Parcours en images et en vidéos de l'exposition

MATISSE
L'Atelier rouge

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°598 du 24 juillet 2024


 

Entrée de la Fondation Louis Vuitton
 
Peint en 1911, L'Atelier rouge marque un tournant dans l'œuvre d'Henri Matisse (1869-1954) et a été, pour des générations d'artistes, une découverte fondatrice. La toile représente un coin de l'atelier de Matisse à Issy-les-Moulineaux, ainsi que onze des œuvres qu'il contenait, créées au cours des treize années précédentes. À un stade tardif de l'exécution du tableau, Matisse décide soudain de recouvrir la majeure partie de la surface d'une couleur uniforme, le rouge de Venise. L'Atelier rouge demeure l’une des tentatives les plus audacieuses de Matisse et une étape décisive de sa réinvention de la peinture moderne.

Conçue autour de L'Atelier rouge, l'exposition se propose d'en retracer l'histoire tout en montrant chacune des œuvres qui y sont représentées. Sont ainsi rassemblés, pour la première fois depuis qu'ils ont quitté Issy-les-Moulineaux, des peintures, sculptures et objets décoratifs alors présents dans l'atelier. L'exposition analyse la genèse et les pérégrinations du tableau: incompréhension, indifférence, puis adhésion. Il fallut attendre quatre décennies avant que cette peinture soit reconnue comme une œuvre majeure de l'histoire de l’art moderne, d'abord auprès des artistes, dès sa présentation au Museum of Modern Art de New York en 1949.

L'Atelier rouge a été exposé pour la dernière fois à Paris il y a une trentaine d'années. Aujourd'hui, à la Fondation Louis Vuitton, il revient tout près du lieu où il fut peint en 1911.

Affiche de l'exposition
 
Texte du panneau didactique.


1 - Prologue

Scénographie

Cette salle présente le lieu de travail de Matisse reproduit dans L'Atelier rouge. Construit en 1909, l'atelier d’Issy-les-Moulineaux est le premier que Matisse conçoit entièrement. Il constituera le cadre principal de son travail jusqu'en 1917. Une sélection de documents d’archive et de photographies prêtés par les Archives Henri Matisse est exposée dans cette salle. Ils témoignent de la création de l'atelier et donnent une idée de l'intérieur et de l’environnement du bâtiment, offrant un aperçu du sujet et du site de L'Atelier rouge.

 
Texte du panneau didactique.
 
Henri Matisse devant son atelier d'Issy-les-Moulineaux.
Carte indiquant la localisation des premiers ateliers de Matisse, 1894-1909. © Alexandre Nicolas.

Depuis son arrivée à Paris au début des années 1890, Matisse a logé dans différents quartiers et ses espaces de travail furent souvent exigus – quai Saint-Michel, rue de Sèvres et boulevard des Invalides. Au printemps 1909, la vente imminente de sa dernière résidence parisienne, l'ancien couvent du Sacré-Cœur, contraint Matisse à déménager. C'est hors de Paris, dans la petite ville d’Issy-les-Moulineaux alors en plein essor, qu'il trouve l'espace dont il a besoin, correspondant à ses nouveaux moyens - grâce à son collectionneur Chtchoukine. Il opte pour une propriété entourée d'un grand jardin et d'un terrain attenant où il pourra installer un atelier moderne, à environ six kilomètres au sud-ouest du centre de la capitale.
Scénographie
L'atelier d’Issy-les-Moulineaux, 1909.
L'atelier est construit durant l’été 1909 par la Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques spécialisée dans les bâtiments préfabriqués. Il s'agit d’un bâtiment spacieux de dix mètres sur dix, aux murs de cinq mètres de haut, surmonté d’un toit en shed à deux versants inclinés se rejoignant en un sommet décentré, dont le plus court, au nord, est pourvu de verrières. Le mur nord de l'atelier est, lui aussi, presque entièrement vitré. L'atelier était entouré d’un jardin rempli de fleurs que Matisse citait souvent comme l'une de ses sources d'inspiration.
 
La propriété de Matisse telle qu'elle apparaît sur un plan d'Issy-les-Moulineaux.
Sur cette carte le bâtiment marqué «Hab» montre l'emplacement de la maison de Matisse et celui de l'atelier qui a été construit sur la propriété adjacente, visible en haut à droite («Atelier»). Les deux bâtiments étaient entourés de jardins.
Le déménagement de la famille Matisse à Issy est mentionné par l'écrivaine américaine Gertrude Stein dans son Autobiographie d'Alice B. Toklas (1933) : «Matisse, avec un mélange d'orgueil et de regret, nommait son jardin “le petit Luxembourg”». Stein comprenait que cette installation marquait le début d'une nouvelle étape qui mènerait Matisse vers d'autres expérimentations artistiques. «Les Matisse déménagèrent, et se trouvèrent très bien chez eux. Et bientôt l'énorme atelier fut plein de statues énormes et d'énormes tableaux. C'était la période de l'énorme pour Matisse.»
 
La conception de l'atelier d’Issy-les-Moulineaux se fit en étroite collaboration entre l'artiste et la Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques. Les lettres présentées ici témoignent de l'abondante correspondance entre l'entreprise et son client.
La première propose un atelier préfabriqué consistant en une charpente en fer, un toit en tôle ondulée et des parois intérieures en panneaux de bois. La suivante confirme la commande et donne le calendrier de facturation. Au verso d'un plan, Matisse précise ce qu'il souhaite: ajouter une petite porte dans le mur du fond et modifier l'emplacement de l'entrée principale et de la fenêtre. Suite à la livraison de la structure et l'assemblage fin septembre 1909, une troisième lettre détaille deux demandes complémentaires de Matisse: une extension en façade afin de créer un porche d'entrée et une réserve couverte à l'arrière du bâtiment.
 
Lettre de Lucien Assire, Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques, à Henri Matisse, 2 juin 1909 (recto). Archives Henri Matisse.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement

 

 
Lettre de Lucien Assire, Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques, à Henri Matisse, 2 juin 1909 (verso). Archives Henri Matisse.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement

 
Lettre de Lucien Assire, Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques, à Henri Matisse, 16 juin 1909 (recto). Archives Henri Matisse.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement

 

 
Lettre de Lucien Assire, Compagnie des Constructions Démontables et Hygiéniques, à Henri Matisse, 16 juin 1909 (verso). Archives Henri Matisse.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement

 
Henri Matisse et sa famille dans l'atelier d'Issy-les-Moulineaux, vers 1915. Archives Henri Matisse.

Cette photo de famille a été prise dans l'atelier d'Issy-les-Moulineaux vers 1915. Amélie, la femme de Matisse est assise à ses côtés, on voit aussi leurs trois enfants: Pierre, Marguerite et Jean. L'atelier, bien que séparé de la maison, était un lieu où la famille et les amis de l'artiste étaient les bienvenus.
 
Henri Manuel (1874-1947). Henri Matisse dans son atelier d'Issy-les-Moulineaux, 1909. Épreuve gélatino-argentique. The Museum of Modern Art Archives, New York.

Très peu de photographies de l'atelier de Matisse à Issy nous sont parvenues. À l'automne 1909 - presque immédiatement après son installation dans son nouvel espace de travail - le photographe parisien Henri Manuel a capturé, au cours d'une séance de portraits, l'image de Matisse devant son chevalet. On y voit un premier état de Nature morte à «La Danse», où apparaît la première représentation d'une nature morte dans le nouvel atelier. À l'arrière-plan, on aperçoit une partie de la grande Danse (I), faite à Paris et que Matisse avait emportée avec lui à Issy.
Intérieur de l'atelier de Matisse à Issy-les-Moulineaux, octobre / novembre 1911. Archives Henri Matisse.

Cette vue de l'atelier montre le mur à l’est et, au centre, la porte d'entrée à deux battants dont les rideaux sont ici tirés et couvrent les vitres. L'image confirme que le sol était en parquet et les murs faits d'étroites lattes en bois, mais ne permet pas de ressentir la grande hauteur sous toiture de l'atelier.


2 - L'Atelier rouge

Scénographie

L'Atelier rouge de Matisse montre onze œuvres datant des treize années précédentes, toutes en sa possession en 1911. Cela va d'un paysage réalisé en 1898, à vingt-huit ans, jusqu'à des peintures radicalement novatrices telles que Jeune Marin (II) (906) et Le Luxe (II) (1907-1908), ou la sculpture Jeannette (IV) (1911).

La salle rassemble autour de L'Atelier rouge les œuvres qui y sont représentées, montrant comment Matisse met en scène son propre travail. Représenter le lieu où il crée est un thème récurrent chez Matisse. Il pouvait ainsi, par de tels « portraits » d'atelier, témoigner de l'évolution de son œuvre. Ce sujet s’accordait à son penchant pour l'introspection et la réflexion.

Matisse s'inscrivait ici dans une histoire de la peinture, cette œuvre invitant le spectateur à pénétrer le domaine privé de l'artiste, introduisant à une méditation sur la nature de la création artistique.

 
Texte du panneau didactique.
 
Henri Matisse à son mécène, Serguei Chtchoukine, février 1912.
Henri Matisse (1869-1954). L'Atelier rouge. Issy-les-Moulineaux, 1911. Huile sur toile.
The Museum of Modern Art, New York. Mrs. Simon Guggenheim Fund, 1949. © Succession H. Matisse.
Photo © Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence.



L'Atelier rouge fut peint en plusieurs étapes au cours de l'automne et de l'hiver 1911. Le tableau représente une partie de l'atelier de l'artiste à Issy-les-Moulineaux et montre les œuvres, les meubles et les objets qui s'y trouvaient alors. L'aspect le plus remarquable de l'œuvre est le rouge qui recouvre la majeure partie de la surface, englobant totalement les murs, le sol et le mobilier. Ce recouvrement fut décidé par Matisse à un stade avancé d'exécution de l'œuvre.
L'artiste a d'abord représenté l'atelier en perspective, en usant de toute une gamme de couleurs. On retrouve ainsi sous la couche de rouge un état précédent de la peinture où les murs sont bleus, le sol rose et le mobilier ocre. L'artiste éprouvait quelques doutes sur ce qu'il avait peint. Peu après avoir recouvert la surface de rouge, il admit devant Vilma Balogh, une écrivaine hongroise en visite à l'atelier, qu'il s'aventurait dans des voies non encore empruntées: «Je l'aime bien, mais je ne le comprends pas tout à fait. Je ne sais pas pourquoi je l'ai peint exactement comme cela
Recouvrir la surface de rouge transforma radicalement l'œuvre. Les contours du mobilier apparaissent désormais en négatif. Matisse les laisse en réserve, créant ainsi des vides linéaires qui suivent les contours en laissant voir les couches picturales sous-jacentes. Les reproductions de ses propres œuvres, qui ont quasiment toutes échappé au recouvrement par le rouge, semblent flotter dans cet espace monochrome qui les réunit et les isole à la fois. Le rouge nie toute impression d'espace tridimensionnel, rendant ainsi l'image abstraite et plane. L'Atelier rouge est un manifeste crucial faisant de la couleur un élément artistique en soi, libéré de toute fonction narrative ou de représentation.
 
Henri Matisse (1869-1954). Jeune Marin (II). Collioure, 1906. Huile sur toile. The Metropolitan Museum of Art, New York. Jacques and Natasha Gelman Collection, 1998. © Succession H. Matisse. Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN - Grand Palais / image of the MMA.

L’une des rares figures masculines de l'œuvre de Matisse, ce portrait d'un jeune marin fut peint à Collioure, une ville côtière où l'artiste fit de longs séjours entre 1905 et 1914. C'est la que l'artiste et ses amis commencèrent à utiliser la palette vive et la large touche qui leur valut, en 1905, le sobriquet de fauves. Les aplats colorés simplifiés et le visage évoquant un masque témoignent d’une stylisation hardie dont Matisse pressentait qu'elle surprendrait ses admirateurs: son ami et collectionneur Leo Stein se souvenait que Matisse avait d'abord prétendu que le postier local de Collioure l'avait peint. Dans sa reproduction de cette toile dans L'Atelier rouge, Matisse a réduit le format du tableau comme celui de la figure, et adapté sa tonalité générale afin de l'harmoniser avec les peintures qui l'entourent.
 
Henri Matisse (1869-1954). Cyclamen. Issy-les-Moulineaux, 1911. Huile sur toile. Collection particulière. Courtesy Andrew Strauss, Paris. © Succession H. Matisse.

L'installation à Issy-les-Moulineaux donna à Matisse bien des occasions de peindre des natures mortes florales. Géraniums, capucines, tulipes, violettes, lilas, cyclamens et bien d’autres fleurs poussaient en abondance dans la serre et les jardins entourant la maison familiale et l'atelier. Cette toile - l'unique nature morte reproduite dans L'Atelier rouge - semble avoir été brossée rapidement: la couche picturale est mince et la touche vive, et des zones de toile laissées en réserve apparaissent autour des feuilles du cyclamen et des feuillages alentour. On sait d'après d’autres peintures que la petite table ronde se trouvait dans la serre, et il se peut que l'œuvre y ait été peinte. Sa représentation dans L'Atelier rouge, moins naturaliste que l'original, est une interprétation presque abstraite des pétales violets et des feuilles vertes. Matisse met en relief la toile en réserve lui donnant ainsi un rôle important dans l'expressivité globale de l'œuvre.
 
Henri Matisse (1869-1954). Nu debout, très cambré. Collioure, 1906-1907. Terre cuite. Collection particulière. © Succession H. Matisse. Photo © Jean-Louis Losi.

Nu debout, très cambré fait partie d'une série de petites statuettes de nus féminins réalisées par Matisse lors de sa période fauve. La sculpture a été initialement modelée à partir de la photographie d’un modèle anonyme publiée dans Mes modèles, l'un des magazines de l'époque proposant ce type d'images à l'usage des artistes. La pose, typique de ces publications, est maniérée et plus explicitement érotique que celles adoptées par les modèles vivants dans une salle de classe ou un atelier. Cette terre cuite mutilée a été récemment découverte parmi les objets ayant appartenu à l’un des fils de l'artiste, Jean. La tête et les avant-bras sont désormais perdus mais la figurine a conservé ses principales caractéristiques. Dans L'Atelier rouge, la figurine apparaît de dos, enroulée dans les tiges s'échappant du vase à proximité. Matisse a reproduit avec soin les bras levés et les genoux fléchis du sujet.
 
Henri Matisse (1869-1954). Figure décorative. Paris, 1908. Bronze, fonte 1/10. Art Gallery of Ontario, Toronto. Don de Sam and Ayala Zacks, 1970.

Cette Figure décorative fut créée en 1908-1909 au couvent du Sacré-Cœur, un ancien couvent appartenant à l'État où Matisse vivait, travaillait et enseignait dans l'académie qu'il y avait créée. Durant cette période, l'artiste se focalisa tout particulièrement sur la sculpture, en prenant toujours pour sujet le nu féminin. Ici, le corps tout en tension est à la fois sinueux et redressé, curviligne et géométrique. Il ne se définit pas simplement par ses masses mais aussi par les espaces négatifs entre elles. Un glissement du point de vue vers le côté ou le dos de la sculpture révèle des configurations totalement nouvelles. Dans la représentation qu'il donne du bronze dans L'Atelier rouge, Matisse rend soigneusement la couleur de la patine en mélangeant l'ambre et le gris. La sculpture y paraît plus svelte que l'original, et empreinte de plus de sinuosité et de souplesse.
 
Henri Matisse (1869-1954). Nu à l'écharpe blanche. Paris, 1909. Huile sur toile. SMK, National Gallery of Denmark. Collection Johannes Rump, 1928. © Succession H. Matisse. Photo © SMK /Jakob Skou-Hansen.

Matisse a peint Nu à l'écharpe blanche au printemps 1909, dans son atelier du couvent du Sacré-Cœur. L'œuvre se fonde sur des études d'après le modèle professionnel Loulou Brouty, qui avait posé pour plusieurs de ses toiles cette même année. Matisse a profondément modifié la figure, faisant varier sa position à maintes reprises tout en peignant. Les traces d'états précédents restent visibles à la surface de la toile achevée, elles sont particulièrement évidentes dans les zones sombres autour des jambes du modèle et de son bras gauche. Dans L'Atelier rouge, la position du corps est plus horizontale que dans l'original. Dans le même temps, les éléments sombres du tableau ont été omis et son intensité adoucie.
 
Scénographie
 
Henri Matisse (1869-1954). Le Luxe (II). Collioure, 1907-1908. Détrempe sur toile. SMK., National Gallery of Denmark. Collection Johannes Rump, 1928. © Succession H. Matisse. Photo © SMK /Jakob Skou-Hansen.

Le Luxe (II) marque le début d'une série de compositions à figures monumentales et très simplifiées qui allaient absorber Matisse jusqu'en 1911. Son thème ravive une tradition séculaire de la peinture européenne: des groupes de figures se délassant dans un cadre naturel. Dans sa représentation du Luxe (II) intégrée à L'Atelier rouge, Matisse a altéré les couleurs originelles de l’œuvre. À l'origine, il avait peint les trois nus dans des tons plus proches de ceux observés ici, mais lorsqu'il a recouvert de rouge de Venise le sol et les murs, il a également repeint ces figures qui apparaissent désormais plus brunes de peau. Depuis la fin du XIXe siècle, et suivant l'exemple de Gauguin, de nombreux artistes d'avant-garde représentaient des types physiques extra-européens, tel un défi lancé aux canons culturels du temps. Cette œuvre est le premier exemple, chez Matisse, de peinture à la détrempe, une technique utilisée pour obtenir des surfaces mates et uniformes.
 
Henri Matisse (1869-1954). Jeannette (IV). Issy-les-Moulineaux, 1911. Bronze, fonte 1/10. F. Costenoble, Fondeur Paris. Fondation Beyeler, Riehen / Basel. © Succession H. Matisse. Photo: © Robert Bayer.

Matisse a commencé la série des cinq Jeannette au début 1910. Il utilisa l'argile pour Jeannette (I), modelée directement d'après le modèle Jeanne Vaderin, une connaissance d’Issy-les-Moulineaux. Les versions successives de ce portrait renoncent à tout naturalisme pour développer une logique formelle propre. Au moment où l'artiste réalise Jeannette (IV), les volumes très stylisés de la coiffure et les traits du modèle se sont encore affirmés. Jeannette (IV) fut exposée pour la première fois sous la forme d'un bronze, comme ici, mais c’est sa version en plâtre que Matisse a représentée dans L'Atelier rouge, adaptant ses formes pour rendre la coiffure plus spectaculaire encore que dans la sculpture, tout en omettant de représenter le long nez légèrement courbé. Le plâtre ne fut jamais exposé et fut finalement détruit.
 
Henri Matisse (1869-1954). Nu féminin. Asnières, 1907. Faïence stannifère. The Museum of Modern Art. New York. Achat 2001. © Succession H. Matisse. Photo © Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence.

Cette assiette en céramique peinte résulte de la collaboration féconde de Matisse avec le céramiste André Metthey (1871-1920) dont l'atelier se trouvait à Asnières au nord-ouest de Paris. Metthey s'attachait à faire revivre l'art délaissé de la peinture sur céramique. Il invitait de nombreux artistes à venir décorer les pièces qu'il fabriquait à partir d'argiles locales et qu'il émaillait ensuite afin d'offrir un support stable à la peinture. En 1907-1908, Matisse produisit près de quarante céramiques avec Metthey. Il choisit d'en conserver la plupart et elles ne furent longtemps connues que par leur fréquente représentation dans ses œuvres. Ici, la figure n'est définie que par une simple ligne bleue - ce qui témoigne de l'habileté de l'artiste, l'émail étant un support impitoyable qui ne tolère aucune correction. En donnant à cette assiette une position privilégiée au premier-plan de L'Atelier rouge, Matisse souligne l'importance des arts décoratifs dans sa vision artistique.
 
Henri Matisse (1869-1954). Baigneurs. Collioure, 1907. Huile sur toile. SMK, National Gallery of Denmark. Don de Augustinus Foundation & the New Carlsberg Foundation, 2018.

Les Baigneurs de Matisse font directement écho à l'exploration de ce sujet par Cézanne, qui le traita fréquemment dans des dizaines de peintures et d'œuvres sur papier. Cézanne était très important pour Matisse. En 1899, alors qu'il avait à peine de quoi payer son loyer où se nourrir, Matisse avait acheté Trois Baigneuses (1879-1882) de Cézanne, et en 1908, six de ses aquarelles. Dans cette toile de 1907, Matisse adopte la stratégie cézannienne consistant à laisser certaines zones non peintes, afin de créer une impression d'état provisoire. Sa représentation de l'œuvre dans L'Atelier rouge accentue encore cet aspect, en simplifiant le sujet au point de le réduire à des champs de couleurs. Les deux figures sont rendues par des touches de rose et quelques lignes librement tracées au crayon reprenant les contours de la peinture originale.
 
Henri Matisse (1869-1954). Corse, le vieux moulin. Ajaccio, 1898. Huile sur toile. Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, Cologne.

Corse, le vieux moulin est l'œuvre la plus ancienne de l'artiste représentée dans L'Atelier rouge. Après leur mariage, Henri et Amélie Matisse passèrent leurs premiers six mois ensemble à Ajaccio, en Corse, où Matisse découvrit pour la première fois la mer et le soleil de la Méditerranée. Dans une lettre à un ami, il décrit ainsi la mer: «bleu, bleu, si tellement bleu qu'on en mangerait». Cette expérience transforme sa peinture et sa palette, les descriptions réalistes cèdent alors la place à des compositions structurées avant tout par la couleur.
Cette ancienne huilerie était l’un des sites préférées de Matisse: ici, son rendu de la lumière dissout les détails des troncs d'oliviers et de la porte en haut de l'escalier. L'inclusion de Corse, le vieux moulin dans L'Atelier rouge suggère que Matisse attachait beaucoup d'importance à ce séjour sur l'île et à l'impact qu'il avait eu sur son développement artistique. Seules les grandes lignes de la composition apparaissent ici, mais ce rendu schématique permet à Matisse d'actualiser l'image et de la mettre en résonance avec le mode d'expression qui est le sien en 1911.
 
Henri Matisse (1869-1954). Grand nu, 1911. Photographie.
Scénographie
Le Grand Nu n'est aujourd'hui connu que par ses photographies et sa présence dans L'Atelier rouge. Peint à Collioure à la fin de l'été 1911, il présente un nu féminin allongé sur fond de fleurs à cinq pétales - celles-là même qui ornent les céramiques décorées par l'artiste en 1907. Peint à la détrempe, le Grand Nu mesurait environ 2 x  2,5 mètres, son cadre rouge fabriqué à la main était rehaussé de fleurs stylisées en écho à celles de la toile. Bien que de format horizontal, dans L'Atelier rouge, l'effet de raccourci dû à la perspective le transforme en format vertical. La position de la figure s'en trouve transformée et le sujet n'apparaît plus étendu mais allongé en diagonale. Le Grand Nu ne fut jamais exposé ni vendu, et selon la fille de Matisse, Marguerite Duthuit, il considérait la peinture comme inachevée et avait demandé qu'elle soit détruite après sa mort.

Ces cinq dessins développent le motif du Grand Nu. Deux représentent Marguerite de manière assez naturaliste les deux genoux levés. Les trois autres, plus schématiques, montrent le modèle la jambe gauche repliée sous la droite dans un espace plus étroitement cadré. Matisse appelait indifféremment le Grand Nu «Nuit» ou «Aube» en référence aux nus féminins sculptés par Michel-Ange pour deux tombeaux de la chapelle des Médicis à Florence.

 
Texte du panneau didactique.
 
Henri Matisse (1869-1954). Nu, fond fleuri, 1911. Encre bleue sur papier. The Pierre and Tana Matisse Foundation Collection.
 
Henri Matisse (1869-1954). Étude de nu allongé, 1911. Graphite sur papier. Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris. Don de Marie Matisse, 1984.
 
Henri Matisse (1869-1954). Étude de femme, 1911. Graphite sur papier. The Pierre and Tana Matisse Foundation Collection.
 
Henri Matisse (1869-1954). Étude, Nu couché, 1911. Graphite sur papier. The Museum of Modern Art, New York. Don de Madame Barbara Duthuit, 2022.
 
Henri Matisse (1869-1954). Étude, Nu, 1911. Pastel et graphite sur papier. The Pierre and Tana Matisse Foundation Collection.


3a - La commande de Chtchoukine

 

Matisse a peint L'Atelier rouge pour répondre à une commande de l'industriel russe du textile, Sergueï lvanovitch Chtchoukine (1854-1936). Chtchoukine rencontre Matisse en 1906 et devient son mécène le plus fervent. La première peinture réalisée pour sa résidence moscovite est Harmonie en rouge (1908). Viennent ensuite La Danse (II) (1909-1910) et La Musique (1910).
En janvier 1911, Chtchoukine passe une nouvelle commande à Matisse, celle d'un ensemble de trois panneaux décoratifs de dimensions identiques (1,8 x 2,2 m), laissant le choix du sujet à l'artiste. Ces peintures devaient décorer une pièce dont la taille contrastait avec les salles de réception.
La première réponse de Matisse, au printemps 1911, est L'Atelier rose. Début 1912, deux mois après avoir rendu visite à Chtchoukine à Moscou, Matisse écrit au collectionneur pour l'informer de la création de L'Atelier rouge et joint une aquarelle le représentant. Cependant, le collectionneur ne se laisse pas convaincre et refuse poliment. Pour Chtchoukine, une commande ne valait pas engagement. Durant les deux années suivantes, il continuera toutefois d'acheter de nombreuses peintures à Matisse mais renoncera définitivement à cette idée d'un trio de peintures.

Scénographie.
 
Texte du panneau didactique
 
Brouillon d'une lettre d'Henri Matisse à Sergueï Chtchoukine, 1er février 1912. Deux mois après son retour de Russie, Matisse envoya à Chtchoukine (depuis Tanger, où il venait d'arriver) une lettre dans laquelle il décrivait L'Atelier rouge. L'original a disparu, aujourd'hui ce brouillon est la description la plus précise de l’œuvre donnée par Matisse. Les nombreuses ratures et reformulations témoignent du mal que s'est donné Matisse pour expliquer son travail. «L'ensemble est rouge de Venise. Ce rouge, qui est un peu plus chaud que l'ocre rouge, est une couleur précise de la palette.» Puis, après avoir détaillé les couleurs utilisées dans la peinture. Il poursuit: «Ce tableau surprend tout à fait à première vue. C’est nouveau évidemment. Mme Stein le trouve le plus musical de mes tableaux. Je vous rapporte son opinion, sachant que vous l'estimez.» Matisse termine sa lettre par une question: «Vous ai-je dit que le tableau représentait mon atelier ?».
 
Lettre de Serguei Chtchoukine à Henri Matisse, 1/14 février 1912. Archives Henri Matisse. Le 14 février, Chtchoukine répond à Matisse: «J'ai reçu hier votre lettre de Tanger du 1er février ainsi que l’aquarelle pour le tableau rouge. Il doit être très intéressant, mais je préfère maintenant vos tableaux avec des figures». L'affaire se clôt ainsi: Chtchoukine refuse de prendre L'Atelier rouge. Dans sa lettre, le collectionneur ajoute que La Famille du peintre de l'artiste connaît un énorme succès à Moscou et qu'on le considère comme le plus beau des Matisse de sa collection. Il est possible que le collectionneur ait vu L'Atelier rouge lors de sa visite à l’artiste à Issy, en juillet 1912. Mais cela ne le fit pas changer d'avis. Pourtant, l'intérêt que Chtchoukine portait à Matisse n'en fut en rien diminué, ce même mois de juillet il lui acheta quatre peintures récemment achevées, et une cinquième le mois suivant.


3b - Seconde exposition postimpressionniste, 1912
et Armory Show, 1913

Scénographie
SECONDE EXPOSITION POSTIMPRESSIONISTE, 1912
et ARMORY SHOW, 1913

Le rejet de L'Atelier rouge par Chtchoukine affecte l'artiste, qui choisit de ne pas l'exposer immédiatement en France après son achèvement. L'Atelier rouge est présenté pour la première fois aux Grafton Galleries à Londres à l’automne 1912. Il s'agit de la «Seconde Exposition postimpressionniste» organisée par Roger Fry, écrivain et artiste qui joua un rôle clé dans l'introduction de l’art moderne au Royaume-Uni. La réaction du public à l'exposition, et particulièrement à la peinture de Matisse, est alors largement négative.
L'Atelier rouge voyagera ensuite aux États-Unis, où il est inclus dans l'exposition de l'Armory Show à New York, Chicago et Boston. Plusieurs peintures de Matisse exposées aux Grafton Galleries, notamment Le Luxe (II) (1906), le Jeune Marin (II) (1907-1908) et Poissons rouges et Sculpture (1912) - également présentée ici - y figurent également. L’Armory Show a offert au public américain un large aperçu de l'art moderne, mais fut souvent tourné en dérision.

 
Texte du panneau didactique.
 
Roger Fry (1866-1934). Une salle de la «Second Post-Impressionist Exhibition», Londres, 1912. Huile sur bois. Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Tourcoing, Muba Eugène Leroy, don de Mme Pamela Diamand, fille de l'artiste, 1959. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) /Hervé Lewandowski.

Roger Fry a conservé la trace de la première présentation de L'Atelier rouge, le représentant entouré de plusieurs autres œuvres de Matisse. C'est la seule documentation visuelle que l'on ait de l'exposition du «Panneau rouge» aux Grafton Galleries de Londres en 1912. L'homme assis sur le canapé en cuir est probablement l'artiste Duncan Grant, un admirateur de Matisse que l'artiste avait accueilli dans son atelier d'Issy. Grant faisait partie du Bloomsbury Group (un cercle soudé d'artistes et d'écrivains britanniques) qui collabora avec Fry à l'organisation de l'exposition.
 
Henri Matisse (1869-1954). La Fenêtre bleue. Issy-les-Moulineaux, 1913. Huile sur toile. The Museum of Modern Art, New York. Abby Aldrich Rockefeller Fund, 1939. © Succession H. Matisse. Photo © Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence.

Durant les mois qui suivirent son voyage en Russie à la fin 1911, Matisse continua de se consacrer à cette catégorie singulière de natures mortes que sont ses vues d'atelier. La surface monochrome introduite dans L'Atelier rouge se retrouve dans deux peintures plus tardives, présentées dans cette salle, qui se caractérisent par une nouvelle spatialité quasi abstraite. C'est l'unique œuvre de Matisse montrant son atelier d’Issy vu de l'extérieur. Elle fut peinte depuis la chambre qu'il partageait avec sa femme Amélie au second étage de leur maison toute proche. Cette vue depuis la fenêtre montre l'atelier niché dans la végétation.
 
Henri Matisse (1869-1954). Poissons rouges et Sculpture. Issy-les-Moulineaux, 1912. Huile sur toile. The Museum of Modern Art, New York. Don de Mr. & Mrs. John Hay Whitney, 1955. © Succession H. Matisse. Photo © Digital image, The Museum of Modern Art, New York /Scala, Florence.

Cette peinture fit ses débuts aux côtés de L'Atelier rouge lors de la «Second Post-Impressionist Exhibition» de Londres et l'accompagna ensuite à l’Armory Show à New York. Elle montre le mur arrière de l'atelier d'Issy, et la petite porte menant à la réserve couverte. Cette porte, de couleur ocre, est ouverte afin de révéler le paysage extérieur. Un bocal de poissons rouges, un vase de fleurs sur un plat et une sculpture en terre cuite, Nu allongé (1907), reposent sur une table (celle que l'on voit dans L'Atelier rouge). Cette peinture fait écho à L'Atelier rouge du fait de sa couleur enveloppante - bleue et non rouge - finement appliquée par touches rapides plutôt que de manière étale.
Liste des toiles présentées par Matisse à la « Second Post-Impressionist Exhibition ».
« Second Post-Impressionist Exhibition ». Photographie d'une des salles avec des toiles de Matisse dont L'Atelier rouge.


3c - Le Gargoyle club, Londres, 1927-vers 1941

Scénographie

L'Atelier rouge ne trouvera son premier acquéreur que quinze ans après son apparition publique. Il est acheté en septembre 1927 par David Tennant, propriétaire d'un club privé à succès ouvert à Londres deux ans plus tôt. Le Gargoyle Club était fréquenté par la bonne société londonienne. L'historien d'art britannique Matthew Stewart Prichard, ami et admirateur de Matisse et conseiller régulier de Tennant, lui inspira cette acquisition. Au début de 1928, L'Atelier rouge fut accroché dans la salle de bal couverte de miroirs, il demeura à cet emplacement durant plus d'une décennie et fut donc surtout vu par les artistes, intellectuels, ou amateurs qui fréquentaient le club.

 
Texte du panneau didactique.
 
Lettre de David Tennant et d'Harry Rowan Walker à Henri Matisse, 26 septembre 1927. Archives Henri Matisse.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement

 

 

Gargoyle Club. Salle de bal où était accroché L'Atelier rouge. Photographie.


3d - L'Atelier rouge entre dans les collections du MoMA, 1949

Scénographie

À la fin des années 1930, le propriétaire du Gargoyle Club, David Tennant, décide de revendre L'Atelier rouge et le confie à la Redfern Gallery à Londres. Elle y restera jusqu’à son achat, vers 1945, par Georges Frederic Keller qui dirige la Bignou Gallery sur East 57th Street à New York.
Dans le New York d’après-querre, les qualités longtemps méconnues de l'œuvre peuvent enfin apparaître au grand jour. En 1946, le MoMA manifeste pour la première fois son intérêt pour L'Atelier rouge (alors intitulé «Atelier») mais Keller refuse de s’en séparer. Ce n’est qu'en décembre 1948 qu'il accepte l’idée de céder son tableau et en informe le musée. Alfred Barr Jr., fondateur et directeur du MoMA, convoque alors en urgence une réunion du comité des collections qui, en janvier 1949, parvient à réunir les fonds nécessaires et à acquérir l'œuvre. Celle-ci est présentée au public le 5 avril 1949 sous le titre L'Atelier rouge. La peinture de Matisse, à la lisière de l'abstraction, marque alors profondément la nouvelle génération d'artistes et de critiques d'art.


 
Texte du panneau didactique.
 
Comme son titre l’indique, L'Atelier rouge se définit d’abord par le rouge de Venise qui couvre la majeure partie de sa surface. Cette caractéristique résulte pourtant d'une décision tardive: Matisse appliqua cette couche de rouge sur une peinture presque achevée à la palette très différente. La précédente version du tableau donnait une vision plus naturaliste de l'atelier, dont le sol et les murs étaient de couleurs différentes et les formes du mobilier plus concrètes. Dans cette vidéo, l'équipe scientifique chargée de la conservation et de la restauration des œuvres au MoMA analyse l’évolution inattendue de l'œuvre.


4 - Epilogue, le Grand Intérieur rouge

Scénographie

En février 1949, peu après l'acquisition de L'Atelier rouge par le MoMA – mais avant sa présentation dans les collections permanentes du musée -, Pierre Matisse organise dans sa galerie new-yorkaise une exposition d'œuvres récentes de son père comprenant des peintures et des dessins, ainsi que des papiers découpés. Les œuvres sont présentées librement, sans cadre, évoquant une expansion libre et sans limites sur les murs. Par la couleur rouge récurrente et la réduction des formes, l'esprit du tableau de 1911 semble avoir imprimé sa marque sur l'exposition.
La plus grande des œuvres exposées - Grand intérieur rouge, 1948 – évoque L'Atelier rouge par la puissance immersive de sa couleur; mais, à l'inverse de ce dernier, il préserve la densité et le réalisme des objets représentés. Ce sera la dernière peinture à l'huile de l'artiste. Durant les cinq dernières années de sa vie, Matisse allait recouvrir les murs de son espace de travail à l'hôtel Régina de papiers découpés, faisant ainsi passer l'atelier de sujet et d'image en deux dimensions à une œuvre d’art totale à trois dimensions. Le Grand intérieur rouge revient à Paris en 1949 pour la rétrospective que Jean Cassou organise au Musée national d'art moderne - alors au Palais de Tokyo - puis rejoint ses collections en 1950. L'Atelier rouge, quant à lui, reviendra en France pour la dernière fois en 1993, au Centre Pompidou, pour la rétrospective organisée par le MNAM avec le MoMA.

 
Texte du panneau didactique.
 
Henri Matisse (1869-1954). Grand intérieur rouge. Vence, 1948. Huile sur toile. Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris. Acquisition de l'État, 1950. © Succession H. Matisse. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN - Grand Palais / Audrey Laurans.

Matisse termina cette toile trente-sept ans après avoir peint L'Atelier rouge, presque en guise de salut amical à l'œuvre qui l'avait précédée. Grand intérieur rouge représente un coin de la maison de l'artiste à Vence, France, où il vécut et travailla de 1943 à 1949. Deux œuvres récemment achevées sont accrochées aux murs: un grand dessin au pinceau et à l'encre, et la peinture L'Ananas (1948). Grand intérieur rouge partage avec L'Atelier rouge le dispositif de «l'œuvre dans l'œuvre», constant chez Matisse au fil des décennies. Pourtant, ce n'est qu'alors que réapparaît la planéité radicale de la peinture de 1911, dans ce que le directeur du MoMA Alfred H. Barr Jr. décrivait comme «l'excitation gardée au plus près de la surface du tableau.»
 
Alfred H. Barr, Jr. (éd). Matisse: His Art and His Public. New York: MoMA, 1951.
 
Alfred H. Barr, Jr. (éd.). Henri Matisse. New York, The Museum of Modern Art, November 13, 1951 - January 13, 1952; The Cleveland Museum of Art, February 5 - March 16, 1952; The Art Institute of Chicago, April 1- May 4, 1952; The San Francisco Museum of Art, 22 - July 6, 1952. New York: MoMA, 1951.
 
Henri Matisse (1869-1954). Couvertures pour Matisse: His Art and His Public, 1951. Gouache sur papier, découpée et collée. The Museum of Modern Art, New York. Transfert du département des éditions du Museum of Modern Art, 1953.
 
Henri Matisse (1869-1954). Henri Matisse, 1951. Gouache sur papier, découpée et collée. The Museum of Modern Art, New York. Transfert du département des éditions du Museum of Modern Art, 1953.
En 1951, le MoMA publie la monographie de près de six cents pages que son directeur, Alfred H. Barr Jr. a consacrée à Matisse. La réalisation de cet ouvrage lui avait demandé plusieurs années de travail. L'auteur y livre la première analyse de L'Atelier rouge, quarante ans après sa création. Parallèlement, le musée présentera une exposition de Matisse. L'artiste créa des papiers découpés pour les jaquettes de couvertures de l'imposante monographie et du mince catalogue d'exposition. Même à cette petite échelle, leurs couleurs éclatantes et leur exubérance stylistique sont des exemples frappants de ce dernier chapitre de l'œuvre de Matisse.
Vues de l'exposition Henri Matisse. Paintings, Papiers Découpés, Drawings, 1945-1948.
Pierre Matisse Gallery, New York, 1er-28 février, 1949.
Archives Henri Matisse.