NICOLAS DE STAËL. Vingt ans après celle organisée par le Centre Pompidou en 2003, le Musée d’Art Moderne de Paris consacre une grande rétrospective à Nicolas de Staël (1914-1955), figure incontournable de la scène artistique française d’après-guerre. Né à Saint-Pétersbourg, Nicolas de Staël a trois ans lorsqu’éclate la révolution russe, le forçant de fuir avec sa famille. Après la mort de ses parents en 1921 et 1922, en Pologne, il est confié par sa marraine à une famille de Bruxelles, les Fricero, dont la femme est présidente de la Croix-Rouge. Il fait ses études à Bruxelles où il étudie l’art et cherche très vite à étendre son horizon en sillonnant la France puis le Maroc où il rencontre Jeannine Guillou, une peintre mariée avec un enfant, qui deviendra sa compagne jusqu’à sa mort tragique, en 1946, suite à un avortement thérapeutique.
En 1939 il s’engage dans la Légion étrangère. Une fois démobilisé, en 1940, il s’installe à Nice puis, trois ans plus tard, à Paris. C’est à cette époque qu’il se tourne vers l’abstraction, une mode alors en plein essor, tout en déclarant que «les tendances non figuratives n’existent pas». À aucun moment il ne s’associe à un mouvement artistique particulier. C’est à partir de 1945 et une exposition à la galerie Jeanne Bucher que sa carrière est enfin lancée.
Après la mort de sa compagne, il épouse Françoise Chapouton qu’ils avaient engagée pour s’occuper de leurs deux enfants. L’année suivante, en 1947, Staël s’installe avec sa famille rue Gauguet, dans un immense atelier. En 1953 il se rend en Italie (Sicile, Toscane) avec toute sa famille, une amie de René Char et une certaine Jeanne Polgue-Mathieu. À leur retour il achète une maison dans le Luberon, à Ménerbes, tellement il est subjugué, comme d’autres peintres, par la lumière du Midi. Il tombe follement amoureux de Jeanne, une femme mariée qui réside près de Nice, et loue un appartement à Antibes où il installe son atelier et vit seul, sans sa famille, se séparant définitivement de Françoise. Mais Jeanne se montre de plus en plus distante et ne vient pas à leur dernier rendez-vous. Le 16 mars 1955 il se jette dans le vide depuis la terrasse de son immeuble.
Sa fille Anne dira: «Nous vivions en marge de la peinture, le foyer (...) ce n'était pas une maison, c'était la peinture.»
C’est cette peinture que la présente rétrospective nous dévoile, dans un ordre chronologique. Elle nous présente quelque 200 œuvres, tableaux, dessins, gravures et carnets venus d’Europe et des États-Unis, pays où Staël est très présent. D’une année à l’autre on voit l’évolution du style de Staël. Après les peintures plutôt figuratives des années 1934 à 1947, viennent les peintures abstraites de la rue Gauguet (1948-1949), puis celles qualifiées de «Condensation» (1950) et de «Fragmentation» (1951). Une salle est consacrée aux paysages de 1952, entre autres à de très petits formats sur du carton. Viennent ensuite des salles dédiées au «Spectacle du monde» (concerts, ballets, matches de football) (1952-1953), à «L’atelier du sud» (1953), aux «Lumières» (1953) et à la «Sicile» (1953-1954) avec de nombreux dessins et peintures d’Agrigente.
L’exposition se termine avec deux sections concernant les années 1954 («Sur la route») et 1954-1955 («Antibes»). En 1954 il se déplace constamment, à la recherche de sensations nouvelles: Uzès, Marseille, Martigues, la mer du Nord, Paris. Sa peinture devient plus légère ce qui plaît moins à ses acheteurs américains comme le lui écrit Paul Rosenberg, le fils de son marchand pour les États-Unis. À Antibes, Staël peint des marines et des natures mortes. Sa production est considérable et, suite à son habitude de travailler sur plusieurs tableaux à la fois, il meurt sans les avoir terminés, ce dont il s’excuse auprès de Jacques Dubourg, son marchand parisien: «Je n'ai pas la force de parachever mes tableaux. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. De tout cœur. Nicolas». Une exposition magistrale, bien présentée, qui nous fait pleinement découvrir l’évolution de ce peintre au fil des ans. R.P. Musée d’Art Moderne de Paris 16e. Jusqu’au 21 janvier 2024. Ensuite, cette rétrospective sera présentée à la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, du 9 février au 9 juin 2024. Lien : www.mam.paris.fr.