PASTELS
De Millet à Redon

Article publié dans la Lettre n°572 du 14 juin 2023



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

PASTELS. De Millet à Redon.  Après « Le mystère et l’éclat » présentée en 2008-2009 (Lettre n°290), le musée d’Orsay nous propose une sélection de 95 pastels, en grande partie différente de la précédente, choisis parmi les quelque 500 pastels de sa collection. Après un âge d’or au XVIIIe siècle avec Quentin de la Tour ou Chardin, le pastel renaît au milieu du XIXe siècle et s’affranchit du portrait où il était cantonné jusque-là.
Le pastel est un bâtonnet de couleur utilisé tel quel ou mélangé à de l’eau pour colorier de grande surface. Il faut donc un bâtonnet pour chaque coloris. Si à l’époque de Chardin il n’y avait qu’une cinquantaine de teintes, à la fin du XIXe siècle les fabricants comme la Maison du pastel en commercialisaient un millier et aujourd’hui plus de 1800. Le pastel est sans égal pour rendre les effets de lumière et le velouté de la carnation. En revanche, formant une fleur en suspension sur le grain du papier ou la toile, dont la vibration fait la beauté, il est d’une grande fragilité car sensible aux chocs, aux éraflures, voire à la lumière. Il doit donc être protégé par un verre et exposé à une lumière réduite, ce que l’on ne remarque pas dans cette exposition.
Caroline Corbeau-Parsons, la commissaire, a conçu le parcours en huit sections thématiques après une introduction sur le pastel et son usage. Dans celle-ci on remarque un étonnant Autoportrait en trompe l'œil (vers 1868) de Jean-Marie Faverjon et un Bouquet de marguerites (1871) de Millet, derrière lequel on distingue le portrait d’une petite fille.
La première section, « Sociabilités », s’intéresse au portrait, dans la continuité du XVIIIe siècle. Outre le célèbre Portrait d'Irma Brunner (vers 1880) par Manet, on y  voit des œuvres éblouissantes de Berthe Morisot, Louise Breslau, Émile Lévy pour n’en citer que quelques-uns. Après ces portraits mondains viennent des scènes de la vie rurale comme La Baratteuse (vers 1866) ou La Femme au puits (vers 1866-1868) de Millet, ou de pêcheurs tel ce Départ pour la pêche (vers 1900) de Mondrian, réunis sous le thème « Terre et mer ».
La troisième section, « Modernités », est consacrée aux sujets radicalement nouveaux que la métropole et la transformation de la société inspirent à Boudin, Monet, Caillebotte et surtout Degas, dont on voit ici pas moins de six tableaux allant de La Repasseuse (1869) aux célèbres Danseuses (entre 1884 et 1885).
Si le pastel peut conférer à un paysage un caractère étrange et éthéré, sa facilité d’utilisation en plein air enchante des peintres comme Vigée-Lebrun, qui disait avoir réalisé «environ deux cents paysages au pastel» en 1807 en Suisse, ou Eugène Boudin, que Corot appelait le «roi des ciels». Cependant ces pastels, considérés par leurs auteurs comme des études ou des souvenirs, n’avaient pas vocation à être exposés et c’est bien dommage comme on le constate avec les tableaux de Maria Botkina, Gervex, Roussel, Lévy-Dhurmer ou encore Devambez, exposés dans la section « Essence de la nature ».
Parmi les sujets nouveaux, les artistes, surtout les femmes à une époque où l’on considérait encore le pastel comme un art d’agrément, privilégient les scènes de genre et les intérieurs. Nous en voyons une vingtaine d’exemples dans la section « Intérieurs » qui occupe la plus grande salle du parcours. À côté des sujets attendrissant d’Eva Gonzalès et de Mary Cassatt, nous avons de rares pastels de Renoir ou Moreau-Nélaton et un bien triste Mélancolie (vers 1901) d’Eugène Loup.
La sixième section « Intimité », est consacré aux nus, un thème qui se prête bien au pastel, un medium plus apte que tout autre à rendre le velouté de la peau et les teintes subtiles de sa carnation, comme nous l’avons vu. À côté de quelques tableaux de Ménard, Aman-Jean, Denis et Manet dont on ne voit pas, à première vue, que le sujet de son Buste de femme nue (vers 1875) est nu (!), l’espace est occupé par de nombreuses baigneuses et femmes à leur toilette de Degas, qui s’en était fait une de ses spécialités.
On retrouve des femmes nues, de Degas et d’autres, dans la section suivante, « Arcadies », mais cette fois dans un univers idyllique, propre à faire oublier la crainte d’un effondrement de la civilisation en cette fin de siècle. Néanmoins, l’immense pastel de Desvallières, Les Tireurs à l’arc (1895) a quelque chose d’inquiétant avec ces cigognes transpercées par les flèches.
La dernière section, « Âmes et chimères » traite un thème pour lequel le pastel est bien adapté pour donner corps à l’imaginaire foisonnant des symbolistes représentés ici par Lévy-Dhurmer et Redon. Une salle est consacrée à chacun d’entre eux. Pour le premier, on remarque principalement La Femme à la médaille (1896) et surtout sa célèbre Méduse (1897), tandis que c’est Le Char d’Apollon (vers 1910) et La Coquille (1912), un sujet équivoque (!), qui attirent notre regard pour le second.
Cette exposition bénéficie d’une scénographie remarquable et n’oublie pas les enfants avec une vingtaine de cartels qui leurs sont consacrés. Compte tenu de leur pertinence, nous les avons reproduits dans le parcours en images de cette éblouissante exposition. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 2 juillet 2023. Lien : www.musee-orsay.fr.


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