JAMES McNEILL WHISTLER (1834-1903). Chefs-d’œuvre de la Frick Collection, New York. Henry Clay Frick (1849-1919), « self-made-man » américain a fait fortune dans l’industrie (coke et sidérurgie, avec Carnegie) avec des méthodes que l’on réprouverait aujourd’hui, veut se constituer une collection d’œuvres d’art afin de rivaliser avec les autres hommes les plus riches de son époque et se donner une image de mécène. Il se constitue peu à peu une impressionnante collection qui comprend à sa mort des tableaux de Vermeer, Rembrandt, Hals, Turner, Constable, Gainsborough, Renoir, etc. des sculptures, des œuvres sur papier et des objets d’art européens du début de la Renaissance à la fin du XIXe siècle. Whistler, artiste né aux États-Unis et très présent dans sa collection fait figure d’exception. À sa mort, Frick lègue à la ville de New York sa « Mansion » sur la Ve Avenue et sa collection. Celle-ci est accessible au public à partir de 1935 et sa visite est aujourd’hui l’un des moments forts d’un séjour à New York.
À la faveur de la fermeture pour travaux du site historique de la Frick Collection, dix-neuf œuvres (4 peintures, 3 pastels, 12 eaux-fortes) du peintre américain James Abbott McNeill Whistler font le voyage jusqu’au musée d’Orsay. Nous pouvons les admirer en compagnie des trois tableaux que possède le musée.
Whistler, né dans le Massachussetts, grandit entre les États-Unis, la Russie et l’Angleterre. En 1855 il se rend à Paris où il se forme dans l’atelier de Gleyre et se lie avec Courbet, Fantin-Latour et Legros. À partir de 1860, il s’installe à Londres et devient un trait d’union entre l’avant-garde britannique et le réalisme français. Il développe une manière très originale de peindre, basée sur la recherche d’harmonies formelles. Il nomme ainsi ses peintures avec des titres musicaux comme « symphonie », « arrangement », « nocturne ». Très critiqué, mais bénéficiant de soutiens à Londres et à Paris, il n’accède à une renommée mondiale qu’à la fin de sa vie, devenant un « phare » pour la jeune génération symboliste.
Trois grands portraits en pied nous font face en entrant dans l’exposition : la Symphonie en couleur chair et rose : portrait de Mrs. Frances Leyland (1871-1874), l’épouse d’un de ses soutiens, au centre, encadré par Arrangement en brun et noir: portrait de Miss Rosa Corder (1876-1878) et Arrangement en noir et or: comte Robert de Montesquiou-Fezensac (1891-1892). Le traitement des couleurs, l’attitude des personnages, leurs vêtements, contrastent avec ce que l’on avait l’habitude de voir à l’époque. Le très haut degré de perfection de Whistler (40 séances de pose pour la peintre Rosa Corder qui n’en pouvait plus et voulait arrêter) explique que la réalisation de ces tableaux s’étende sur plusieurs années.
En face de ces trois portraits, sont exposés les trois tableaux du musée d’Orsay dont le chef d’œuvre de Whistler, selon ses dires, Arrangement en gris et noir n°1 : portrait de la mère de l’artiste (1871) à côté de Tête de vieux fumant une pipe dit aussi L’Homme à la pipe (1859), l’une de ses toutes premières peintures connues, et Variations en violet et vert (1871) qui emprunte beaucoup à la peinture japonaise.
Nous avons aussi un étonnant paysage, Symphonie en gris et vert : l'Océan, peint en 1866 à Valparaiso, lors d’une expédition durant la guerre entre l’Espagne et le Chili, planifiée par d’anciens soldats américains confédérés (dont son propre frère), pour vendre des torpilles aux chiliens !
Les autres œuvres exposées sont des pastels et des gravures réalisés à Venise. Nous avons ainsi les 12 eaux-fortes et pointe sèche sur papier de la « Suite vénitienne » éditée à une centaine d’exemplaires à partir de 1880. On note l’intérêt de Whistler pour des lieux loin des clichés touristiques comme ces porches ou ces façades décaties. Une exposition bien documentée sur un artiste que l’on a quelque peu délaissé. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 8 mai 2022. Lien : www.musee-orsay.fr.