LARGO WINCH
Aventurier de l'économie

Article publié dans la Lettre n°516 du 20 janvier 2021



 
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LARGO WINCH. Aventurier de l’économie. Que de changements dans cet édifice néo-gothique, l’Hôtel Gaillard, inauguré en grande pompe en 1885, que nous avions eu la chance de visiter avant sa transformation par la Banque de France en un musée, unique en Europe, dédié à l’économie, ouvert en 2019. À côté de ses salles d’exposition permanente, où pullulent les installations interactives et ludiques, aménagées en conservant le décor créé par Émile Gaillard, banquier et collectionneur d’art des XVe et XVIe siècle, la jeune Cité de l’Économie présente aujourd’hui une exposition inédite.
Fils d’un entrepreneur-aventurier ayant travaillé un peu partout dans le monde, Jean Van Hamme est lui aussi un globe-trotter. L’été, durant ses études, il parcourt en stop l’Europe, les États-Unis et l’Afrique, faisant ainsi plus de 30 000 km. Ingénieur commercial et agrégé d’économie, il est d’abord cadre dans des multinationales qui lui font parcourir le monde, avant de se consacrer à temps complet à sa passion, l’écriture.
Il a donc tous les atouts pour créer en 1973 Largo Winch, un personnage à la fois entrepreneur et aventurier. L’idée est de lancer une bande dessinée sur le marché américain, mais les premières planches du célèbre dessinateur John Prentice ne lui conviennent pas car la documentation et le décor sont trop sommaires. Van Hamme les rachète et publie à la place six romans, entre 1977 et 1980. Les ventes étant insuffisantes pour vivre, il se lance alors dans l’écriture de scénarios de BD, de films et de téléfilms. Pour la BD ce sera, entre autres, Epoxy (1968), Thorgal (1977) et surtout XIII (1984). Enfin, en 1989, il crée avec le dessinateur Philippe Francq, la série Largo Winch.
Nerio Winch, unique actionnaire du Groupe W, un conglomérat employant 400 000 personnes, ne peut pas avoir d’enfant. Il adopte alors Largo Winczlav, un orphelin serbe du Montenegro pour en faire son héritier. Il le confit tout d’abord, jusqu’à ses dix ans, à un couple du Liechtenstein. Ensuite il l’inscrit dans les meilleures écoles d’Europe, y compris l’INSEAD de Fontainebleau, qui lui a délivré, très officiellement, un diplôme ! À la mort de son père, Largo hérite à 26 ans de cet empire qu’il entend diriger lui-même.
Le parcours de l’exposition, divisé en quatre sections, décrit la genèse de cette série à succès (44 millions d’albums vendus dans le monde dont 11 en langue française), puis le personnage de Largo Winch. Il continue en se focalisant sur « Le fantastique des villes » et enfin, avec « Le milliardaire humaniste », il aborde les principaux thèmes de l’économie.
Dans la première section, nous pouvons voir une multitude de documents et des planches originales, y compris celles de John Prentice. Didier Pasamonik, le commissaire, évoque les ateliers de Jean Van Hamme, de Philippe Francq et d’Éric Giacometti. Van Hamme s’étant retiré du projet en 2016, c’est ce dernier qui a repris l’écriture de la série à partir du 21e titre. Parmi les objets exposés, on remarque tout particulièrement le scénario du premier album. Dans celui-ci, non seulement Van Hamme écrit les dialogues mais il donne aussi des indications très précises sur les dessins, la place des bulles, la description des immeubles etc. On comprend que les dessins sommaires de John Prentice ne pouvaient pas lui convenir. Dans « l’atelier » de Philippe Francq, on trouve des objets aussi divers qu’un écusson de la police de San Francisco, des poignards comme ceux que lance Largo Winch, et des modèles réduits de voitures, d’avions, de bateaux, etc. Ceux-ci permettent au dessinateur de les représenter avec précision sous tous les angles. Nous avons aussi des explications et des exemples sur la façon de dessiner une BD, avec les trois étapes que sont le crayonné, l’encrage et la mise en couleurs. Ces derniers se font aujourd’hui avec des logiciels. On trouve aussi des photographies prises au cours des repérages faits dans les lieux où se passe l’action. Cela permet à Francq de faire des dessins très fouillés, surtout ceux des villes comme New-York, Londres, Chicago, Amsterdam, Venise, Hong-Kong, Paris, etc. qui font l’objet de la troisième section.
La deuxième partie de l’exposition nous présente de manière détaillée les principaux personnages de la série. Largo Winch bien sûr, mais aussi son père, ses copains, les femmes qu’il a rencontrées, les membres du « Big Board » et ceux du « premier cercle » et aussi ses ennemis, « Une horde de tueurs ».
Une troisième partie est consacrée aux villes. Tout le talent de Philippe Francq s’y exprime. Celui-ci s’est même associé depuis 2012 à l’architecte Hervé Tordjman, le créateur des tours jumelles en forme d’ADN de Guangzhou, pour les bâtiments. Francq s’en est inspiré pour dessiner le nouveau siège du Groupe W à Chicago, dont on voit une maquette dans la salle suivante.
Cette dernière salle permet de commenter les thèmes de l’économie qui sont abordés dans les albums. Des panneaux et des fiches détaillées nous renseignent sur les krachs boursiers, la crise des subprimes, la corruption à grande échelle, le crime organisé, les manipulations et les fake news, les délocalisations, les fonds souverains, le trading haute fréquence, etc. Cette dernière partie est particulièrement instructive et correspond bien à l’esprit du musée. Une exposition originale, bien documentée et agréable à visiter. R.P. Citéco - Cité de l’Économie 17e. Jusqu’au 12 février 2021. Lien : www.citeco.fr.


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