MIRÓ. Nous avons souvent l’occasion de voir des expositions consacrées à ce grand artiste catalan (Miró Sculpteur, Lettre n° 328) mais, s’agissant d’une rétrospective, celle-ci est la première en France depuis 1974. Né en 1893, Joan Miró fait des études de commerce à Barcelone tout en suivant des cours de dessin. En 1911, il décide de se consacrer exclusivement à la peinture et se mêle à la vie intellectuelle portée par les revues catalanes et françaises. En 1917, il est impressionné par l’Exposition d’art français organisée par Vollard à Barcelone. Il y découvre le Fauvisme et le Cubisme. Il partage alors sa vie entre Paris et la ferme familiale de Mont-roig où il développe un nouveau style pictural à travers ses paysages. Entre 1925 et 1929, il participe à des expositions surréalistes, présentant les séries des « Peintures de rêves » et des « Paysages imaginaires » tout en travaillant à des décors et des costumes de ballet. Suivent des années d’expérimentation plastique durant lesquelles Miró explore d’autres langages et fait appel à des matériaux vils, naturels ou manufacturés. La guerre civile espagnole le contraint à rester à Paris où il participe à la décoration du pavillon de la République espagnole de l’Exposition universelle de 1937, réalisant un grand panneau mural, Le Faucheur, aujourd’hui disparu. Durant la Seconde Guerre mondiale, il retourne en Espagne et entreprend, avec son ami Josep Llorens i Artigas, ses premières sculptures et céramiques, dans le même esprit que ses peintures, ce qui était plutôt inattendu dans ces domaines. En 1956, il demande à son ami l’architecte Josep Lluis Sert de lui construire, en bas de sa maison de Palma de Majorque, le grand atelier dont il a toujours rêvé. Il peut alors déballer les œuvres qu’il n’avait pas revues depuis son départ de Paris avant la guerre, en corriger ou en détruire certaines, faire son autocritique et se lancer dans de vastes compositions.
Le parcours de la présente exposition reprend le cheminement ci-dessus, depuis La Rose, une toile de 1916 jusqu’à Personnage dans un paysage (1976) en passant par ses grands triptyques des années 1961 (Bleu, qui évoque le ciel) à 1974 (L’Espoir du condamné à mort, 9 février 1974). Si le nom des quatre premières sections, « Un fauve catalan (1915-1917)», « Le Cubisme (1916-1919), « Les Peintures détaillistes (1918-1922) », « Le Surréalisme (1925-1927) se réfèrent à des courants artistiques précis, Miró ne les suit jamais complétement, laissant son imagination vagabonder sur la toile. Tout son œuvre est fait ainsi comme on le voit dans les douze sections suivantes. Miró n’est ni réaliste, ni abstrait, un qualificatif qu’il détestait pour parler de son œuvre. Il lui fallait un point de départ, aussi infime fut-il, pour déclencher tout un monde en lui, qu’il transposait dans ses compositions. « Pour moi, un tableau doit être comme des étincelles. Il faut qu’il éblouisse comme la beauté d’une femme ou d’un poème » disait-il. Et c’est vrai que ses toiles, comme ses bronzes, ces derniers étant souvent peints avec des couleurs vives et pures, sont le plus souvent le reflet d’un grand optimisme avec, néanmoins, des exceptions notables comme on l’a vu plus haut avec ce triptyque qu’il termina, sans le savoir, le jour de l’exécution de l’étudiant anarchiste catalan Puig Antich. Avec quelque 150 objets, nous avons vraiment un panorama complet de l’œuvre de Miró (1893-1983) dans une scénographie agréable et bien conçue de Maciej Fiszer. L’exposition se termine sur cette citation de l’artiste : « Les gens comprendront de mieux en mieux que j’ouvrais des portes sur un autre avenir, contre toutes les idées fausses, tous les fanatismes. » Ce n’est pas encore vrai pour tout le monde mais une exposition telle que celle-ci contribue largement à cette compréhension. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 4 février 2019. Lien : www.rmn.fr.