Parcours en images de l'exposition

LOUIS JANMOT
Le poème de l'âme

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°580 du 25 octobre 2023


 

Affiche de l'exposition
Chronologie 1814 - 1848
Chronologie 1849 - 1968


INTRODUCTION. LOUIS JANMOT, LE POÈME DE L'ÂME

Scénographie


Le Poème de l’âme
, œuvre à la fois picturale et littéraire, est le projet d’une vie, élaboré de 1835 à 1881 par le peintre lyonnais Louis Janmot. Il raconte l’épopée d’une âme sur la terre en trente-quatre tableaux et dessins, conservés au musée des Beaux-Arts de Lyon, formant deux séries distinctes et accompagnés d’autant de poèmes en vers. L’exposition invite à parcourir l’histoire de cette âme, à embarquer avec les personnages pour un voyage initiatique, à les suivre dans leur quête d’absolu.
Présenté en partie à l’Exposition universelle de 1855, remarqué par Charles Baudelaire et Théophile Gautier, le cycle n’obtiendra jamais le succès espéré. Janmot était-il trop singulier pour son temps, comme le pensait Eugène Delacroix, admirateur et défenseur du Poème de l’âme ? Dans l’exposition, une série de « cabinets » permet d’explorer les inspirations philosophiques, spirituelles et littéraires du peintre-poète et de découvrir ses affinités avec d’autres artistes, de William Blake à Odilon Redon, qui ancrent bien Le Poème de l’âme dans le XIXe siècle.
 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Autoportrait, 1832. Huile sur toile, 81,5 x 65,8 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Achat avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition des musées (FRAM), 2010. Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Autoportrait, vers 1833-1835. Crayon graphite sur papier, 17,3 × 14,5 cm. Collection Roberta J. M. Olson et Alexander B. V. Johnson. © Galerie La Nouvelle Athènes, Paris.
 
Louis Janmot. L’Âme, poème. Trente-quatre tableaux et texte explicatif par L. Janmot. Avec le portrait de l’auteur et trente-quatre photographies au charbon d’après les originaux. Saint-Étienne, imprimerie Théolier & Cie, 1881 ; 32,5 x 25,5 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts, bibliothèque. Image © Lyon MBA. Photo Martial Couderette.
Scénographie
Louis Janmot (1814-1892). La Famille de l'artiste, 1868. Crayon graphite et rehauts de craie blanche sur papier. Tomaselli Collection. Ce grand dessin est préparatoire à l’une des peintures murales que Janmot réalise sur les murs de sa maison de Bagneux. L'artiste et père se représente en train de dessiner. Ses fils et ses filles, modèles des jeunes femmes du Poème de l'âme, entourent son épouse, Léonie. À droite, Maurice, âgé de deux ans, est une réminiscence du garçon du Printemps, quatrième tableau du Poème de l’âme. À l'arrière-plan, un ange emporte au ciel le petit Henry, premier garçon de la famille mort prématurément.


Cabinet 1. Épopées picturales et illustrées

Scénographie

Les cycles peints sont habituellement conçus pour s’intégrer dans une architecture. Parmi ceux que Janmot a pu connaître dans sa jeunesse : l’Histoire de Psyché de Raphaël (1518), pour la villa Farnesina à Rome, et la Vie de saint Bruno d’Eustache Le Sueur (1645-1648), pour la chartreuse de Paris (musée du Louvre). Mais Le Poème de l’âme ne s’intègre dans aucun lieu spécifique. C’est plutôt l’alliance de la peinture et de la poésie qui préside à sa conception, comme dans les « livres enluminés » de William Blake. Il faut donc plutôt se tourner du côté de la littérature et de l’illustration pour trouver les sources de Janmot. L’artiste s’inspire des poésies épiques et philosophiques de son temps, comme La Chute d’un ange d’Alphonse de Lamartine (1838) ou La Divine Épopée d’Alexandre Soumet (1840), ou encore des grandes épopées européennes  interprétées par les artistes romantiques : La Divine Comédie de Dante (1303-1321), Le Paradis perdu de John Milton (1667) ou La Chanson des Nibelungen, légende médiévale allemande.

 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Delacroix (1798-1863). Faust cherchant à séduire Marguerite, 1827. Lithographie sur vélin. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.
Scénographie
 
Eugène Delacroix (1798-1863). L'Ombre de Marguerite apparaissant à Faust, 1827. Lithographie sur vélin. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.
 
Paul Chenavard (1807-1895). L'Enfer, vers 1848. Fusain, terre brune et estompe sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don de l'artiste, 1884.
Paul Chenavard (1807-1895). La Philosophie chrétienne, étude d'ensemble pour Divina Tragedia, vers 1865-1869.
Plume, encre brune et noire, lavis brun et peinture sur carton.
Lyon, musée des Beaux-Arts. Don de l'artiste, 1884.
 
Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Étude d’ensemble pour L'Âge d’or, vers 1843. Crayon graphite, plume, encre noire, lavis brun et rehauts de gouache sur calque avec mise au carreau. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Johann Heinrich Lips (1758-1817) d’après Peter von Cornelius (1783-1867). Aventiure von den Nibelungen [La Chanson des Nibelungen], 1817. Eau-forte et burin. Paris, Bibliothèque national de France.


LE POÈME DE L'ÂME. PREMIÈRE SÉRIE (1835-1854)

Scénographie

Les vingt années d’élaboration du premier cycle du Poème de l’âme auraient pu donner lieu à un ensemble stylistiquement très disparate. Il se dégage pourtant de cette série de dix-huit tableaux une grande cohérence visuelle. Les fonds évoquent des décors de théâtre devant lesquels les  personnages se déplacent latéralement, comme sur une scène, renforçant de la sorte l’impression de continuité.
Le peintre-poète raconte ainsi le parcours initiatique d’une âme, sous les traits d’un jeune garçon vêtu de rose que l’on voit grandir et évoluer de tableau en tableau. Sa quête existentielle passe par la rencontre avec son âme sœur - une jeune fille vêtue de blanc - qui, comme lui, aspire au ciel, à la pureté et à l’harmonie. On suit les étapes et les vicissitudes de leur parcours : naissance, petite enfance, éducation, amours naissantes et rêve d’idéal. L’apparente quiétude de cette première série, en contraste avec la seconde, est souvent contredite par des détails nichés dans les œuvres ainsi que par les poèmes en vers qui soulignent à chaque étape le caractère tragique du destin de l’âme.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. I. Génération divine, vers 1844-1845. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Génération divine ouvre Le Poème de l’âme de manière grandiose. Au centre de la toile, le Créateur, entouré de l'Esprit saint et du Christ, engendre l’âme, qui prend les traits d’un nouveau-né. À leurs pieds, sont figurées les allégories du temps humain: le Passé dissimulé par l’oubli, le Présent faisant face au spectateur, et l'Avenir au visage voilé. L’irréalité du monde céleste est rendue par la lumière. La croix irradie sur la scène, laissant l’acte de la création de la vie dans la pénombre, enrobé de mystère.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. II. Le Passage des âmes, vers 1838-1845. Huile sur toile, 112,6 x 145,5 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. L'ange gardien s’élance dans l'espace pour porter l’âme sur la terre, accompagné de plusieurs anges; d’autres reconduisent les âmes mortes au ciel, afin qu’elles soient jugées. L'immatérialité de la scène et des corps est rendue par un bleu cosmique très léger et des tons de cire contrastant avec l'obscurité régnant sur les sept vices, à droite. Sur terre, Prométhée, enchaîné à son rocher et condamné à voir son foie dévoré par un vautour, annonce les futurs tourments de l’âme.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. III. L’Ange et la mère, vers 1836-1847. Huile sur toile, 112,6 x 143,8 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Poésie et quiétude inondent cette première scène terrestre du Poème de l’âme. Telle une Vierge de Raphaël, une mère serre le nouveau-né contre son sein. Elle est assise au cœur d’un paysage à l’atmosphère limpide. Dans le dessin préparatoire, l’ange berce l'enfant à la place de la mère. La version définitive le montre les mains jointes tendues vers le ciel. Conscient des dangers, des larmes et des douleurs qui attendent l’âme ici-bas, il implore la pitié de Dieu pour cet enfant et sa mère.
 


Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. IV. Le Printemps, vers 1850. Huile sur toile, 113,7 x 142,4 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le garçon, vêtu de rose, a environ quatre ans. Il rencontre son double féminin, son âme sœur, qui l’accompagnera dans ses aventures. Le Printemps est une allégorie de l'enfance: tout est en gestation, tant ces deux âmes que ce paysage idyllique apparenté au jardin d’Éden. Par son geste, la petite fille, nouvelle Ève, invite le héros à la suivre là où, comme le dit le poème, «les fleurs sont plus belles, les oiseaux plus brillants encore». Ce faisant, elle entraîne le héros vers son destin tragique.
 
Cartels destinés au jeune public.
 
Louis Janmot (1814-1892). V. Souvenir du ciel, vers 1835-1847. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Voici l'instant précis où les deux âmes, comme délivrées de leur corps terrestre, s’élancent vers la vision d’une Vierge à l'Enfant. Leurs pieds lévitent au-dessus du sol et le temps semble suspendu. Mais le poème annonce la fin du rêve: «Et l’enfant reste seul dans la profonde nuit.» Ce rêve exprime aussi le désir inconscient de l'enfant de retourner dans le sein maternel, ce que souligne la figure de la mère, démultipliée en figures féminines dominant toute la composition.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. VI. Le Toit paternel, vers 1848-1849. Huile et tracé au crayon graphite sur toile, 112,5 x 144 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset. Les deux enfants sont rentrés se mettre à l’abri d’un orage et observent par la fenêtre le spectacle de la nature. Cette tempête, qui fascine le héros et effraie la jeune fille, est une métaphore des dangers qui menacent les enfants en dehors du cocon familial. Ce tableau évoque encore le paradis perdu de l’enfance, mais il s’agit là des souvenirs de l'artiste, qui fait revivre sur la toile les êtres chers qui l’ont quitté. La figure paternelle est un autoportrait de Janmot.


Cartel destiné au jeune public.

 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l'âme. VII. Le Mauvais Sentier, 1850. Huile et tracé au crayon graphite sur toile, 112,6 x 143,4 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968 Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Ce tableau est inspiré des polémiques autour de l’éducation qui agitent alors le milieu catholique. L’enfilade inquiétante de professeurs en toge symbolise la menace de l’enseignement universitaire laïc sur ces âmes innocentes. Le malaise est palpable chez les deux jeunes gens qui gravissent un escalier sans fin, serrés l’un contre l’autre, coincés entre une architecture oppressante et une nature torturée. La vieille gardienne des lieux semble vouloir les attirer dans sa demeure au décor macabre.


Cartel destiné au jeune public.

 
Citation.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). Étude pour Génération divine, 1844. Crayon graphite et estompe sur papier. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Louis Janmot (1814-1892). Étude pour Le Printemps, vers 1850. Crayon graphite et estompe sur papier. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. VIII. Cauchemar, vers 1849-1850. Huile et tracé au crayon graphite sur toile, 113 x 144,3 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le décor est l'envers du précédent tableau, et les terrifiants personnages aux fenêtres ne sont autres que les professeurs du Mauvais Sentier. Les enfants sont tombés dans le piège de la vieille marâtre. Dans ses bras, la jeune fille abandonnée, les yeux révulsés, est sous l'emprise de l'hypnose, une allusion au magnétisme de Mesmer, qui connaît à cette époque un succès sans précédent. Dans ce cauchemar, l’étau se resserre autour du garçon, proche de la chute, dont l’épouvante est très théâtrale.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. IX. Le Grain de blé, 1851. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Le Grain de blé clôt la série dédiée à l'éducation et opère un retour au calme. Les enfants, illuminés par le soleil zénithal, ont grandi. Un prêtre les instruit. Il s’agit de l'abbé Noirot, ancien professeur de philosophie du peintre au collège royal de Lyon. Le grain de blé, au centre de la composition, signale la présence de Dieu dans la nature et plaide en faveur d’une harmonie entre foi et science. Le peintre Alexandre Séon, formé plus tard à l’école des beaux-arts de Lyon, reprendra cette composition pour Le Récit, exposé dans cette salle.


Cartel destiné au jeune public.
 

Cartel destiné au jeune public.
Alexandre Séon (1855-1917). Le Récit, vers 1912. Huile sur toile. Brest, musée des Beaux-Arts de Brest Métropole.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. X. Première Communion, 1850. Huile et tracé au crayon graphite sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Les deux héros, sous de chastes aubes blanches, font leur première communion dans la cathédrale Saint-Jean de Lyon. Ils se retirent en procession dans une attitude de recueillement. À gauche, éclairés par une lumière filtrant à travers un vitrail, une mère et son enfant surplombent légèrement l'assistance. Il s’agit d’une réminiscence de la propre mère défunte de l'artiste, dont le souvenir imprègne tout Le Poème de l’âme.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XI. Virginitas, vers 1849-1852. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Ce tableau, dont la composition symétrique s’organise autour du lys, symbole de pureté, est le plus directement allégorique du Poème de l’âme. Les figures, resplendissantes dans leurs aubes blanches, caressent chacune un animal apprivoisé, symbole de la domestication de leur désir. Les symboles féminin et masculin semblent intervertis: la colombe du côté du garçon, la panthère du côté de la jeune femme. Janmot introduit ainsi le thème du double, ou de l’androgyne, cher aux romantiques.
 
Louis Janmot (1814-1892). Étude pour Première Communion, 1850. Crayon graphite et estompe sur papier. Collection Yves Peyré.
 
Louis Janmot (1814-1892). Étude pour Un soir, 1850. Crayon graphite, estompe et rehauts de craie blanche sur papier. Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XII. L'Échelle d’or, 1850-1851. Huile et tracé au crayon graphite sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Le couple endormi fait l'expérience d'une seconde vision. Neuf anges arpentent un escalier reliant les mondes terrestre et céleste. Ils symbolisent les arts et disciplines qui élèvent l’âme: la Poésie, tenant une plume, l'Architecture, la Peinture munie d’une palette, la Musique avec une harpe, l’Astronomie tenant un globe, la Science avec un ballon de chimie; enfin, tout en haut, la Théologie, représentée par le triangle de la Trinité, puis la Philosophie et la Sainteté.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XIII. Rayons de soleil, vers 1854. Huile sur toile, 113,2 × 145,7 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968 Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset. Dans un paysage automnal, le héros est invité à danser, chanter et jouir des derniers rayons du soleil, symboles des joies passagères de l'existence. Le trio de jeunes femmes blondes évoque les trois Grâces, incarnant beauté, vertu et fidélité. Une quatrième jeune femme, brune, les yeux brillants, portant une couronne de pavots, des boucles d’oreilles et une tenue chatoyante, fait figure de tentatrice. Pour autant le jeune homme, vertueux, ne détourne pas les yeux de sa bien-aimée.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XIV. Sur la montagne, 1851. Huile sur toile, 113 x 145,9 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette.  Pour la première fois, c’est le jeune homme qui entraîne son amie, et non l'inverse. Il l'invite à quitter leur jeunesse insouciante pour commencer leur ascension spirituelle. Les figures, monumentalisées par le point de vue en contre-plongée, se détachent à contre-jour, dans un saisissant effet de clair-obscur. L’atmosphère pure et froide rappelle l’illuminisme, doctrine fondée sur la croyance en une illumination intérieure inspirée par Dieu, dont l'influence est considérable sur la poésie du XIXe siècle.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XV. Un soir, vers 1851-1852. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968.  Arrivés au sommet, les amoureux s’assoient pour contempler le paysage et le soleil disparaissant à l'horizon. Le soir est l’heure où tout se tait et s’apaise. Les figures se fondent dans la symphonie de la nature, laissant transparaître l'adhésion de Janmot au panthéisme romantique, doctrine qui considère que Dieu est présent en toute chose. On perçoit dans leurs yeux une note mélancolique, traduisant l’éternelle insatisfaction de l’âme à l’égard des choses terrestres, qui annonce l’élan vers l'infini des deux compositions suivantes.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XVI. Le Vol de l’âme, vers 1852. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Conduit par la jeune femme, le couple enlacé s’envole vers des contrées nouvelles. Il plane à basse altitude au-dessus d’un cours d’eau et d’une vallée en pente douce qui symbolisent les jours paisibles de l’enfance. Si Janmot se souvient des ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta, dans le tableau présenté par Ary Scheffer au Salon de 1835, sa version d’un couple en lévitation est plus sage. Cependant, le poème est chargé de métaphores voluptueuses, voire sexuelles, qui contrastent avec l’idéalisme apparent du tableau.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l'âme. XVII L’idéal, vers 1850-1854. Huile sur toile, 113,1 x 144,3 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968 Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset. Le Vol de l’âme se mue en apothéose mystique. Le couple atteint des hauteurs insoupçonnées, et le jeune homme pose la main sur sa poitrine pour contenir le désir d’infini qui lui emplit le cœur. Ce tableau est plus dramatique que le précédent: paysage lointain escarpé et sombre, clair-obscur ménagé par la trouée des nuages et lumière resplendissante du ciel. Il marque la fin de l’aventure du couple, car la jeune femme écarte de la main le rideau de nuages qui la sépare du monde céleste pour disparaître.
Scénographie
 
Thomas Cole (1801-1848). La Croix dans la solitude, 1845. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des peintures.
 
Louis Janmot (1814-1892). Étude pour L’Échelle d’or, vers 1851. Crayon graphite sur papier. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don de Simonne Jullian et ses enfants, 1993.
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XVIII. Réalité, vers 1851. Huile sur toile, 112,3 x 143,8 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. N'ayant pu suivre son âme sœur dans le monde céleste, le jeune homme est retombé sur la terre, au cœur d’un paysage réaliste et sévère. Il est confronté à la dure «réalité» de l’existence: la solitude, la souffrance et la mort. Il plante une croix fleurie dans le sol meuble où est enterrée sa bien-aimée. Pour la première fois, il apparaît seul, ce qui annonce son errance à venir. Les vers de Janmot sont une prophétie lugubre de ce qui attend le «voyageur» dans la seconde partie du Poème de l’âme.
 
Cartel destiné au jeune public.
 
Cartel destiné au jeune public.


Cabinet 2. L'âme et l'ange gardien

Scénographie


Au cours du XIXe siècle, en particulier avec le romantisme, puis le symbolisme, la représentation de l’âme prend une importance considérable. Les artistes répondent de manières variées au même problème iconographique: comment représenter une entité immatérielle, distincte du corps et ayant une existence au-delà de la mort ? Tour à tour, l’âme prend la forme d’une figure féminine ailée, allégorie de la pureté et de la spiritualité, ou se matérialise sous l’aspect d’une ombre ou d’un flux s’échappant du corps. Janmot, quant à lui, la représente sous les traits d’un jeune garçon ayant la faculté surnaturelle de s’élever vers les cieux. La légèreté de l’âme délivrée de la pesanteur terrestre est le dénominateur commun d’œuvres diverses. Les ailes, attribut de l’âme, peuvent la faire confondre avec son double céleste, l’ange gardien, qui connaît lui aussi un grand succès populaire au XIXe siècle, de la littérature enfantine et des manuels de piété aux plus grandes œuvres littéraires et artistiques de l’époque.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pierre Paul Prud’hon (1758-1823). L’Âme brisant les liens qui l’attachaient à la terre, esquisse, vers 1821-1823. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des peintures. Dans cette esquisse pour un grand tableau conservé au musée du Louvre, Prud'hon représente l’Âme sous la forme d’une figure féminine ailée s’élevant au-dessus du sol. En retournant vers le ciel, elle échappe à la morsure d’un serpent, symbole du mal régnant sur la terre. Cette figure à moitié nue, drapée et dotée de grandes ailes, rappelle l’allégorie de la Victoire. Cet emprunt iconographique renvoie à l’idée que la mort n’est pas une fin mais une apothéose, une manière pour l’âme d'accéder à l'idéal.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Passage des âmes, vers 1838-1844. Carton d'ensemble, crayon graphite, estompe, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier avec mise au carreau. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Louis Janmot (1814-1892). Scène du Poème de l’âme, vers 1850-1854. Pierre noire et estompe sur papier beige. Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques.
Scénographie
 
Henri Decaisne (1799-1852). L'Ange gardien, 1836. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des peintures.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Père Lacordaire, 1846. Huile sur toile. Paris, Bibliothèque du Saulchoir. En 1839, le frère dominicain Henri Lacordaire fonde en Italie avec quelques artistes la confrérie de Saint-Jean-l’Évangéliste, dont le but est «la propagation de la foi par l’art et les artistes». Janmot n’adhère pas à la confrérie, mais il rencontre le père Lacordaire et peint son portrait. Le prédicateur pose de profil, devant un paysage montagneux; une pousse de chêne jaillissant d’une souche fait allusion à l’ordre dominicain et au couvent de La Quercia, en Italie, où il a effectué son noviciat.
 
Benjamin Spence (1822 – 1866). Le Murmure de l'Ange, vers 1857. Marbre, 68 x 72 x 63 cm. Musée d'Orsay. Achat en vente publique, 1993. © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.  Les ailes déployées, un ange se penche affectueusement sur un nourrisson. Dans un mouvement très souple, il le protège de ses bras et de ses ailes qui forment un cocon protecteur. Benjamin Spence, sculpteur anglais, tempère ici le néo-classicisme de ses maîtres par une certaine sentimentalité, une vision intime et tendre de l'ange gardien. Il s’appuie sur un poème de l'Irlandais Samuel Lover, inspiré par une croyance de son pays selon laquelle un bébé qui sourit dans son sommeil parle avec son ange.
 
Joseph Guichard (1806-1880). Enterrement d’une jeune fille, vers 1877. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Legs de M. et Mme Claudius Côte, 1961.
Vitrine
 
Jean Garnier (1820-1895).  L'Enfer des luxurieux, vers 1859-1864. Bronze fondu et ciselé. Paris, musée d'Orsay.
 
William Blake (1757-1827). Le Cercle des luxurieux. Francesca da Rimini, illustration pour la Divine Comédie de Dante, 1824-1827. Eau-forte et burin, impression posthume de 1968 d’après la matrice gravée en 1827.  Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.
Maurice Denis (1870-1943). L'Histoire de Psyché: enlèvement de Psyché, esquisse pour la décoration du salon de musique d'Ivan Morozov à Moscou, 1909. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay. Don de l'artiste, 1941.


Cabinet 3. L'idéal

Scénographie

L’œuvre de Janmot se caractérise par un même archétype féminin comme hors du temps, qui s’impose tôt dans ses créations. S’il prend pour modèles des proches, parmi lesquels son épouse ou ses filles, il les transforme au fil de ses études en fonction de son idéal esthétique. Son goût croise plusieurs sources formelles : la perfection du dessin de son maître Jean Auguste Dominique Ingres, l’antique et la grâce de la peinture florentine de la Renaissance, en particulier celle de Sandro Botticelli.
Les figures féminines du Poème de l’âme mêlent les références à la Vierge, dont le culte connaît alors un essor considérable, et la littérature, contemporaine ou passée. Janmot s’inspire très directement de La Divine Comédie du poète médiéval florentin Dante, alors très appréciée par les milieux romantiques mais aussi catholiques. Le parcours du héros en porte la trace, quête d’une bien-aimée perdue qui emprunte à Dante le nom de Béatrix.


 
Texte du panneau didactique.
 
Joseph Fabisch (1812-1886). Béatrix, 1854. Marbre. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Maurice Blot (1753-1818), d’après François Gérard (1770-1837). Psyché, une lampe à la main, contemple l’Amour endormi, illustration pour Les Amours de Psyché et de Cupidon de Jean de La Fontaine, 1797. Eau-forte et burin. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don de Patrice Béghain, 2009.
 
Henri Marais, d’après François Gérard (1770-1837). Psyché dans les bras de l’Amour, illustration pour Les Amours de Psyché et de Cupidon de Jean de La Fontaine, 1797. Eau-forte et burin. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don de Patrice Béghain, 2009.
 
Louis Janmot (1814-1892). L'Idéal, vers 1850-1853. Carton d'ensemble, fusain, estompe, reprise à la gomme et rehauts de craie blanche et de pastel sur papier. Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques.
 
Louis Janmot (1814-1892). La Ronde, première version pour Rayons de soleil, vers 1844. Huile sur toile. Tomaselli collection. Cette composition est une première version réalisée par Janmot pour la treizième scène du Poème de l'âme, Rayons de soleil. Dix années séparent ces deux tableaux, et ils comportent d'importantes différences. La figure du jeune héros se répète dans le personnage endormi à l'arrière-plan, comme s’il rêvait. Les couleurs sont ici plus acidulées et la facture est moins imprégnée des modèles de la Renaissance italienne. Le paysage est printanier alors qu'il se pare des teintes de l'automne dans le second tableau.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). La Sainte Famille, 1844-1867. Huile sur bois. Paris, Centre national des Arts plastiques, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Lyon.
 
Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). La Vierge adorant l’hostie, 1854. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay.
 
Edward Burne-Jones (1833-1898). Princesse Sabra, 1865. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay. Don de sir Edmund Davis, 1915. L'art de Janmot présente des convergences avec celui de ses contemporains anglais du groupe des préraphaélites, notamment Edward Burne-Jones. Les deux artistes accordent la même importance au dessin et partagent un goût pour le XVe siècle florentin. Il est possible que Burne-Jones ait vu Le Poème de l'âme à Paris en 1855. Ce tableau fait partie d’un ensemble sur le thème de saint Georges et le dragon. La fille du roi, Sabra, appelée à être la victime du monstre, sera sauvée par le héros.
 
Edward Burne-Jones (1833-1898). L’Archange Chamuel, étude pour le décor de l’église San Paolo dentro le Mura à Rome, vers 1883-1884. Plume et encre noire sur tracé au crayon graphite, aquarelle, gouache, pastel et rehauts d'or au pinceau sur carton. Lyon, musée des Beaux-Arts.


LE POÈME DE L'ÂME. DEUXIÈME SÉRIE (1854-1879)

Scénographie

Pour le second cycle du Poème de l’âme, Janmot abandonne la peinture pour le dessin. Le fusain est associé à des rehauts colorés, sur des feuilles de dimensions similaires à celles des tableaux. Il ne s’agit pas de cartons préparatoires, mais d’œuvres abouties qui sont en partie exposées aux Salons de 1861 et 1868.
L’atmosphère est plus sombre, ce que renforce le choix du médium. Marqué par la perte de la femme qu’il aimait, le jeune homme affronte le désespoir. Il cherche une issue dans les plaisirs, cède à la tentation et au doute mais ne trouve que la souffrance. Une fin heureuse, mais ambiguë, marque l’aboutissement de ce parcours initiatique : il retrouve au ciel sa bien-aimée.
Le ton pessimiste fait écho aux épreuves que Janmot rencontre lui-même dans sa vie personnelle. La tonalité est également plus politique, en phase avec l’évolution conservatrice des milieux catholiques des années 1860-1870.


 
Texte du panneau didactique.
 
Victor Orsel (1795-1850).  Le Bien et le Mal, modello, vers 1829. Huile sur tracé à la plume et à l'encre noire, peinture dorée, sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts. Le Lyonnais Victor Orsel, dont Janmot a été l'assistant à ses débuts, développe ici l’histoire de deux jeunes filles personnifiant le bien et le mal. De part et d'autre de l'allégorie centrale, une succession de saynètes décrit leur parcours: une voie de vertu assurant une existence heureuse pour la première, une vie dissolue pour la seconde, qui succombe à la passion. Le format, le fond d'or et la juxtaposition de scènes rappellent les tableaux d'église italiens des XIVe et XVe siècles.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. I. Solitude, 1861. Fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Le jeune homme, désormais seul, est plongé dans la douleur à la suite du décès de sa bien-aimée. Il s’est assis dans une forêt profonde, dont l’apparence et l’obscurité font écho à son état d’âme, selon un principe cher au romantisme. Au premier plan, une souche brisée rappelle son deuil et la brutalité de la disparition de son âme sœur. Il médite sur le caractère immuable de la nature, tandis que la vie humaine est éphémère.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. II. L’Infini, 1861. Fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige, 115 x 147 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset. L'espoir du jeune homme se ranime devant la beauté de la nature. Son énergie retrouvée et son désir d’infini s’expriment dans son attitude: ses bras repliés retiennent sa poitrine soulevée par son souffle, dans un esprit de communion avec le monde. La figure est placée devant la mer, décor où le regard se perd dans le lointain. Cette idée d’infini est souvent associée au divin dans la poésie et les débats philosophiques de l’époque.


Cartel destiné au jeune public.

Scénographie
Citations
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. III. Rêve de feu, 1861. Fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige, 118 x 155 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le héros s’est endormi et rêve: un groupe de jeunes femmes nues cueillent des fleurs; l'une d'elles, dont il admire tout spécialement la beauté, s'approche de lui pour répandre des roses. Il s’éveille et la vision s’évanouit. Le corps féminin devient ici plus sensuel en comparaison des jeunes filles éthérées qui ont traversé jusqu'à présent Le Poème de l'âme. Cette composition est le pendant tentateur du rêve chaste de L'Échelle d’or dans la première série.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. IV. Amour, 1861. Fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige, 114 x 146 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset. Le personnage féminin apparu en rêve est devenu réel. Le couple cède au désir charnel, qui était absent du premier cycle, et les amants s'enlacent, La jeune femme revêt une couronne de fiançailles ou de mariage, mais son regard apparaît détaché, comme si elle était indifférente à l'affection du héros. Le poème formule déjà la crainte de la perte, car le bonheur ne peut durer et, pour Janmot, ne peut se trouver dans l'amour physique.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. V. Adieu, 1861. Fusain et rehauts de craie blanche sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. La femme s'enfuit, telle une illusion qui s'évanouit, et rompt le court moment de bonheur retrouvé, Elle ne détourne pas même le regard vers le jeune homme qui la supplie. La fleur de lys, qui symbolisait la virginité dans le premier cycle, s’est brisée. La mer revient en tant que décor, non plus pour inspirer l'enthousiasme face à sa beauté, mais désormais comme une frontière infranchissable. Pour l'artiste, l'amour charnel est inconstant et sans issue.
Scénographie.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. VI. Le Doute, 1861. Fusain sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. À nouveau seul, le jeune homme s’abandonne au désespoir devant l'impossibilité de trouver le bonheur. Il se lance dans un voyage pour chercher une réponse à sa quête et traverse un paysage inquiétant qui fait écho à son tourment. Il entame une descente dans une vallée obscure dominée par d'imposantes falaises, sous un ciel couvert. L'expression du doute est un trait commun aux héros romantiques; Janmot semble ici inspiré par son confrère et ami Eugène Delacroix.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. VII. L'Esprit du mal, vers 1859-1861. Fusain sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Au cours de sa quête, le jeune homme est soumis à la tentation de céder aux vices, dans l'espoir de trouver le bonheur à travers les séductions trompeuses du monde. Le démon prend l’aspect d’une figure androgyne qui vient lui saisir le bras et lui parler à l’oreille. Derrière lui, de part et d’autre, arrivent les allégories des péchés capitaux: de gauche à droite, l’Envie, la Colère, l’Avarice, la Luxure, la Gourmandise et la Paresse. Au sommet, l’Orgueil trône comme le vice suprême.


 
Cartels destinés au jeune public.
 
Cartel destiné au jeune public.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. VIII. L'Orgie, 1861. Fusain, pierre noire, crayon graphite, rehauts de gouache blanche et estompe sur papier beige. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Le jeune homme a cédé à la tentation. Il participe à un banquet et danse avec une femme aux charmes enjôleurs. Tous deux tiennent en main une coupe, et une large part de l'assemblée se livre à la boisson, ainsi qu’à divers vices. Le décor se réfère à l'Antiquité gréco-romaine, la scène étant placée sous les auspices des statues de Vénus et de Bacchus. Cette œuvre prend un tour politique, Janmot condamnant l’état de décadence de la société contemporaine.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. IX. Sans Dieu, vers 1866-1867. Fusain, rehauts de craie blanche et estompe sur papier beige, 114 × 146 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le jeune homme, qui a échoué à trouver dans les plaisirs et la débauche le bonheur qu’il cherchait, s’abandonne plus que jamais au désespoir. Assis sur une souche déracinée, au bord d'un gouffre, il foule le livre de l'Évangile à ses pieds pour manifester le rejet de sa foi. Le paysage est désolé, comme si un cataclysme s'était abattu, en résonance avec l'état d'esprit du héros. À l'arrière-plan, une silhouette fantomatique fait son apparition.
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. X. Le Fantôme, 1867. Fusain, pierre noire, lavis noir, rehauts de craie blanche et estompe sur papier bleu. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. La mystérieuse figure drapée a rejoint le jeune homme et le saisit, en lui ordonnant de la suivre. Il est effrayé et tente de la repousser en vain. La mer est désormais animée de fortes vagues et le ciel est chargé de nuages, en écho à la tension de la scène. Le héros interroge son interlocuteur sur son identité, que celui-ci refuse de révéler. S’agit-il de la mort? Ou bien de l’expression de son tourment intérieur?
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XI. Chute fatale, vers 1872. Fusain, pierre noire, estompe, rehauts de craie blanche et pastel sec et lavis noir sur papier bleu, 111 x 142 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le fantôme au centre de la composition révèle enfin son identité: la Fatalité. Le livre qu’elle tient ouvert affiche le nom des autres protagonistes. À droite, l’allégorie de la Matérialité, à gauche, celle de la Révolte brandissant un poignard et la torche qui allume l'incendie. À l'arrière-plan, une ville brûle, probable allusion aux destructions de la Commune de Paris en 1871. Face à ces allégories, le jeune homme chute à la renverse dans un gouffre.


Cartel destiné au jeune public.
 
Théophile Gautier (1811-1872). La Mauvaise Pensée, 1845. Plume, encre brune et lavis brun sur papier. Collection particulière.
 
Joseph Guichard (1806-1880). La Mauvaise Pensée, 1832. Huile sur toile. Lyon, musée des Beaux-Arts.
 
Louis Janmot (1814-1892).  Le Poème de l’âme. XI. Chute fatale, vers 1871-1872. Fusain, pierre noire, estompe, rehauts de craie blanche et de pastel ses et lavis noir sur papier bleu. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Le fantôme au centre de la composition révèle enfin son identité: la Fatalité. Le livre qu’elle tient ouvert affiche le nom des autres protagonistes. À droite, l’allégorie de la Matérialité, à gauche, celle de la Révolte brandissant un poignard et la torche qui allume l'incendie. À l'arrière-plan, une ville brûle, probable allusion aux destructions de la Commune de Paris en 1871. Face à ces allégories, le jeune homme chute à la renverse dans un gouffre.
 
Louis Janmot (1814-1892). L'Échelle d’or, vers 1850-1851. Carton d'ensemble, fusain, estompe, reprise à la gomme et rehauts de craie blanche sur papier beige.  Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques.
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XII. Le Supplice de Mézence, vers 1865-1877. Fusain, rehauts de craie blanche, pastel et lavis noir sur papier bleu ; 115 x 147,5 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette.  Les traits du héros apparaissent désormais plus mûrs. À l’issue de sa chute, il se trouve lié au corps d’une femme défunte, sa bien-aimée matérialisant ainsi la source de sa souffrance psychique. Cette situation où la victime est attachée à un cadavre jusqu’à ce que mort s’ensuive fait référence à un supplice qu’aurait imaginé un roi étrusque, Mézence, selon le récit du poète antique Virgile dans L’Énéide.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XIII. Les Générations du mal, vers 1877-1879. Fusain, pierre noire, estompe, rehauts de craie blanche et pastel sec sur papier rose, 114 x 143 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette. Le supplice du héros se prolonge. À ses côtés reparaît la Fatalité, assise sur un sphinx et tenant un crâne. À gauche, un savant se contemplant dans un miroir dénonce le matérialisme de la science contemporaine. Le singe dont il caresse la tête est une allusion directe à la théorie de Charles Darwin sur l’évolution des espèces, que Janmot rejette. Au registre supérieur dansent sept femmes à demi dénudées figurant les péchés capitaux.


Cartel destiné au jeune public.

 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XIV. Intercession maternelle, vers 1878-1879. Fusain, pierre noire, lavis noir, rehauts de craie blanche et pastel sec sur papier rose. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. L'homme adresse une prière au Christ, regrettant de l'avoir renié et implorant son secours. Il est relayé, dans le monde céleste, par sa mère ainsi que par la Vierge. À leurs côtés sont représentées les quatre vertus cardinales - la Prudence, la Tempérance, la Force et la Justice -, tandis qu’un ange emporte sur terre sa bien-aimée défunte, afin qu’elle vienne à son secours. La composition entre dans une dynamique religieuse plus classique, qui fait référence au culte de la Vierge alors à son apogée et à son rôle d’intercession central dans la piété de l’époque.
Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Poème de l’âme. XV. La Délivrance, ou Vision de l’avenir, 1872. Fusain, pierre noire, rehauts de craie blanche et pastel sur papier bleu avec mise au carreau. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Au centre de cette composition qui figure le triomphe de la foi chrétienne, l'ange de la délivrance foule un cadavre symbolisant le paganisme. À gauche apparaît la Science, désormais en accord avec la Loi divine qui trône à droite. Cette scène allégorique rompt avec le récit du Poème de l'âme par l’absence de l’homme qui en a été jusque-là le protagoniste. Il faut y voir un manifeste des opinions monarchistes de Janmot, en réaction à l'instauration de la IIIe République.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Le Poème de l’âme. XVI. Sursum corda!, 1879. Fusain, pierre noire, craie blanche et pastel sur papier rose, 114 x 144 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Don des héritiers de l’artiste, 1968. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette.  Le titre latin de cette ultime scène, qui signifie «Élevons nos cœurs», est une formule empruntée à la liturgie de la messe. L'homme, désormais délivré, connaît la rédemption. Il est accueilli au ciel par la jeune femme qu'il a aimée. De part et d’autre sont rassemblées les vertus théologales - Foi, Espérance et Charité - et les vertus cardinales - Prudence, Tempérance, Force et Justice -, tandis que l'assemblée céleste est présidée par le Christ, entouré des saints et des anges. Ce «happy end» est ambigu, car le texte du poème suggère que le temps de l’homme n’est pas encore venu et qu'il doit redescendre sur terre pour œuvrer dans la foi pour la suite de sa vie.


Cartel destiné au jeune public.

Scénographie
 
Louis Janmot (1814-1892). Le Supplice de Mézence, 1865. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay.
 
Louis Janmot (1814 – 1892). Deux Études de femme le bras levé, pour Rêve de feu, vers 1860. Crayon graphite, craie blanche, pastel sec et estompe sur papier, 15 × 18,3 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Achat, 2021. Image © Lyon MBA. Photo Alain Basset.


Cabinet 4. Cauchemar, les dangers de l'inconscient

Scénographie

Le rêve, très présent dans Le Poème de l’âme, est tour à tour mélancolique, mystique, sensuel ; il s’aventure aussi dans des contrées dangereuses lorsqu’il devient cauchemar, titre donné à la huitième composition. Janmot a peut-être eu connaissance de ce thème, alors prisé dans la littérature et les arts, par les gravures d’œuvres de ses prédécesseurs, tels que le Suisse Johann Heinrich Füssli, l’Anglais William Blake ou l’Espagnol Francisco de Goya. À son tour, il explore les tourments psychiques et ce que l’on nommera bientôt l’« inconscient ».
L’artiste a pu être initié par deux amis médecins aliénistes à ces thématiques qui trouveront un écho auprès des symbolistes, puis, au temps de la psychanalyse, des surréalistes. Odilon Redon a fréquenté Janmot et lui a peut-être emprunté son goût pour le fusain. Max Ernst et Salvador Dalí n’ont pas connu Le Poème de l’âme, mais Dalí a exprimé sa curiosité pour l’artiste en le découvrant dans une exposition en 1968.

 
Texte du panneau didactique.
 
Laurède, d’après Johann Heinrich Füssli (1741-1825). Le Cauchemar, 1782. Eau-forte au pointillé.  Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.
Scénographie
 
Georges de Feure (1868-1943). L'Abîme, 1893-1894. Huile sur bois. Paris, musée d'Orsay, don de Robert Tschoudoujnev, 1997.
 
Salvador Dali (1904-1989). L'Ange de la mélancolie, illustration pour Aurélia de Gérard de Nerval, 1972. Pointe sèche et eau-forte en couleurs. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie.
Odilon Redon (1840-1916). Dans le rêve: 10 lithographies par Odilon Redon, Paris, Lemercier. De gauche à droite: Frontispice; La Roue; Gnome; Les Limbes; Triste Montée, 1879. Album lithographique.  Paris, Bibliothèque de l'Institut national de l'Histoire de l'Art, collection Jacques Doucet.
Scénographie


Cabinet 5. Paysage & réalité

Scénographie

Le paysage tient une large place dans les scènes du Poème de l’âme ; il participe à l’action en s’accordant à l’état d’âme du personnage principal. S’il se forme en tant que peintre d’histoire, Janmot est sensibilisé à la pratique du paysage par deux de ses camarades lyonnais, Paul Flandrin et Florentin Servan. À leurs côtés, il apprend l’étude sur nature pour trouver des motifs qu’il reprendra ensuite dans ses compositions.
La plupart des décors sont inspirés du Bugey. Située dans le département de l’Ain, non loin de Lyon, cette région correspond, dans sa partie montagneuse, à l’extrémité sud du Jura. Elle offre un aspect contrasté, alliant falaises escarpées, plateau aux prairies verdoyantes et marais. Janmot est attaché à cette région, d’où sa famille maternelle est originaire. L’été, au fil des années 1840 et 1850, il séjourne dans le village de Lacoux chez son ami Servan. Flandrin les rejoint fréquemment, et le trio travaille de concert dans la campagne environnante.

 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Janmot (1814-1892). La Cascade de Charabotte, vers 1837-1843. Pierre noire, estompe et rehauts de craie blanche sur papier bleu. Collection C. Boyer Thiollier.
 
Florentin Servan (1811-1879). Madeleine au désert, 1852. Huile sur toile. Collection particulière. Le paysagiste lyonnais Florentin Servan représente sainte Marie Madeleine devenue après la mort du Christ une pécheresse repentie. Selon La Légende dorée, elle aurait terminé sa vie retirée dans la prière, dans une grotte du massif de la Sainte-Baume en Provence. L'artiste, proche ami de Janmot, qu’il accueille l’été dans le Bugey, à Lacoux, installe la scène dans un décor empruntant aux sites des environs qu'il étudie dans ses dessins et recompose en atelier.
 
Louis Janmot (1814-1892). Vallons et prairies en Bugey, vers 1850-1854. Huile sur papier marouflé sur bois. Paris, galerie Michel Descours.
 
Paul Flandrin (1811-1902). Pins maritimes à la villa Pamphili, vers 1837. Huile sur papier marouflé sur toile. Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt.
 
Louis Janmot (1814-1892). Arbres à La Villeneuve, vers 1875. Huile sur carton. Collection Benoît Berger.