LE MYSTERE ET L’ECLAT. Pastels au musée
d’Orsay. Pour la première fois le musée d’Orsay présente 118
chefs-d’œuvre sélectionnés dans sa collection de plus de 300 pastels.
La première salle nous rappelle ce qu’est cette « paste faite de
plusieurs couleurs gommées ou broyées ensemble ou séparément dont
on fait toutes sortes de crayons pour peindre sur le papier ou le
parchemin » selon la définition d’Antoine Furetière (1690). D’une
trentaine de couleurs au XVIIIe siècle on est arrivé, avec les colorants
synthétiques, à plus d’un millier de nos jours. Une boîte complète
est véritablement impressionnante. Apparu au XVe siècle en France
et en Italie, le pastel relève des techniques du dessin avant de
s’imposer en tant que tel. Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, le portraitiste
Nicolas Dumonstier est reçu à l’Académie royale comme « peintre
au pastel ». La Vénitienne Rosalba Carriera rencontre un immense
succès avec ses portraits au pastel. Aristocrates et bourgeois sont
fascinés de se retrouver si fidèlement saisis sur le vif. Il faut
dire que cette technique délicate est d’une facilité particulière,
permettant de rendre tous les effets, de suspendre son travail et
de le retoucher à volonté. Chardin, Quentin de la Tour lui donnent
ses lettres de noblesse. Délaissé après la Révolution française
(le pastel ne se prête pas aux grandes toiles héroïques de David !),
il revient en force dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est
là que nous le retrouvons.
Voici d’abord Millet et ses paysans idéalisés, suivi de Puvis de
Chavannes, Léon Lhermitte et quelques autres, qui utilisent le pastel
pour des sujets moins « gracieux » que ceux traités à leur époque
avec cette technique. Après ces « réalismes », toute une salle est
consacrée à Manet, conquis par les pastels de Degas à la troisième
exposition impressionniste de 1877. Parmi ses plus célèbres pastels,
on peut voir Le Tub et Madame Manet au canapé bleu.
Cet artiste aimait cette technique qui lui apportait la « société
de femmes agréables qui venaient poser » quand la maladie lui empêchait
de faire de grandes compositions peintes.
La salle suivante est consacrée aux impressionnistes avec des pastels
de Boudin (à qui Corot disait : « Boudin, vous êtes le roi des ciels »),
Caillebotte, Monet, Pissarro ou encore l’américaine si sensible
Mary Cassatt. A Degas, qui a peint plus de 700 pastels, deux salles
sont dédiées. L’on y voit ses célèbres sujets d’opéra avec ses danseuses,
« prétexte, disait-il, à peindre de jolies étoffes et à rendre le
mouvement ». On y voit aussi d’autres thèmes comme des femmes à
leur toilette ou encore La Repasseuse. Après une salle consacrée
au naturalisme, dont les peintres communient dans le culte de la
nature et du vraisemblable, et une autre aux portraits mondains,
nous arrivons dans la section dédiée au symbolisme. Là les peintres
aspirent à exprimer leurs sentiments (alors que les impressionnistes
cherchent à traduire leurs sensations) à travers les sujets mythologiques
tel le monumental Les Tireurs à l’arc de George Desvallières, ou
les paysages, dont la peinture est le fruit de l’imagination des
artistes ou encore les « belles alanguies », portraits de femmes
anonymes et insaisissables.
Les deux dernières salles mettent en lumière les pastels de Lucien
Levy-Dhurmer, inspiré par le rêve, la musique ou les paysages et
surtout ceux d’Odilon Redon, dont l’univers est pénétré d’intense
spiritualité et qui « est à l’origine, d’après Maurice Denis en
1912, de toutes les innovations ou rénovations esthétiques auxquelles
nous avons depuis lors assisté ». Cette exposition est à l’image
de ce qu’elle présente, délicate et sensible. Un vrai bonheur. Musée
d’Orsay 7e. Jusqu’au 1er février 2009. Lien
: www.musee-orsay.fr.