MATISSE
L'Atelier rouge

MATISSE. L’Atelier rouge. C’est une exposition consacrée à un seul tableau, L’Atelier rouge, peint par Matisse (1869-1954) en 1911, et pourtant elle occupe tout le premier niveau de la Fondation Louis Vuitton. En effet cette toile n’est pas banale. Elle faisait partie d’une commande de trois panneaux décoratifs commandés par Sergueï Chtchoukine, mécène du peintre, qui finalement refusa de l’acheter ! Matisse a commencé à peindre une vue de son atelier avec onze œuvres datant des treize années précédentes, toutes en sa possession. À un stade tardif de l’exécution du tableau, Matisse décide soudain de recouvrir la majeure partie de la surface du tableau d’une couleur uniforme, le rouge de Venise. Cette tentative pour repenser la peinture moderne à son origine engendra tout d’abord l’incompréhension et l’indifférence. Il fallut attendre son achat en 1949 par le Museum of Modern Art de New York pour que L’Atelier rouge  suscite l’enthousiasme des artistes et soit considéré comme une œuvre majeure de l’histoire de l’art moderne.
C’est l’histoire étonnante de ce tableau que nous décrivent les commissaires. Le parcours commence par ce fameux atelier. C’est le quatrième de Matisse. Grâce aux achats de son mécène, il est en mesure d’acheter un vaste terrain à Issy-les-Moulineaux, alors en pleine restructuration, et d’y faire construire un grand atelier de 100 m2 et 5 mètres de hauteur, séparé de la maison. Nous voyons une carte avec l’implantation de ses ateliers successifs, un plan de la maison et de l’atelier et la correspondance entre Matisse et le constructeur, la Cie des Constructions Démontables et Hygiéniques. Tout un programme.
La salle suivante nous présente le célèbre tableau de 1,8 x 2,2 mètres entouré des onze œuvres qu’il représente. Cela va d’une toile peinte en Corse en 1898, Corse, le vieux moulin à des œuvres réalisées en 1911, Cyclamen, Jeannette IV (un bronze), et Grand nu. Cette dernière peinture ayant disparu, peut-être détruite car Matisse la considérait comme inachevée, elle est évoquée par une photographie et cinq œuvres préparatoires.
Entre ces deux dates, 1898 et 1911, nous avons une magnifique assiette de 1907, Nu féminin ; l’une des rares toiles de Matisse représentant un homme, Jeune Marin II (1906) ; deux petites sculptures, l’une en terre cuite, Nu debout (1906-1907) qui depuis a perdu ses bras, et l’autre en bronze, Figure décorative (1908). Nous avons aussi divers nus tels Baigneurs (1907), qui évoque les tableaux de Cézanne, grand inspirateur de Matisse qui en avait acheté un ; Le Luxe II (1907-1908) et Nu à l’écharpe blanche (1909). C’est absolument passionnant de voir comment l’artiste a représenté ses propres œuvres dans son tableau, parfois avec précision, d’autres fois par quelques traits.
Dans la salle suivante, les commissaires nous montrent comment s’est passée la commande de Chtchoukine puis son refus d’acheter cette toile. On a également une évocation de la première présentation au public de L’Atelier rouge, en 1912, dans le cadre de la Seconde Exposition postimpressionniste où Matisse présenta une dizaine de toiles dont deux sont exposées ici. La toile voyagea ensuite aux États-Unis, sans rencontrer de succès, puis fut finalement achetée en 1927 par un club privé de Londres, le Gargoyle Club, où la bonne société put le contempler. Enfin, en 1949, le MoMA peut en faire l’acquisition auprès de son nouveau propriétaire, qui dirige la Bignou Gallery à New York.
Le parcours s’achève avec la présentation de Grand intérieur rouge (1948), la dernière peinture de Matisse, qui rappelle L’Atelier rouge par son fond rouge, mais représente les objets de manière réaliste. Après cette date, Matisse se consacra exclusivement au découpage et au collage de papier. Avec ses panneaux didactiques intéressants et des cartels développés pour toutes les œuvres exposées, cette exposition est un modèle de ce qui se fait de mieux pour le public. R.P. Fondation Louis Vuitton 16e. Jusqu’au 9 septembre 2024. Lien : www.fondationlouisvuitton.fr.

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