OSSIP ZADKINE. Une vie d’ateliers. En 1981, Valentine Prax (1897-1981), peintre et compagne du sculpteur Ossip Zadkine (1888-1967), qu’elle avait épousé en 1920, lègue tous ses biens à la Ville de Paris sous condition d’en faire un musée consacré à Zadkine. C’est chose faite en 1982 et, quarante ans plus tard, c’est l’occasion de commémorer ce legs avec cette exposition où l’on peut voir ou revoir une centaine d’œuvres, non seulement de Zadkine mais également de Valentine Prax, pour laquelle le musée est trop souvent discret.
Le legs ne comprenait pas seulement les œuvres de Zadkine et sa demeure-atelier de la rue d’Assas, mais aussi des centaines de photographies, prises par des anonymes ou de célèbres photographes de l’époque tels Marc Vaux, André Kertész ou Daniel Frasnay, et toutes sortes d’objets personnels. C’est avec ce fond que les commissaires ont conçu la présente exposition en évoquant ce qu’était cet atelier entre 1928 et 1967, années durant lesquelles le couple vécut dans cette maison.
Mais avant d’acheter la « folie d’Assas », Zadkine, né dans l’actuelle Bielorussie et arrivé en France en 1909, avait occupé plusieurs ateliers. Ceux-ci sont évoqués à travers les œuvres qu’il a réalisées dans ces derniers. C’est ainsi que nous voyons Tête héroïque (1912-1913) et surtout Tête de jeune fille en marbre, du musée de Grenoble, sculptées dans la cité d’artistes de la Ruche où le jeune sculpteur s’était installé. Si la Ruche a hébergé des artistes tels Chagall, Soutine, Modigliani, Zadkine la juge malcommode et trop excentrée. Dès qu’il en a les moyens il s’installe, en 1911, rue de Vaugirard, dans le 15e arrondissement puis, en 1913, rue Rousselet dans le 7e arrondissement, où il reste jusqu’à son déménagement rue d’Assas.
Si nous n’avons qu’une photographie du sculpteur dans son atelier de la Ruche ou (?) de la rue de Vaugirard, en revanche il y en a beaucoup qui ont été prises dans son atelier de la rue Rousselet. Sur l’une d’entre elles on le voit en compagnie du peintre Foujita. De nombreuses sculptures évoquent cette période. Tout d’abord cette grande Vénus cariatide en bois (1919) et cet Hermaphrodite (1914) en bronze qui nous accueillent dans la première salle. Il y a aussi Maternité (1919) en marbre, Musicienne (1919) et Formes féminines (1922) en pierre calcaire, Buste de jeune femme (1914) en ciment, Tête d'homme (1922) en bois doré à la feuille, Chien chinois (1922) en terre cuite, etc. L’énumération de ces œuvres montre la diversité des techniques employées par Zadkine, de la terre cuite au ciment.
Dans une interview que l’on visionne dans l’atelier du jardin, Zadkine répond qu’il a une préférence pour la sculpture sur bois, une technique qu’il a apprise en 1907, à Sunderland, dans le nord de l’Angleterre, où il est hébergé chez son oncle. En revanche ce sont ses œuvres en bronze, souvent tirées à plusieurs exemplaires et dans des formats différents, dont une dizaine est exposée dans le jardin qui borde la maison, qui ont fait sa renommée internationale.
Les trois salles suivantes présentent des œuvres réalisées pour la plupart rue d’Assas mais également dans deux autres ateliers. Tout d’abord celui de la Maison des Arques, dans le Lot, que le couple achète en 1934, et celui de New York où Zadkine, d’origine juive, se réfugie durant la Seconde Guerre mondiale. Si le sculpteur a l’impression d’y revivre la précarité de ses débuts, il y réalise cependant des œuvres remarquables comme La Prisonnière, un bronze de 1943. Parmi les autres sculptures exposées dans ces salles, on remarque le moulage en plâtre peint de Rébecca ou La Grande porteuse d’eau, réalisé par Zadkine à partir de sa sculpture en bois de 1927, la magnifique Femme à l'oiseau (1931) et plusieurs bronzes dont une maquette de son célèbre monument de Rotterdam, haut de six mètres, La Ville détruite (1947).
Après avoir traversé le jardin, nous arrivons dans l’atelier, vaste et lumineux, que Zadkine fit construire vers 1950. Les commissaires ont tenté de recréer ce lieu tel qu’il était à l’époque des artistes avec un encombrement de sculptures, dont le gigantesque Prométhée (1955-1956) en bois d’orme, La Belle Servante (1926-1928) en pierre calcaire, ou encore Déméter ou Pomone (1958) en bois d’ébène. Une photographie, très intéressante, nous montre Zadkine en train de préparer la grume qui lui servira à faire cette sculpture. Nous y voyons aussi des objets personnels, tels que son accordéon, dont il joua jusqu’à sa mort, ses livres, son fauteuil, son samovar, un établi, des outils de toutes sortes et un curieux morceau de bois, trouvé dans le bois de chauffage, qu’il monta sur un socle et qui lui inspira la forme de son Orphée (1956) au corps élancé en forme de X, visible dans le jardin.
Une exposition bien documentée, avec une belle scénographie, qui nous permet de revoir une fois de plus les merveilleuses sculptures de ce grand artiste. R.P. Musée Zadkine 6e. Jusqu’au 2 avril 2023. Lien : www.zadkine.paris.fr.