LOUIS JANMOT
Le poème de l'âme

Article publié dans la Lettre n°580 du 25 octobre 2023



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

LOUIS JANMOT. Le Poème de l’âme. C’est une exposition singulière que nous propose le musée d’Orsay avec la présentation de l’intégralité des deux cycles illustrant le Poème de l’âme de Louis Janmot (1814-1892), conservé depuis 1968 au musée des Beaux-Arts de Lyon. Celui-ci expose dans son parcours permanent la totalité du premier cycle, composé de dix-huit peintures à l’huile sur toile. En revanche le deuxième cycle, composé de seize dessins au fusain sur papier marouflé sur toile, plus fragile du fait de la nature des œuvres, est conservé en réserve et très rarement montré.
Cette œuvre à l'ambition encyclopédique, sorte d'épopée mystique, occupa Janmot la majeure partie de sa vie, de 1835 à 1854 pour la première série et de 1854 à 1879 pour la deuxième série. Elle est accompagnée d’un long poème de deux mille huit cent quatorze vers, intitulé L’Âme, écrit par Janmot lui-même et publié en deux fois, la première partie en 1854 et l’autre en 1881. Des extraits de ce poème sont diffusés dans les salles et inclus dans l’audioguide à proximité des tableaux.
Le premier cycle raconte les premières années d’une âme au Ciel et sur la Terre. L’âme descendue sur terre sous l’apparence d’un jeune garçon vêtu de rose, rejoint ensuite par une jeune fille vêtue de blanc, l’âme sœur, parcourt toutes les étapes qui la conduisent de l’enfance à l’âge adulte, à travers une succession d’épreuves et de bonheur spirituel. On suit les étapes de leur parcours: naissance, petite enfance, éducation, amours naissantes et rêve d’idéal. Si l’ensemble dégage une impression générale de quiétude jusqu’à la mort de la jeune fille, on discerne de-ci, de-là quelques dangers, soulignés par les poèmes en vers, qui expriment le caractère tragique du destin de l’âme.
Justement, le deuxième cycle, à l’atmosphère plus sombre, renforcé par le choix du fusain associé à des rehauts colorés, raconte la vie du jeune homme après la perte de la femme qu’il aimait. Les titres des tableaux illustrent ces épreuves: Solitude ; Le Doute ; L’Esprit du mal ; L’Orgie ; Sans Dieu ; Le Fantôme ; Chute fatale ; Le Supplice de Mézence ; Les Générations du mal, etc. Dans le dernier tableau, il retrouve au ciel sa bien-aimée. Cette deuxième série est plus personnelle que la première. Janmot y transcrit les épreuves qu’il traverse lui-même dans sa vie et donne son sentiment sur les idées politiques, scientifiques et spirituelles de son époque.
Chacune des trente-quatre œuvres de grand format est accompagnée d’un cartel détaillé, indispensable pour bien saisir la signification des tableaux. Nous les avons reproduits dans le parcours en images qui accompagne cet article.
Les commissaires ont complété cette présentation par un ensemble d’œuvres et de documents répartis en cinq cabinets. Le premier cherche à situer l’œuvre de Janmot dans les grands cycles qu’il pouvait connaître comme l’Histoire de Psyché de Raphaël (1518) ou La Divine Comédie de Dante (1303-1321).
Le deuxième cabinet, « L’âme et l’ange gardien », montre comment les artistes du XIXe siècle ont représenté cette entité immatérielle qu’est l’âme ainsi que son double céleste, l’ange gardien, très populaire à cette époque. Comme on l’a vu, Janmot représente l’âme sous les traits d’un jeune homme ayant la faculté surnaturelle de s’élever vers les cieux.
Le cabinet n°3, « L’idéal », situe l’œuvre de Janmot dans les représentations féminines qui l’ont inspiré. Il y a d’abord son épouse et ses filles qu’il prend pour modèles, puis son maître, Jean Auguste Dominique Ingres et sa perfection du dessin, et aussi les peintres de la Renaissance, en particulier Sandro Botticelli.
Le cabinet suivant, « Cauchemar, les dangers de l’inconscient », évoque ce thème, très en vogue au XIXe siècle, déjà illustré par des artistes tels que Francisco de Goya, William Blake ou Johann Heinrich Füssli. Plusieurs tableaux du Poème de l’âme évoque le rêve, y compris lorsqu’il devient cauchemar.
Enfin, dans le dernier cabinet, « Paysage et réalité », on peut voir des paysages peints par Janmot et ses amis Paul Flandrin et Florentin Servan dans le Bugey, tout près de Lyon. Si Janmot est un peintre d’histoire, la pratique du paysage ne lui déplaît pas et lui permet d’introduire ce type de motif dans ses toiles.
Si le Poème de l’âme n’obtiendra jamais le succès espéré lors de ses présentations, il fut remarqué par Charles Baudelaire et Théophile Gautier et fermement défendu par Eugène Delacroix. Aujourd’hui, loin des passions qui prospérèrent au XIXe siècle, on peut admirer dans cette exposition cet « ensemble le plus remarquable, le plus cohérent et le plus étrange du spiritualisme romantique » selon les propos de l’historien d’art Henri Focillon. Une brillante exposition, intelligemment présentée dans une superbe scénographie. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 7 janvier 2024. Lien : www.musee-orsay.fr.

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