PARISIENNES CITOYENNES ! Engagements pour l’émancipation des femmes (1789-2000). Que de luttes et de manifestations en tous genres ont dû mener les femmes pour arriver à une quasi égalité avec les hommes dans notre pays. Cette exposition le rappelle avec une multitude de documents, de tableaux et d’objets qui évoquent ces revendications. S’il est question de « Parisiennes » c’est bien sûr parce que le musée Carnavalet est consacré à l’histoire de la ville de Paris. Mais en France, on sait bien que tout se concentre dans la capitale. Ce qui se passe à Paris est la plupart du temps le reflet de tout le pays et cela dès la Révolution, point de départ du parcours.
Les commissaires évoquent ce combat des femmes en cinq grandes sections, selon un ordre chronologique correspondant aux grandes périodes de notre histoire.
La première partie commence à la Révolution de 1789 et s’achève avec la Commune, en 1871. Elle est intitulée « Le temps des utopies ». C’est vrai qu’avec la Révolution de 1789 et celles qui ont suivi, 1830, 1848 et la Commune, où les femmes étaient très présentes, certaines ont cru pouvoir s’émanciper. La Révolution apporte le mariage civil et le divorce et proclame la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais Olympe de Gouges rétorque « et la citoyenne ? ». Quand une femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit aussi avoir le droit de monter à la tribune, écrit-elle. Elle terminera sur l’échafaud en 1793 pour avoir voulu être « homme d’état » et avoir « oublié les vertus qui conviennent à son sexe ».
On le voit, dès 1793 la régression commence. Napoléon et son fameux code consacrent en 1804 la domination masculine : la femme mariée perd tous ses droits, sur elle-même et sur ses enfants. Puis, en 1810, le code pénal punit l’avortement comme un crime tandis que le mari qui tue son épouse infidèle est excusable ! Enfin, la Restauration supprime le droit de divorce. On est revenu à la case départ. Mais le combat continue avec des moyens tels que les pétitions, les clubs, la presse. À chaque révolution ses utopies, mais la machine est en marche. Si le mot « féminisme » n’existe pas encore, il existe néanmoins une aspiration collective à l’émancipation des femmes grâce à l’égalité des droits. Des femmes créent des écoles pour les filles, dirigent des journaux, écrivent, revendiquent et déclarent « à travail égal, salaire égal », s’opposant ainsi à Proudhon, hostile au travail féminin, facteur de « dégénérescence de la race ».
La Troisième République arrive. C’est l’objet de la deuxième section qui décrit les avancés du droit des femmes durant la période 1871-1914. La première est le droit à l’éducation grâce aux lois Ferry de 1881-1882. Puis peu à peu les femmes accèdent à des professions où elles étaient ignorées, telles qu’avocates, scientifiques, doctoresses, écrivaines, sportives et bien sûr artistes en tout genre. À chaque élection elles se présentent sans y avoir le droit. Les suffragettes, emmenées par Hubertine Auclert, manifestent en perturbant les votes. Cette section se termine avec un éclairage sur le mouvement néo-malthusien, qui estime qu’il faut réduire la croissance de la population, grâce à la contraception afin d’éviter les grossesses non désirées. Avec de telles idées, la révolution sexuelle se met en marche.
La période suivante, 1914-1939, qui s’étend entre deux guerres, montrent toutes les « ambivalences de la modernité ». Alors que les femmes ont largement donné de leur personne durant la première guerre mondiale, le gouvernement ne leur reconnaît toujours pas le droit de vote, contrairement à de nombreux pays. Qui plus est, il réprime encore plus l’avortement, à cause d’une baisse de la natalité, et incite les femmes à retourner au foyer lors de la crise de 1930. Il faut attendre la grève générale de 1936 et l’avènement du Front populaire pour reconnaître l’égalité des femmes au travail, sauf en matière de salaire ! Paradoxalement, Léon Blum fait entrer trois femmes au gouvernement alors qu’elles n’ont pas le droit de vote et sont privées de droits civils pour celles qui sont mariées…
Néanmoins, à la même époque, une atmosphère de libération sexuelle anime le Paris de la fête et de la bohème. La ville, où l’homosexualité n’est pas légalement condamnée, est aussi un espace de liberté pour les « garçonnes » de tous les pays.
La quatrième section, « De la Résistance à Mai 68 : entre deux vagues (1939-1968) » nous peint une France où, compte tenu de leur participation à la Résistance après la défaite de 1940, les françaises obtiennent enfin, en 1944, la reconnaissance de leurs droits civiques. Néanmoins rien ne change vraiment pour leurs autres droits et elles sont peu nombreuses dans les assemblées. Ce conservatisme est favorable au fameux baby-boom et il faut des femmes telles que Simone de Beauvoir, Juliette Greco ou Françoise Sagan, des « scandaleuses », pour que les femmes prennent conscience de leur situation. Ce n’est qu’en mai 1968 que celles-ci se rendent compte que leur voix compte toujours moins que celle des hommes.
Le parcours se termine avec la période 1970-2000 intitulée « Le temps du mouvement de libération des femmes ». Celui-ci est incarné par le MLF. Il se forme en 1970 et fait de la liberté de disposer de son corps un enjeu central. En 1971, la lutte pour la liberté de l’avortement prend son essor. 343 femmes connues déclarent avoir avorté. Enfin, en 1979, la loi Veil autorise l'interruption volontaire de grossesse. Mais il y a bien d’autres mouvements. C’est le temps où les groupes sociaux de toutes sortes manifestent. Cela va des infirmières aux prostituées, en passant par les femmes de ménages, les africaines, les antillaises et afro-américaines, les homosexuelles, etc. Les femmes manifestent pour que le viol soit sévèrement puni, pour qu’elles puissent sortir sans crainte la nuit et pour exister vraiment dans les assemblées. Les écrivaines et artistes s’emparent aussi de ces thèmes pour exister elles-aussi dans un espace public essentiellement pensé pour les hommes.
On le voit, le sujet est vaste et cette exposition, bien documentée, est passionnante. À ne pas manquer. R.P. Musée Carnavalet - Histoire de Paris 3e. Jusqu’au 29 janvier 2023. Lien : www.carnavalet.paris.fr.