HÉROÏNES ROMANTIQUES. Même dans ce lieu consacré à la vie romantique, la présente exposition est particulièrement originale. Elle explore la représentation dans les beaux-arts, la littérature et la scène de ces héroïnes réelles ou fictives qui ancrent dans l’imaginaire collectif de l’époque une certaine vision du féminin. Pour cela, Gaëlle Rio et Élodie Kuhn, les commissaires, ont réuni une centaine d’œuvres – peintures, sculptures, livres et objets d’art – répartis en trois sections.
On commence par les « Héroïnes du passé : mythes et histoire », personnages réels comme la poétesse grecque Sappho du VIIe-VIe siècle av. J.-C., la reine d’Égypte Cléopâtre, Jeanne d’Arc ou Marie Stuart qui connurent des destins tragiques bien réels ou supposés (Sappho). S’y ajoutent des personnages de fiction comme Antigone ou Héloïse, l’épouse d’Abélard. Ces personnages sont le prétexte de compositions savantes pour évoquer le désespoir, la fin d’un amour, une mort tragique ou tout simplement pour représenter un nu féminin comme le fait Jean Gigoux avec La Mort de Cléopâtre (1851). Dans une section annexe, sont réunies des œuvres évoquant la « question de la violence féminine ». On y trouve là-aussi des personnages bien réels comme la cruelle Christine de Suède, Charlotte Corday ou la moins connue Béatrice Censi, qui tua son père abusif. Mais les artistes romantiques s’intéressent aussi à des personnages de fiction comme Médée ou la Marguerite de Faust, qui nous semble mal venue ici dans cette sous-section.
La deuxième partie ne concerne que des « Héroïnes de fiction » et elles sont nombreuses. Les écrivains romantiques en ont créées une multitude dont certaines sont tombées dans l’oubli. Des livres d’époque sont là pour nous les rappeler. Ils ont pour auteur Sophie Cottin, Madame de Duras, Jean Moreau mais aussi Madame de Staël, George Sand, Chateaubriand, Victor Hugo et, devenu célèbre en France à cette époque, Shakespeare. Les peintres multiplient les scènes les plus évocatrices de ces héroïnes : Quasimodo sauvant Esmeralda des mains des bourreaux, Atala recevant la communion, Roméo et Juliette dans le tombeau des Capulet, Lady Macbeth sombrant dans la folie, Ophélie mourant dans un ruisseau, Desdémone maudite par son père ou tuée par Othello sont des thèmes qui nous parlent. En revanche, il faut bien les cartels érudits des commissaires pour comprendre des sujets tels que Velléda dans la tempête de Léon Cogniet, Corinne au cap Misène de Marie-Victoire Jaquotot ou encore La Dernière scène de Lélia de Delacroix.
Le peintre Charles-Louis Müller donne les traits de la célèbre comédienne Rachel à sa Lady Macbeth. L’aura et la célébrité de certaines comédiennes, cantatrices ou danseuses au XIXe siècle sont inimaginables aujourd’hui. La dernière section est consacrée à ces « Héroïnes en scène » que sont, par exemple, Rachel, Mademoiselle Mars et l’Irlandaise Harriet Smithson (rôle de Juliette et Ophélie) au théâtre, Maria Malibran, Giuditta Pasta et Henriette Sontag à l’opéra ou Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi pour la danse. Quand on voit les dizaines de représentations en tous genres (peintures, vases, gravures, sculptures, etc.) de ces artistes, on mesure à quel point elles étaient renommées et adulées.
Dans cette dernière section, on peut également voir un exceptionnel costume pour le rôle-titre de la Sylphide, recréé en 1972 d’après les dessins d’Eugène Lami (1800-1890) ainsi que des extraits de films inspirés par ces héroïnes du passé. Une exposition vraiment passionnante où l’on trouve avec bonheur de nombreuses œuvres d’artistes féminines. R.P. Musée de la Vie romantique 9e. Jusqu’au 4 septembre 2022. Lien : www.vie-romantique.paris.fr.