OSKAR KOKOSCHKA
Un fauve à Vienne

Article publié dans la Lettre n°561 du 11 janvier 2023



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

OSKAR KOKOSCHKA. Un fauve à Vienne. Cette exposition est la première rétrospective parisienne consacrée à « l’enfant terrible de Vienne », au « plus sauvage d’entre tous » comme le qualifie la critique après avoir vu ses premières productions.
Oskar Kokoschka (1886-1980) est né à Pöchlarn, en Autriche. Il est présenté ici en tant que peintre, mais il était également poète, écrivain, essayiste, dramaturge et auteur de livrets d’opéra. Nous voyons d’ailleurs le programme de son opéra Meurtrier, espoir des femmes, dirigé par Paul Hindemith, et la partition de son Orphée et Eurydice.
Le parcours est divisé en six grandes sections retraçant sa carrière de manière chronologique, en fonction des principaux événements de sa vie, marquée par deux guerres mondiales, le nazisme, la chasse aux peintres « dégénérés » et l’exil, pour ne citer que les principaux.
Quelque 150 œuvres, parmi les plus représentatives de son abondante production, sont ici grâce au soutien d’importantes collections européennes et américaines. Kokoschka est un artiste inclassable dans l’histoire de l’art. D’une très grande indépendance, il s’est tenu à l’écart des mouvements d’avant-gardes tels que l’expressionnisme, la Nouvelle Objectivité et l’abstraction. Néanmoins il a déclaré un jour « Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu’exprimer la vie ». En effet, ses tableaux montrent sa volonté de traduire par la peinture ses états d’âme et ceux de son époque.
La première partie, « Un enfant terrible à Vienne (1904-1916) », commence l’année où Kokoschka étudie à l’École d’arts appliqués de Vienne et celle où il est blessé, pour la seconde fois, au cours de la bataille de l’Isonzo en Italie. Alors que les artistes de la Sécession et de la Wiener Werkstätte (1903-1932) inventent des formes douces et végétales, Kokoschka intervient comme une « explosion dans un jardin ». S’il est soutenu par Gustav Klimt (1862-1918) et Egon Schiele (1890-1918), c’est surtout grâce à l’architecte Adolf Loos (1870-1933) qu’il obtient ses premières commandes : des portraits de membres de la société viennoise, pas toujours satisfaits du regard perçant que l’artiste pose sur eux ; une œuvre graphique d’envergure, Les Garçons qui rêvent (1908), un poème qu’il écrit et illustre ; des illustrations, à Berlin, de la revue Der Sturm, ou encore des cycles graphiques tels Colomb enchaîné (1913) et La Cantate de Bach (1914) où il exprime la relation amoureuse conflictuelle qu’il entretient avec Alma Mahler, jusqu’à son engagement en 1914 dans le régiment des dragons impériaux.
La deuxième partie « Les années de Dresde (1916-1923) » se déroule dans cette ville, où il a été envoyé en convalescence, puis nommé professeur à l’Académie des beaux-arts. Toujours en décalage avec son temps, cela lui vaut une tribune à son encontre de la part d’artistes Dada. Le contact à Dresde avec les chefs-d’œuvre de grand maîtres tels Rembrandt, Titien, Raphaël, l’amène à rechercher de nouvelles formes d’expression picturale. Elles se traduisent, entre autres, par des couleurs intenses et lumineuses.
De 1923 à 1934 Kokoschka entreprend de grands voyages à travers l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient, grâce à son galeriste Paul Cassirer. Il tente aussi de mieux se faire connaître à Londres et à Paris, où sa première exposition personnelle reçoit un accueil enthousiaste de la critique. Le suicide de Paul Cassirer et la crise de 1929 le plongent dans de grandes difficultés économiques et il doit retourner à Vienne en 1932. La ville est alors en proie à de graves troubles politiques liés à l’ascension du nazisme.
La quatrième partie, « Résistance à Prague (1934-1938) » est consacrée à cette période qui voit l’ascension d’Hitler et cette exposition itinérante d’art dégénéré qui exhibe neuf toiles de Kokoschka, tandis que plus de 600 de ses œuvres, de tous types, sont saisies dans les musées allemands. Aujourd’hui encore, certaines sont portées disparues. L’artiste se réfugie à Prague, ville dont son père était originaire, chez sa sœur Berta. Il y rencontre Olda Palkovskà (1915-2004) qu’il épousera en 1941. C’est à Prague qu’il peint son Autoportrait en « artiste dégénéré » (1937), au milieu d’une nature luxuriante. On remarquera l’abondance des autoportraits tout au long du parcours.
La situation devenant également insoutenable à Prague, Kokoschka émigre en Angleterre où il séjourne de 1938 à 1946. En 1947 il obtient la citoyenneté britannique tandis qu’une grande rétrospective de son œuvre est organisée à Bâle. Il devient alors un artiste engagé incontournable de la reconstruction culturelle européenne.
La dernière partie, « Un artiste européen en Suisse (1946-1980) », est consacrée à son séjour dans ce pays, où il s’installe à partir des années 1950, à Villeneuve, sur le lac Léman. Il fait les portraits des personnalités de son époque, tel Konrad Adenauer, ouvre une « École du regard » à Salzbourg et cherche le moyen de créer une Europe unifiée à travers les récits de la Grèce antique, tels Prométhée ou Les Grenouilles d’Aristophane.
Jusqu’à son dernier souffle, en 1980, il croit en la puissance subversive de la peinture, vecteur d’émancipation et d’éducation. Une magnifique exposition, avec de nombreux cartels développés sur les œuvres présentées. R.P. Musée d’Art moderne de Paris 16e. Jusqu’au 12 février 2023. Lien : www.mam.paris.fr.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des expositions

Accès à la page d'accueil de Spectacles Sélection