanche avec décor aux engobes. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.

Autre sujet d'une hybridité remarquable, les faunes peints, gravés ou modelés et rapportés dans la terre cuite par Picasso se font le lointain écho de la figure du thérianthrope, créature mi-humaine, mi-animale, tirée de l'imaginaire symbolique des femmes et des hommes du Paléolithique. Le dieu cornu de la grotte des Trois-Frères, qui fut classée parmi les six «géants» de l'art pariétal préhistorique en 1952 par Henri Breuil, en est un exemple notable.
 
Pablo Picasso (d’après). Homme aux petits bras. Vallauris, 1950. Terre de faïence rouge. Musée national Picasso-Paris. Don Jacques-Paul Dauriac, 2010.
Scénographie
 
Crâne de boviné (fragment rostral). Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.
 
- Crâne de grand canidé (chien ou loup). Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.
- Crâne de petit félidé (chat).
Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.
- Plaquette gravée d'un ours découverte entre 1937 et 1950 dans la Vienne (La Marche, Lussac-les-Châteaux). Environ 17000 ans. Calcaire.
Musée de l'Homme.
- Outil intermédiaire gravé de chevaux découvert entre 1863 et 1867 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Eyzies). Environ 17000 ans. Bois de renne.
Musée de l'Homme.
- Baguette gravée d'une tête de renne et d'un motif végétal découverte entre 1863 et 1867 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Evzies). Environ 17000 ans. Bois de renne.
Musée de l'Homme.
 

 

«Pour Picasso, il s'agit beaucoup moins, me semble-t-il, de refaire la réalité dans le seul but de la refaire que dans celui, incomparablement plus important, d'en exprimer toutes les possibilités, toutes les ramifications imaginables, de manière à la serrer d'un peu plus près, à vraiment la toucher.»
Michel Leiris, «Toiles récentes de Picasso». Documents, 2e année, n° 2, 1930.

Pablo Picasso (1881-1973). Taureau attaquant un cheval. Paris, fin mars 1921. Eau-forte sur zinc. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.

Dans le répertoire iconographique de la préhistoire, le bestiaire occupe une place privilégiée. Chevaux, bisons, aurochs, cerfs et biches, mammouths mais aussi êtres hybrides se côtoient, se poursuivent ou se font face au sein des grands décors peints et gravés des grottes les plus célèbres. Le traitement stylistique comme le thème du Taureau attaquant un cheval font écho aux gravures pariétales connues à cette date, grâce aux relevés effectués sur les sites par le préhistorien Henri Breuil (1877-1961).
 
Citation
 
Émile Cartailhac (1845-1921) et Henri Breuil (1877-1961). Le préhistorique aux environs de Santander. La caverne d'Altamira à Santillane près Santander (Espagne). Imprimerie de Monaco, 1906.
 
Henri Breuil (1877-1961). Relevé de biches et autres animaux enchevêtrés, Altamira, 1902. Reproduction. © MNHN / Abbé Henri Breuil.

La reconnaissance en 1902 de l'authenticité de la grotte d'Altamira et d'un art pariétal préhistorique en France et en Espagne a certainement orienté le jeune artiste et influé sur sa croyance en un art «authentique» remontant aux sources de l'universel. Si la première monographie d'Altamira, écrite par Émile Cartailhac et Henri Breuil, paraît dès 1906, les publications, savantes ou grand public, se multiplient au cours des années 1920 et trouvent place au cœur des revues d'avant-garde que consulte Picasso et dans les pages desquelles son œuvre est régulièrement commentée.


3 - Empreintes et abstractions

Scénographie

L‘empreinte de main est un moyen d'affirmation de l'être humain en tant qu'être conscient depuis la préhistoire, comme l'illustrent les centaines de mains négatives de la grotte de Gargas ou celles qui encadrent les chevaux ponctués de la grotte du Pech Merle.
Lorsque Brassaï photographie le plâtre de la main de Picasso, paru en couverture de l'édition des Sculptures de Picasso en 1949 et que ce dernier crée un ensemble d'œuvres élisant sa propre main comme sujet et motif, Picasso assigne un caractère permanent à l'acte créateur dans la continuité des premiers humains.

Les milliers de motifs abstraits qui strient la roche des abris ancestraux renvoient à une puissance symbolique dont on retrouve l'écho dans les dessins de Picasso comme dans les graffitis du monde contemporain.


 
Texte du panneau didactique.
 
Pablo Picasso (1881-1973). L'Acrobate bleu. Paris, novembre 1929. Fusain et huile sur toile. Musée national Picasso-Paris. Dation Jacqueline Picasso, 1990.  En dépôt au Centre Pompidou, Paris. Musée national d'Art moderne – Centre de création industrielle.

La posture dynamique et étirée de la créature s'inscrit dans un mouvement giratoire qu'exacerbent les traces de repentir, rappelant ici la liberté d'exécution des fresques pariétales du Paléolithique, conduites par le relief et la porosité de la roche pour y fixer les images d'animaux en mouvement.
 
Henri Breuil (1877-1961). Relevé d'incisions sur un entablement de la grotte. La Venta de la Perra, Espagne, 1906. Dessin à l'encre sur papier. MNHN, fonds Henri Breuil.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Cercles et signes. V [Boisgeloup], 29 octobre 1930. Plume et encre de Chine sur papier. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.

Cercles et signes. V appartient à un petit ensemble de dessins qui font songer à ces signes abstraits rendus visibles par les relevés de parois mésolithiques, comme celles de la région de Fontainebleau, où Picasso a séjourné durant l'été 1921, sans que l'on sache si ses promenades l'ont conduit jusqu'à ces sites. L'enchevêtrement des signes, que l'on peut interpréter comme une évocation lointaine du monde céleste, fait écho aux marques scripturales creusées dans la roche, faites de cercles, de rectangles, de grilles et autres sillons.
 
Abri gravé dans le sud de l'Île-de-France. © Émilie Lesvignes / PCR ARBap.
 
Panneau de mains dans la grotte de Gargas, France.  © J.-F. Peiré, DRAC Occitanie.
 
Détail du « panneau des Mains » de la grotte d'El Castillo. Puente Viesgo, Cantabrie. © Gobierno de Cantabria -  Consejeria de Universidades, Igualdad, Cultura y Deporte - MUPAC / Pedro Saura Ramos.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Main de Picasso. Paris, 1937. Moulage en plâtre, bois et métal. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Henri Breuil (1877-1961). Relevé d'une main cernée de rouge. El Castillo, Espagne, 1906. Dessin à la sanguine sur papier. MNHN, fonds Henri Breuil.
 
Henri Breuil (1877-1961). Relevé d'une main cernée de rouge. El Castillo, Espagne, 1906. Dessin à la sanguine sur papier. MNHN, fonds Henri Breuil.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Profils féminins sur main découpée. Juan-les-Pins, 6 septembre 1930. Encre de Chine sur papier journal. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Lissoir gravé de motifs géométriques découvert entre 1863 et 1867 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Evzies). Environ 17000 ans. Os. Musée de l'Homme - MNHN.
- Baguette gravée de motifs géométriques découverte entre 1863 et 1867 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Evzies). Environ 17000 ans. Bois de renne.
Musée de l'Homme - MNHN.
 

 

 

« L'art est le langage des signes. [...] Deux trous, c'est le signe du visage, suffisant pour l'évoquer sans le représenter... Mais n'est-il pas étrange qu'on puisse le faire par des moyens aussi simples ? Deux trous, c'est bien abstrait si l'on songe à la complexité de l'homme... Ce qui est le plus abstrait est peut-être le comble de la réalité... »
Brassaï, Conversations avec Picasso. Gallimard, Paris, 1964

Pablo Picasso (1881-1973). Empreinte (au sucre) de la main de Picasso. Paris, début juin 1936. Aquatinte au sucre sur cuivre. Plaque rayée et encrée. Musée national Picasso-Paris. Don des héritiers Picasso, 1982.

L'empreinte au sucre de la main de Picasso sur une plaque de cuivre, son moulage dans le plâtre et sa reproduction en négatif par la photographie corrélée d'un double profil féminin sont autant d'énonciations différentes de sa qualité d'artiste-auteur et d'artisan, et se situent en résonance avec ces centaines de mains anonymes qui disent l'être humain et son évanescence.
 
Citation
 
Brassaï (dit), Gyula Halász (1899-1984). Graffiti. De la Série V, Animaux, vers 1935-1950. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'Art moderne - Centre de création industrielle.
 
Brassai (dit), Gyula Halász (1899-1984). Graffiti. De la Série IV, Masques et Visages, vers 1933-1956. Épreuve gélatino-argentique contrecollée sur isorel. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'Art moderne - Centre de création industrielle.

Qu'elles soient symboliques, poétiques ou politisées, les inscriptions murales subjuguent de nombreux artistes, parmi lesquels Brassaï, ami complice de Picasso, qui photographie un ensemble de graffitis urbains, dont il réunit les premières images au sein de la revue Minotaure en 1933. Doués d'une «vitalité» digne de «s'inscrire sur tous les musées du monde», les graffitis contemporains renferment, pour Brassaï, des «secrets» aussi profonds que ceux des temps les plus reculés.


4 - Objets trouvés

Scénographie

Galets, petits ossements, débris de céramique, conglomérats de verres dépolis et tuiles, amas de cailloux et coquillages furent recueillis par dizaines par Picasso, certains présentés dans la «vitrine-musée» de l'atelier des Grands-Augustins, où l'artiste mêlait à ses sculptures les objets qu'il affectionnait. Picasso a cette manie de la récolte, de la collecte plus que de la collection, faite de bric et de broc, de petits objets naturels ou fabriqués, dont les formes naturelles ou ravinées par le temps sont évocatrices de sujets picassiens - à l'instar de ces petites têtes de mort suggérées par les galets percés de deux trous - ou dont les plats constituent autant de matières sur lesquelles graver les sujets familiers de son répertoire. Ce rassemblement de petits fétiches détournés à des fins esthétiques ou utilitaires fait enfin écho aux matières animales et minérales utilisées par les premiers humains.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Composition au papillon.  Boisgeloup, 15 septembre 1932. Tissu, bois, végétaux, ficelle, punaise, papillon, huile sur toile. Musée national Picasso-Paris. Achat à Dora Maar, 1982.

L'atelier de sculpture de Boisgeloup, logé dans les anciens garages du château, devient le refuge d'ustensiles, de matériaux et d'objets glanés dans la propriété, que l'artiste réemploie à l'envi dans ses œuvres. Ainsi en est-il de Composition au papillon, réceptacle enchanteur d'éléments trouvés - tissus, bois, végétaux, ficelle, punaise, papillon - que le peintre mêle à l'huile et qui agit comme le lieu d'animation d'une danse primitive.
 

 

«Je fais ces choses sur la plage... Les galets sont si beaux qu'on a envie de les graver tous... Et la mer les travaille si bien, leur donne des formes si pures, si complètes, qu'il ne nous reste qu'un petit coup de pouce à donner pour en faire des œuvres d'art.»
Brassaï, Conversations avec Picasso, Gallimard, Paris, 1964.

Daniel Henry Kahnweiler (1884-1979). Photographies de Brassaï (1899-1984), et Dora Maar (1907-1997). Les Sculptures de Picasso. Paris, Les éditions du Chêne, 1948. Collection particulière.
 
Citation
Ensemble d'éléments récoltés. Pierres diverses, fragments de céramiques, tessons de verre poli, débris végétaux. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid.

Parmi les dizaines de galets ramassés sur les plages du sud de la France, Picasso en a gravé quelques-uns à l'aide de ciseaux à pierre épousant la forme naturelle des objets pour les couvrir de visages, de têtes d'animaux et de petits faunes, qui composent le bestiaire favori de l'artiste.
Pablo Picasso (1881-1973). De gauche à droite :
- Tête d'animal de profil. Golfe-Juan, 1946. Galet gravé.
Collection particulière.
- Visage en forme de poire. Golfe-Juan, vers 1946-1947. Galet gravé.
Collection particulière.
- Visage. Golfe-Juan, 1946. Galet gravé.
Collection particulière.
- Visage. Golfe-Juan, vers 1946-1947. Galet gravé.
Collection particulière.
Pablo Picasso (1881-1973). De gauche à droite :
- Visage. Golfe-Juan, 1946. Galet gravé. Collection particulière.
- Tête, 1945. Galet gravé. Collection particulière.
- Visage. Golfe-Juan, vers 1946-1947. Gravure sur os, fragment d'os de mouton. Collection particulière.
Pablo Picasso (1881-1973) :
- Visage. Golfe-Juan, vers 1946-1947. Galet gravé.
Collection particulière.
- Tête de faune. Golfe-Juan, vers 1946-1947. Débris de céramique gravé.
Collection particulière.

- Galet gravé d'animaux : enchevêtrés découvert entre 1913 et 1914 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Eyzies). Environ 17000 ans. Calcaire. Musée de l'Homme - MNHN.
- Galet gravé d'un renne découvert entre 1913 et 1914 en Dordogne (Laugerie-Basse, Les Evzies). Environ 17000 ans. Calcaire.
Musée de l'Homme - MNHN.



5 - Déesses primitives

Scénographie

L'atelier de Boisgeloup est le lieu où s'opèrent certaines des métamorphoses les plus importantes de l'œuvre plastique de Picasso. Photographié de nuit par Brassaï en décembre 1932, simplement éclairé par une lampe à pétrole, l'atelier s'assimile à la caverne du sculpteur. L'image en noir et blanc sublimée par l'éclairage amplifie la dimension sacrée d'un territoire obscur où réside tout un peuple de têtes et de figures à la blancheur immaculée. Elle met en exergue le geste créateur qui donne naissance à tout un corpus de sujets féminins, mais aussi la rudesse des conditions de travail pour modeler le plâtre dans de telles proportions. La monumentalité ou la petitesse des figures, pour certaines atrophiées, jouant de savants déséquilibres, leur opulence et leur qualité d'abstraction se font l'écho des petites statuettes féminines extraites du monde paléolithique.


 
Texte du panneau didactique.
 
Picasso (1881-1973). Vénus du gaz. Paris, janvier 1945. Brûleur de cuisinière. Musée national Picasso-Paris. Dation Maya Ruiz-Picasso, 2021.

Unique ready-made de l'artiste, la Vénus du gaz est un brûleur de cuisinière que Picasso extrait de son quotidien parisien en janvier 1945. C'est ici son choix de transformer un objet manufacturé en sculpture qui fait œuvre : percevant dans l'objet les signes d'une femme, il le détourne de sa fonction d'usage et le dresse à la verticale pour l'ériger en déesse de la fertilité. Campée sur ses deux jambes, le corps rond du brûleur coloré de ses petites perforations et surmonté d'une minuscule tête sans visage, la Vénus du gaz est d'une surprenante modernité.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Buste de femme. Boisgeloup, 1931. Plâtre original. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Femme. Vallauris, 1948. Bronze fondu à la cire perdue par É. Godard. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
Scénographie
 
Reproduction de la Vénus de Dolni Vestonice, découverte en 1925 en Tchéquie (Dolni Vestonice, Moravie). Plâtre. Musée de l'Homme - MNHN.
 
Reproduction de la statuette féminine de Brassempouy dite « le Manche de poignard », découverte en 1894 dans les Landes (Brassempouy). Plâtre. Musée de l'Homme. MNHN.
 

 

 

«Pourquoi j'aime ma Vénus préhistorique ? Parce que personne ne sait rien d'elle : la magie, ça va ! J'en fais aussi!»
Propos de Picasso rapportés par André Malraux, La Tête d'obsidienne Gallimard, Paris, 1974.

Reproduction de la sculpture féminine dite « Vénus de Berlin », découverte en 1911 en Dordogne (abri de Laussel, Marquay), 1985. Plâtre. Musée de l'Homme - MNHN.
 
Citation
 
Reproduction de la statuette féminine de Brassempouy dite «la Poire», découverte en 1892 dans les Landes (Brassempouy). Plâtre teinté. Musée de l'Homme. MNHN.
 
Reproduction de la Vénus de Savignano, découverte en 1924-1925 en Italie (Savignano, Modène). Plâtre. Musée de l'Homme - MNHN.