NAPOLÉON N’EST PLUS. Depuis la création du musée de l’Armée en 1905, son directeur est officiellement nommé « gardien du tombeau de l’Empereur ». À ce titre, il est le dépositaire des clefs du sarcophage de ce dernier. Cela justifie bien de consacrer à Napoléon, pour le bicentenaire de sa mort survenue le 5 mai 1821, une exposition sur cet événement qui s’est déroulé à plus de 7000 km de Paris, sur l’île de Sainte-Hélène. Celle-ci est alors une possession de la Compagnie britannique des Indes orientales qui la prête au gouvernement britannique comme lieu d’exil pour Napoléon.
Le parcours commence avec la mort de l’Empereur, dans d’horribles souffrances, après cinq ans d’exil. Sa petite cour, composée de fidèles qui l’ont accompagné dans son exil, souvent avec leur famille, l’accompagne dans ses derniers instants. Les soldats et marins britanniques présents sur l’île sont autorisés à se recueillir sur sa dépouille. Certains, comme Frederick Marryat, sont autorisés à dessiner la scène. C’est à partir de ces croquis que des peintres comme Charles de Steuben ou Jean-Baptiste Mauzaisse feront des tableaux de cette scène.
La salle suivante « Le visage et le corps » décrit deux événements post-mortem, l’autopsie du corps et la réalisation du masque mortuaire. Napoléon avait demandé que soit pratiquée une autopsie car il craignait de souffrir d’une maladie héréditaire et voulait prévenir son fils. En fait il est mort d’un ulcère de l'estomac. Un soulagement aussi pour le gouverneur Lowe. La mort de son prisonnier n’était pas due à ses conditions de détention.
Pour le masque mortuaire, en l’absence de plâtre sur l’île, celui-ci est réalisé avec une autre technique, qui ne peut être pratiquée que 48 heures après la mort, alors que les traits ont déjà changé. Ce premier masque, en trois parties, a souffert bien des avatars. Des copies en ont été faites et les différents masques mortuaires que l’on voit ici ne reflètent certainement pas la réalité.
La troisième salle décrit la cérémonie des obsèques avec la dépouille de l’Empereur reposant sur son lit de camp, dit « lit Murat », exposé dans cette salle avec l’habit de chasseur à cheval de la Garde Impériale qui lui avait appartenu. Au milieu des tableaux et gravures représentant la scène, on peut voir le plan de l’hypogée de Napoléon. Le transport du corps en France étant interdit, l’Empereur est inhumé sur l'île, dans ce val où poussent les géraniums, qu'il a lui-même désigné.
La salle suivante « Testament » est la plus intéressante. On y voit, sorties spécialement pour l’occasion de l’Armoire de fer où elles sont enfermées aux Archives nationales, les vingt pièces distinctes qui le composent. Napoléon a rédigé son testament du 11 au 29 avril 1821. Ce document règle des aspects matériels comme la répartition de ses biens entre son fils, sa famille, ses proches et même un certain Cantillon, qui avait tenté de tuer Wellington en 1818, ce qui avait réjoui Napoléon, la nouvelle étant parvenue jusqu’à lui ! Mais avec ce testament Napoléon veut aussi laisser une trace à la postérité. Il accable ses adversaires, « l’oligarchie anglaise » surtout, et ceux qu'il accuse de l'avoir trahi. Les commissaires ont rassemblé dans cette salle une partie des objets précieux mentionnés dans le testament.
La dépouille de l’Empereur repose dans sa tombe à Sainte-Hélène mais, alors que la nouvelle de sa mort n’avait eu aucun impact sur le peuple, son souvenir devient de plus en plus présent. On l’imagine visitant son tombeau et même en sortir tout auréolé de gloire. Finalement, en 1840, le Roi Louis-Philippe, avec l’accord des anglais, décide de rapatrier ses cendres (un terme pudique pour désigner sa dépouille). La « Mission de Sainte-Hélène » s’embarque le 7 juillet sur la frégate la Belle-Poule et la corvette la Favorite. Afin de laisser le temps, en France, de préparer les cérémonies, la mission ne se presse pas pour arriver sur l’île. Elle débarque à Sainte-Hélène seulement trois mois plus tard, le 8 octobre. Une maquette de la Belle-Poule et des peintures et gravures décrivant l’arrivée spectaculaire, le 15 décembre 1840, du cortège funéraire avec un immense char tiré par seize chevaux, illustrent ce « retour ».
Les cendres de l’Empereur sont de retour, mais où les mettre ? On pense à la Corse, à la Madeleine, au Panthéon, à la colonne Vendôme et bien sûr aux Invalides, un établissement fondé par Louis XIV mais profondément remanié dans son organisation par Napoléon lui-même. Finalement on choisit ce dernier lieu qui respecte aussi le vœux de Napoléon de reposer « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple qu’[il a] tant aimé ». En attendant un tombeau digne de lui, on dépose sa dépouille dans la chapelle Saint-Jérôme.
Durant les vingt années qui suivent, au milieu des changements politiques, divers projets sont présentés. Le choix se porte finalement sur celui de Visconti, un tombeau construit sous le Dôme des Invalides, achevé en 1861. Le Dôme est visité par toutes sortes de gens, de la Reine Victoria avec Napoléon III en 1855 jusqu’aux touristes d’aujourd’hui, en passant par les poilus de la Grande Guerre et de nombreux diplomates et chefs-d’état.
Dans cette dernière salle, on voit le coffret renfermant, non pas la clé du sarcophage, mais cinq clés comme le révèle une radiographie. Une exposition remarquable par les pièces exposées, souvent rares et précieuses. R.P. Musée de l’Armée 7e. Jusqu’au 31 octobre 2021. Lien : www.musee-armee.fr.