Parcours en images et en vidéos de l'exposition

HÉROÏNES ROMANTIQUES

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°550 du 22 juin 2022



 

 

Qui sont les héroïnes du romantisme et comment sont-elles représentées dans les arts de la première moitié du XIX° siècle ? Sapho, Héloïse, Jeanne d'Arc, Marie Stuart, Ophélie ou Atala... le musée de la Vie romantique vous invite à la découverte de ces femmes, réelles ou imaginées, dont les histoires dramatiques sont à l’époque connues du plus grand nombre.

Cette exposition présente d’abord les héroïnes du passé, mythologique et historique, avant d'aborder celles qui ont marqué le théâtre et la littérature. Les textes de William Shakespeare, François-René de Chateaubriand, Victor Hugo, George Sand ou Sophie Cottin inspirent les peintres et sculpteurs romantiques. Le parcours se termine par l'évocation des héroïnes interprétées par de célèbres comédiennes, chanteuses et danseuses sur les scènes du théâtre, de l'opéra et du ballet.

Si cet héroïsme féminin s'illustre principalement dans la passion amoureuse, il s'achève fatalement par un exil douloureux, un retrait du monde, voire une mort dramatique et précoce. Les peintres Eugène Delacroix, Anne-Louis Girodet, Théodore Chassériau, Antoine-Jean Gros, Léon Cogniet et Léopold Burthe représentent ces femmes le teint diaphane, vêtues de drapés vaporeux, vacillant ou gisant sur le sol, comme résignées face à un destin inéluctable. Puisqu'elles sont l’objet d’un regard masculin, elles sont souvent érotisées ou figurées pour leurs qualités supposées féminines telles que la grâce, la fragilité, la sensibilité ou le dévouement. En écho à la condition féminine du premier XIXe siècle, fortement défavorisée par le code civil napoléonien de 1804, les héroïnes romantiques incarnent un modèle féminin sacrifié.


Affiche de l'exposition
 
Texte du panneau didactique.


1 - a) HÉROÏNES DU PASSÉ : MYTHES ET HISTOIRE

Scénographie

Conjuguant leur intérêt pour le passé et leur goût du drame, les artistes romantiques vont chercher dans la mythologie et l’histoire de célèbres figures féminines aux destins tragiques qu’ils érigent en héroïnes

La mort de Sappho inspire de nombreux peintres et sculpteurs, à l’instar d’Antoine-Jean Gros qui peint la poétesse de Lesbos, sa lyre dans les bras, sur le point de se jeter dans le vide par désespoir amoureux. La courageuse Antigone du mythe grec est représentée lors de sa fin tragique par Victorine-Angélique Genève-Rumilly, tandis que Jean Gigoux érotise la puissante reine de l’Égypte antique Cléopâtre en la figurant entièrement nue en train de mettre fin à ses jours.

Le regain d’intérêt pour la religion au début du XIXe siècle transforme certaines héroïnes en saintes ou en martyres. La piété de Jeanne d’Arc est ainsi mise en avant dans les œuvres sculptées de Marie d’Orléans. Le goût des artistes romantiques pour le Moyen Âge et la Renaissance fait émerger d’autres figures féminines, notamment dans les tableaux qualifiés d’historicistes ou de style troubadour. L’histoire d’amour interdite entre la jeune Héloïse et son professeur Abélard, rendue célèbre au XIXe siècle, se diffuse jusque dans l’imagerie populaire. Enfin, la destinée exceptionnelle de la reine d’Écosse Marie Stuart fascine elle aussi les artistes, qui la représentent condamnée ou en exil.

 
Texte du panneau didactique.
 
Alexandre-Évariste Fragonard (1780-1850). Jeanne d'Arc sur le bûcher, 1822. Huile sur toile, 37,2 x 24,6 cm. Rouen, Musée des Beaux-Arts. © Agence Albatros / Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie.

Parmi la soixantaine de tableaux consacrés à Jeanne d’Arc durant une large première moitié du XIXe siècle, ce petit format, dont la composition est diffusée par l’estampe, délivre une image pathétique et vulnérable de l’héroïne. Jeanne est figurée debout sur le bûcher en longue robe blanche liée à un poteau par les poignets, les cheveux défaits et le regard levé vers le ciel dont le bleu pur éclate derrière les nuages obscurs. Le caractère dramatique de la fumée noire et du rougeoiement de l’air apporte un accent romantique à cette héroïne suspendue entre ciel et terre, telle une sainte martyre.

 
Antoine-Jean Gros (1771-1835). Sapho à Leucate, 1801. Huile sur toile, 118 x 95 cm. Bayeux, collection MAHB - musée d'Art et d'Histoire Baron-Gérard.

Dès sa présentation au Salon de 1801, cette peinture est considérée comme romantique par son atmosphère nocturne, son vaste panorama de nature et la figure élégiaque de Sapho. L'héroïne est représentée sur le rocher de Leucate au moment où elle va se précipiter dans la mer par amour pour Phaon, un batelier de Mytilène, tandis qu'à l'arrière-plan on distingue les vestiges du sacrifice avec l’autel encore embrasé et le vase renversé de l'ultime libation. Serrant contre elle la lyre des poètes, le pied au bord du précipice, elle semble cependant s'élever vers la lune plus que chuter vers les flots.
 
Panneau didactique pour le jeune public
 
Jean Gigoux (1806-1894). La Mort de Cléopâtre, 1851. Huile sur toile, 49 x 65 cm. Besançon, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie. © P.Guenat.

Seuls deux détails, le serpent et les feuilles de figuier, permettent d'identifier le sujet de la mort de la reine d'Égypte. Le prétexte historique est surtout l’occasion pour Gigoux de présenter au Salon de 1850 un nu féminin. Allongée sur un lit, la tunique défaite, entièrement nue, Cléopâtre vient de se faire piquer par l'aspic qui glisse le long de son bras droit. L’attitude particulièrement contorsionnée de cette Cléopâtre agonisante qui feint d’hésiter entre souffrance et plaisir exprime la sensualité associée à l’Orient qui attise tous les fantasmes dans les années romantiques.

 
Marie d'Orléans (1813-1839). La Rencontre d’Ahasvérus et Rachel, d'après le récit de Quinet, 1834. Relief en plâtre. Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou.

La jeune sculptrice s'inspire pour ce relief d'un poème en prose intitulé Ahasvérus et publié en 1833 par l'historien Edgar Quinet. Celui-ci raconte l’histoire d’un poète qui cherche la femme qu'il a aimée et voit passer autour de lui toutes les femmes célèbres. Marie d'Orléans représente le poète sortant de son tombeau et rencontrant Rachel, un ange qui prend l’apparence d’une femme aux longs cheveux défaits. L'artiste convoque au premier plan un cortège d’héroïnes historiques telles Sapho et Héloïse, tandis qu’apparaissent dans les nuées les héroïnes célèbres de la littérature, parmi lesquelles Desdémone, Juliette, Virginie ou Atala.

Scénographie
 
Victorine Genève-Rumilly (1789-1849). La Mort d'Antigone, 2e quart du XIXe siècle. Huile sur toile, 80 x 115 cm. Grenoble, Musée de Grenoble. © J.L. Lacroix.

Élève du peintre néo-classique Jean-Baptiste Regnault, l'artiste est une habituée du Salon où elle présente, de 1812 à 1839, des portraits, des scènes de genre et des tableaux d'histoire. Hormis ces éléments, nous ne savons pas grand-chose de sa carrière. Elle figure ici Antigone, l'héroïne de la tragédie grecque de Sophocle, étendue sur le sol, la poitrine découverte, venant de se donner la mort. À ses côtés, son fiancé Hémon est sur le point de s’ouvrir le ventre avec un poignard, sous le regard de son père Créon qui tente de s'interposer. Le mythe d'Antigone trouve un écho dans le goût romantique pour le drame et les héroïnes sacrifiées.

 
Emmanuel Phélippes-Beaulieux (1829-1874). Jeanne d'Arc en prison, 1858. Eau-forte sur papier. Nantes, musée d’arts de Nantes.
 
Claudius Jacquand (1803-1878). Jeanne d'Arc conduite en prison à Rouen, sous la garde du comte de Ligny du Luxembourg, 1827. Huile sur toile. Rouen, musée des Beaux-Arts.

L'histoire de Jeanne d'Arc offre aux artistes de nombreux sujets frappants. À partir de la Restauration, les peintres s'intéressent au versant fatal de sa destinée d'héroïne. À la suite de Pierre Henri Révoil en 1819 puis de Paul Delaroche en 1824, le Lyonnais Claudius Jacquand choisit de représenter au Salon de 1827 le moment de l’incarcération de la jeune femme. Dans un décor de crypte obscure aux arcades ogivales, l'innocente Jeanne d'Arc semble regarder pour la dernière fois le jour qui vient du haut de l'escalier, tandis que les gardes la conduisent dans la nuit d’un caveau.

 
Panneau didactique pour le jeune public
Citation

 
Théodore Chassériau (1819-1856). Marie Stuart protégeant Riccio contre les assassins (esquisse), vers 1849. Huile sur toile, 61 x 48 cm. La Rochelle, musées d’Art et d'Histoire, dépôt du musée du Louvre. © Musée des Beaux-Arts de la Rochelle.

Peintre emblématique du second romantisme, Chassériau choisit un épisode dramatique de la vie de Marie Stuart, propre à frapper les esprits. Il représente, sous les yeux de la reine alors enceinte, l’assassinat sauvage de David Riccio, son secrétaire particulier. Au moyen d’une touche large et élégante, le peintre esquisse rapidement la reine d’Écosse, toute blanche au centre, et suggère la force de sa personnalité droite et courageuse, s'interposant entre les lames et Riccio qui l'implore.

 
Jean-Antoine Laurent (1763-1832). Héloïse embrassant la vie monastique, 1812. Huile sur toile. Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau.

Dans un intérieur d'abbaye gothique, Héloïse est représentée à genoux en train de prier, une bible ouverte devant elle. La jeune femme, prête à prendre le voile, contemple une dernière fois le portrait de son mari Pierre Abélard qu'une religieuse cherche à éloigner d'elle. Autour d’Héloïse sont encore réunis des objets de sa vie publique : son manteau, une écharpe en fine mousseline, un livre relié en cuir, une boîte à bijoux. Le peintre et miniaturiste français dramatise la scène en soulignant le renoncement teinté de mélancolie qu’éprouve son héroïne sacrifiée.

 
Édouard Hamman (1819-1888). Marie Stuart quittant la France, 1863. Huile sur bois. La Rochelle, musées d'Art et d'Histoire.

Marie Stuart, reine d'Écosse à l’âge de six jours et pour vingt-cinq ans, épouse du roi de France François II et donc reine de ce pays pendant deux ans, connaît une vie d'aventures qui inspire les écrivains, musiciens et artistes en quête de sujets historiques, anecdotiques et sentimentaux. Le peintre d'histoire belge représente la reine en deuil de son époux français jetant un dernier regard vers la France, dans la posture dramatique immortalisée par les vers du chansonnier Pierre-Jean de Béranger : « Adieu, charmant pays de France, /Que je dois tant chérir! /Berceau de mon heureuse enfance, /Adieu! te quitter, c'est mourir. ».

 
Eugène Devéria (1805-1865). La lecture de la sentence de Marie Stuart, 1826. Huile sur toile. Angers, musées d'Angers.

Cette œuvre présentée en 1826 à l'Exposition de tableaux au profit des Grecs puis au Salon de 1827 par le jeune peintre romantique de vingt et un ans constitue le manifeste d’une nouvelle peinture d’histoire, dramatique et pittoresque. Devéria donne la sensation au spectateur d’être un témoin privilégié de l'instant où la vie d’une reine bascule. Dès 1826, Victor Hugo encense les qualités historiques et esthétiques de cette toile : « Cet échafaud, cette royale victime, ce cercle de personnages historiques, et jusqu'aux vitraux, ces ogives, ces murs armoriés, tout émeut, tout intéresse. ».



1- b) D'AUTRES MODÈLES
La question de la violence féminine

Scénographie

D'autres figures célèbres, incarnant la folie et la violence, impressionnent les artistes et suscitent l’effroi, à une époque où la violence est considérée comme inconciliable avec la «nature » féminine. Eugène Delacroix s'intéresse très tôt à Médée, personnage mythologique qui, répudié par son époux Jason, tue leurs deux enfants par vengeance. En 1808, dans sa pièce Faust, le poète allemand Johann Wolfgang von Goethe met lui aussi en scène une femme accusée d’infanticide, Marguerite. Les représentations de la jeune héroïne sont nombreuses dans la production picturale romantique, en particulier chez Ary Scheffer, l'artiste qui vécut dans cette maison.

Cette période hantée par l'héritage révolutionnaire et marquée par l'effacement des femmes de l’espace public ne connaît pas de processus d'héroïsation de figures féminines politiques : ainsi, les pionnières du féminisme que sont Olympe de Gouges et Théroigne de Méricourt ne sont pas représentées en peinture. L'assassinat de Marat par Charlotte Corday en 1793 divise et fait l'objet de plusieurs tableaux, même si les contemporains s'accordent à dire que la jeune femme est, par ce crime, « sortie de son sexe ».

La sculptrice royaliste Félicie de Fauveau s'intéresse aux femmes de pouvoir du passé : dans un bas-relief, elle montre Christine de Suède au moment où celle-ci refuse de gracier un de ses écuyers. De nombreux commentaires historiques soulignaient les signes de virilité du caractère de l'impitoyable reine du XVII siècle.

 
Texte du panneau didactique.
 
Ary Scheffer (1795-1858). Marguerite tenant son enfant mort, vers 1846. Huile sur toile. Paris, musée de la Vie romantique.

Le drame en vers de l'écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe donne au mythe de Faust un écho considérable en Europe au début du XIXe siècle. Ary Scheffer, le peintre qui vécut dans cette maison (le musée de la Vie romantique), a représenté de nombreuses scènes de la pièce. Dans cette composition de petit format, il dépeint le moment où Faust, entraîné par Méphisto à un sabbat de sorcières, aperçoit le fantôme de sa bien-aimée Marguerite. La jeune femme tient son enfant mort dans les bras. Son regard figé et sa pâleur dans la nuit restituent tout le désespoir de la scène.

 
Henry Scheffer (1798-1862). Arrestation de Charlotte Corday, 1830. Huile sur toile. Paris, musée de la Vie romantique.

Scheffer représente ici l'arrestation de Charlotte Corday en 1793, après son assassinat du député jacobin Jean-Paul Marat. Vêtue d'une robe claire et d'un bonnet blanc, cette héroïne ambiguë, surnommée l'« ange de l'assassinat » par Alphonse de Lamartine, est figurée impassible au milieu d'une foule belliqueuse de sans-culottes. Probablement inspirée d'une pièce de théâtre de Ducange et Bourgeois jouée à Paris en 1829, cette peinture est l'esquisse préparatoire d'un tableau présenté au Salon de 1831 et actuellement conservé au musée de Grenoble.

 
Adolphe Mouilleron (1820-1881). La Liberté, 1830. Lithographie sur papier. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Cette estampe reprend la célèbre Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. La scène évoque la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui vise à faire abdiquer le roi Charles X. La Liberté est personnifiée sous les traits d’une femme du peuple, debout et triomphante sur les barricades. Son bonnet phrygien et le drapeau tricolore qui s’érige dans le ciel sont des symboles de la République. Le drapé « à la grecque » des vêtements, la présentation du profil droit et la posture du personnage central sont inspirés du répertoire antique et de la figure de la Victoire ailée.

 
Panneau didactique pour le jeune public
 
Luigi Calamatta (1801-1869). La Censi, XIXe siècle. Aquatinte et burin sur papier. Paris, musée de la Vie romantique.

Beatrice Cenci est une aristocrate romaine du XVIe siècle qui tua son père abusif. Surnommée la « Belle Parricide », elle fut décapitée à l’âge de vingt-deux ans malgré les protestations du peuple et devint un symbole de résistance. Cette histoire tragique inspira des œuvres picturales, littéraires, musicales et dramaturgiques. Le peintre et graveur italien Calamatta propose ici une gravure d’après une huile sur toile attribuée au peintre italien du XVIIe siècle Guido Reni, qui représente la Cenci avec un visage doux aux traits presque enfantins.

 

Citation

 

Eugène Delacroix (1798-1863). Esquisse pour Médée furieuse ou Médée furieuse, avant 1838. Huile sur toile. Lille, palais des Beaux-Arts.

Cette esquisse peinte du tableau également conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille représente Médée, dont le mythe raconte qu’elle tua ses deux enfants pour se venger de son époux Jason. Delacroix s'intéresse très tôt à ce récit en exploitant ses ressorts dramatiques. Il montre ici l’instant qui précède l’infanticide, Médée tenant un poignard dans sa main et s'apprêtant à commettre son crime. Sa composition pyramidale à la facture libre et vigoureuse confère à cette toile un fort dynamisme, renforcé par des coloris vifs et par les mouvements des vêtements de cette femme «furieuse ».

 
Félicie de Fauveau (1801-1886). Christine de Suède refusant la grâce à son écuyer Monaldeschi, 1827. Plâtre teinté. Louviers, musée de Louviers.

Ce haut-relief est la première œuvre que la sculptrice présente au Salon en 1827, où elle reçoit un accueil critique très favorable. Alexandre Dumas s’en inspira d’ailleurs pour écrire sa pièce Christine. La scène représente avec de nombreux détails l'implacable reine de Suède refusant la grâce de son plus fidèle écuyer, soupçonné de trahison. L'œuvre de Félicie de Fauveau compte de nombreuses reines,  saintes ou héroïnes qui sont montrées fortes et agissantes. Il illustre aussi le goût de l’artiste contre-révolutionnaire pour une culture chevaleresque et un ordre monarchique disparus et regrettés.



2 - HÉROÏNES DE FICTION

Scénographie

Le genre du roman, en plein essor au XIXe siècle, contribue à la diffusion de l’héroïne de fiction, ce personnage principal du récit auquel on s’identifie. François-René de Chateaubriand, Victor Hugo, Germaine de Staël, Sophie Cottin ou George Sand inventent des figures féminines de premier plan dans leurs écrits, parmi lesquelles Atala, Esmeralda, Corinne, Mathilde ou encore Lélia. Certaines d’entre elles, comme Atala ou Velléda, acquièrent une telle célébrité qu’elles sont ensuite représentées en peinture, notamment par Anne-Louis Girodet et Léon Cogniet, ou en sculpture par Hippolyte Maindron.

Dans les années 1820, le théâtre de William Shakespeare connaît en France une renommée tardive mais retentissante. Les héroïnes du dramaturge anglais deviennent des figures majeures du romantisme, représentées dans les œuvres aux moments les plus tragiques des pièces : la mort d’Ophélie, la folie de Lady Macbeth, Desdémone étouffée par son amant, Juliette semblant morte dans les bras de Roméo.

Ces héroïnes de fiction expriment l'impossible conciliation entre un ordre social établi et la liberté de vivre leurs passions. En 1857, Gustave Flaubert fait d'Emma Bovary une femme imprégnée de ces lectures romantiques, qui se rêve elle aussi en héroïne amoureuse, jusqu'à en mourir.

 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Delacroix (1798-1863). Roméo et Juliette au tombeau des Capulet, vers 1850. Huile sur papier marouflé sur toile. Paris, musée national Eugène-Delacroix.

Dans cette œuvre de petit format, Delacroix représente le moment où Roméo tient dans ses bras le corps inanimé de Juliette qu’il croit morte, juste avant qu’il ne se tue de désespoir et que la jeune femme ne se réveille et se suicide à son tour. Dans la pénombre, Juliette apparaît, recouverte d'un voile d'une blancheur spectrale pareil à un linceul et qui semble échapper des mains de Roméo. Le peintre parvient à restituer toute l'intensité dramatique de cette scène 3 du cinquième acte de la pièce Roméo et Juliette de William Shakespeare.

 
Charles-Louis Müller (1815-1892). Lady Macbeth, début du XIXe siècle. Huile sur toile, 58 cm x 46 cm. Ajaccio, Palais Fesch-musée des Beaux-Arts, France Photo (C) RMN-Grand Palais / Gérard Blot.

Le peintre français Charles Müller, connu pour son attention portée aux expressions des personnages, trouve en Lady Macbeth un sujet de choix. Il représente l’héroïne sous les traits de la comédienne Rachel, les cheveux défaits et en mouvement, toute de blanc vêtue. Son tourment est restitué avec brio, notamment dans le traitement de ses mains crispées. Elle « s'est détruite de ses propres mains » : c’est en ces termes que William Shakespeare évoque dans sa pièce Macbeth l'épisode dans lequel l'héroïne sombre dans la folie, rongée par les remords d'un assassinat dont elle est l’instigatrice.

 
Eugénie Henry (1808-1879). Quasimodo sauvant Esmeralda des mains des bourreaux, 1832. Huile sur toile. Paris, maisons de Victor Hugo Paris / Guernesey.

Ce tableau est exposé au Salon de 1833, l’année suivant la publication de Notre-Dame de Paris. L'épisode représenté est celui du sauvetage d’Esmeralda de ses bourreaux par Quasimodo, face à une foule agitée. L’héroïne apparaît inanimée sur les épaules du bossu, sa chemise blanche laissant sa poitrine découverte, ses cheveux noirs tombant dans le vide. Les deux personnages sont sur le point de trouver refuge dans la cathédrale. Hugo décrit la scène en ces termes : «[..] on le vit [...] enlever l'égyptienne d'une main, comme un enfant sa poupée, et d’un seul élan rebondir jusque dans l’église, en élevant la jeune fille au-dessus de sa tête [...]. ».

Léopold Burthe (1823-1860). Ophélia, 1852. Huile sur toile, 62,3 x 100,3 cm. Musée Sainte-Croix, Poitiers, France. © Musée de Poitiers / Christian Vignaud.

Burthe montre ici la mort d’Ophélie, inspirée de la pièce Hamlet de William Shakespeare. Délaissée par son amant, Ophélie sombre dans dans la folie et meurt près d'un ruisseau dans la scène 7 de l’acte IV. L'héroïne est figurée entourée d’une nature en fleurs, se retenant à la branche d’un saule dans une dernière hésitation avant la mort. Alors qu’une partie de sa robe est déjà immergée, son visage est serein. En représentant la beauté d'Ophélie dans la mort, le peintre franco-américain illustre le motif de la «belle défunte ». Le poète Edgar Allan Poe écrivait en 1856 que « la mort d’une belle femme est incontestablement le plus poétique sujet du monde ».

 
Citation

Panneau didactique
 
Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824). Atala, vers 1808. Huile sur toile, 49 x 60 cm. Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups - Maison de Chateaubriand. Châtenay-Malabry. © CD92 / Vincent Lefèbvre.

Cette peinture représentant la tête et le buste d’Atala soutenus par le père Aubry est un détail du célèbre tableau du même peintre Atala au tombeau, présenté au Salon de 1808 et désormais conservé au musée du Louvre. Le visage d’Atala est calme, apaisé et baigné d'une lumière presque surnaturelle. Son buste est couvert d’un drap blanc laissant deviner son corps, tandis qu’à l’arrière-plan la croix rappelle sa religion chrétienne. L'œuvre illustre le combat entre l'amour terrestre et l’amour divin qui sous-tend toute l'intrigue du roman de Chateaubriand et qui se termine par le suicide d’Atala.

 
Eugène Delacroix (1798-1863). Desdémone maudite par son père, 1852 (?). Huile sur toile, 59 x 49 cm. Musée des Beaux-Arts de Reims, France. © Reims 2021, Musée des Beaux-Arts / Photo : Christian Devleeschauwer.

Dans le drame shakespearien Othello, Desdémone s'oppose à son père par amour pour Othello. Delacroix, considéré dans la presse de l’époque comme «le fils le plus légitime de Shakespeare », illustre cette scène de sa touche vibrante. L’œuvre est recentrée sur les personnages et traversée de deux lignes contraires formant un triangle qui rend la composition dynamique. Le père, debout et tout puissant dans son vêtement rouge, repousse sa fille. Desdémone, à genoux devant lui, porte une robe sombre qui laisse présager son destin funeste.

 
Jules Robert Auguste (1789-1850). Othello et Desdémone, 1ère moitié du XIXe siècle. Huile sur papier collé sur carton. Paris, musée du Louvre.

Grand voyageur, Auguste compte parmi les premiers peintres orientalistes. Cette œuvre inspirée de la pièce Othello de William Shakespeare porte la marque picturale de cet orientalisme, illustrée par le turban et les draperies des personnages, mais aussi par les dominantes vertes, rouges et orangées. Si la composition figure l’amour qui unit les deux amants, la violence est déjà sous-jacente. L’imposante carrure d’Othello occupe une grande partie de l’œuvre et domine la frêle Desdémone, tenue fermement par son amant.

 
Pierre-Jérôme Lordon (1780-1838). La Communion d’Atala, 1808. Huile sur toile. Paris, musée de la Vie romantique.

Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert est un court roman de François-René de Chateaubriand publié en 1801, dans lequel une jeune Indienne convertie au christianisme préfère mettre fin à ses jours en s'empoisonnant plutôt que de succomber à sa passion amoureuse. Ce récit connaît un écho retentissant et de nombreux artistes romantiques s’emparent du sujet de la mort d’Atala. Lordon représente ici l'instant où la jeune femme, quelques minutes avant de s’éteindre, reçoit la communion de l’ermite Aubry, pendant que Chactas, l’homme qu’elle aime, est dévasté par la douleur. Le peintre retranscrit l’intense émotion dramatique du texte dans cette scène de crépuscule lunaire.

 
Panneau didactique pour le jeune public
Scénographie
 
Rosalie Caron (1791-1860). Mathilde et Malek-Adhel au tombeau de Montmorency, 1814. Huile sur toile. Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou.

Rosalie Caron est une des représentantes de la peinture de style troubadour, appellation qui rassemble de petites scènes de genre anecdotiques et sentimentales souvent inspirées de sujets médiévaux. L’artiste illustre ici le roman de l’écrivaine Sophie Cottin Mathilde, ou Mémoires tirés de l'histoire des Croisades, dont l'intrigue repose sur un amour impossible. L’œuvre figure la rencontre secrète et interdite de Mathilde et de son amant Malek dans un décor gothique. L’héroïne est vêtue de blanc, symbole de sa pureté, tandis que Malek porte un costume oriental.

 
Eugène Delacroix (1798-1863). Portrait de George Sand en costume d’homme, 1834. Huile sur toile. Paris, musée national Eugène-Delacroix.

En 1834, François Buloz, éditeur de la Revue des deux mondes, commande à Delacroix un portrait de George Sand pour illustrer l'un des articles de celle-ci dans la revue littéraire. La romancière se rend chez le peintre alors qu'elle est dévastée par le chagrin à la suite de sa rupture avec le poète Alfred de Musset. Delacroix la montre souffrante, les cheveux courts et les traits creusés, habillée comme à son habitude en costume d'homme. Cette séance de pose scelle une amitié durable entre les deux artistes, qui échangeront toute leur vie.

 
Panneau didactique pour le jeune public
 
Eugène Delacroix (1798-1863). La Dernière scène de Lélia de George Sand, XIXe siècle. Pastel sur papier, 24 x 18 cm. Musée de la Vie romantique Paris, France. © Musée de la Vie romantique / Roger - Viollet.

Delacroix offre ce pastel à George Sand en 1852. Son sujet est tiré de l’une des dernières scènes du roman Lélia de celle-ci, paru en 1833. Il représente le moine Magnus découvrant Lélia devant le corps du jeune Sténio qui vient de se suicider, transi d'amour pour elle. Le peintre a fidèlement respecté le récit de l'écrivaine en donnant à la scène un effet dramatique. Le petit format du pastel, la grande taille des personnages par rapport au paysage et la composition en diagonale renforcent l'impression de désolation et de tristesse.

 
Marie-Victoire Jaquotot (1772-1855). Corinne au cap Misène (d’après François Gérard), 1825. Peinture sur porcelaine. Sèvres, manufacture et musées nationaux de Sèvres, dépôt du musée du Louvre.

Nommée peintre sur porcelaine du roi en 1822, Marie-Victoire Jaquotot se spécialise en copie d'œuvres anciennes et modernes. Elle s’inspire ici du tableau de François Gérard intitulé Corinne au cap Misène, en recentrant la composition sur son héroïne. La peinture sur porcelaine nécessite une grande maîtrise des techniques  de cuisson, qui changent la gamme chromatique de l’œuvre.

 
Charles de Steuben (1788-1856). La Liseuse, 1829. Huile sur toile, 61,3 x 50,8 cm. Musée d’arts de Nantes, France. © Musée d’arts de Nantes photo © RMN-Grand Palais / Gérard Blot.

Connu pour ses peintures d'histoire, Steuben propose avec cette scène de genre le portrait intimiste d’une femme en train de lire. Vêtu d’une robe de style Empire aux manches volumineuses et coiffé selon les codes bourgeois de l'époque, la tête appuyée contre son bras, le modèle est plongé dans les rêveries que lui inspire l'ouvrage posé sur ses genoux. Le peintre fait référence ici à l'essor du roman au XIXe siècle et au développement de la pratique de la lecture qui permettent aux lectrices l'identification aux héroïnes de fiction.

 
Léon Cogniet (1794-1880). Velléda dans la tempête (esquisse), vers 1830-1835. Huile sur toile, 46 x 38 cm. Orléans, Musée des Beaux-Arts d'Orléans © François Lauginie.

Chateaubriand fait de la prêtresse germanique Velléda l’héroïne de son épopée en prose Les Martyrs publiée en 1809. Dans cette esquisse très aboutie, Cogniet illustre fidèlement le moment où l'héroïne apparaît à Eudore, l'homme qu'elle aime. La tête ceinte d’une couronne de verveine, Velléda se détache de la tempête par la « blancheur de ses bras et de son teint, ses yeux bleus, ses lèvres de rose, ses longs cheveux [...] avec sa démarche fière et sauvage ». Les éléments déchaînés à l'arrière-plan de la composition forment un environnement surnaturel propice à l'apparition de l'héroïne.

 
Hippolyte Maindron (1801-1884). Velléda, vers 1838. Bronze. Département des Hauts-de-Seine / Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups - Maison de Chateaubriand.

Maindron expose au Salon de 1839 une Velléda en plâtre qui connaît un grand succès et dont ce petit bronze est une reproduction. Le sculpteur s’est inspiré du texte de Chateaubriand: « Sa taille était haute ; une tunique noire, courte et sans manches, servait à peine de voile à sa nudité. Elle portait une faucille d’or suspendue à une ceinture d’airain, et elle était couronnée d’une branche de chêne. » Adossée à un tronc d'arbre avec sa lyre dans le dos, Velléda est représentée en guerrière, dans une attitude songeuse soulignée par la main posée sous son menton.

Scénographie
 
George Sand (1804-1876). Indiana, 1855. Livre imprimé. Paris, bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Paru en 1832, Indiana est le premier roman qu’Aurore Dupin signe du pseudonyme George Sand. L'écrivaine développe une intrigue amoureuse avec pour toile de fond une critique sociale. Dans sa préface de l'édition de 1842, elle explique qu'elle a écrit Indiana «avec le sentiment non raisonné, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l’existence de la femme dans le mariage, dans la famille et dans la société».

 
François Jean-Moreau (1783-1832). Souvenirs du théâtre anglais à Paris, 1827. Livre imprimé. Paris, bibliothèque historique de la Ville de Paris.

En 1827, les représentations des pièces de William Shakespeare au Théâtre de l’Odéon à Paris rencontrent un succès critique retentissant. Hector Berlioz, Alexandre Dumas, Eugène Delacroix assistent aux spectacles. Les comédiens anglais et irlandais Charles Kemble, Miss Foote et Harriet Smithson sont applaudis pour leur interprétation. Cette édition illustrée publiée la même année est un recueil de souvenirs en hommage à ces représentations. Réalisées par Achille Devéria et Louis Boulanger, deux jeunes peintres romantiques, ces illustrations comptent parmi les premières images liées à l'œuvre de Shakespeare en France.

 
Claire de Duras, dite Madame de Duras (1777-1828). Ourika, 1823. Livre imprimé. Paris, bibliothèque Marguerite-Durand.

Ourika est la première grande héroïne noire de la littérature occidentale. En s'inspirant de faits réels, Claire de Duras raconte dans ce roman le destin d’une fillette enlevée à un bateau négrier et élevée dans une famille d’aristocrates. Au fil des pages, Ourika comprend que sa couleur de peau lui interdit le mariage et l’amour. Son chagrin la conduit au couvent, où elle meurt à l’âge de dix-huit ans. Cette héroïne littéraire a été très rarement représentée en peinture.

 
Sophie Cottin (1770-1807). Œuvres complètes de Madame Cottin. Livres imprimés. Département des Hauts-de-Seine / Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups - Maison de Chateaubriand.

Si elle est aujourd’hui tombée dans l’oubli, Sophie Cottin était une écrivaine très célèbre au début du XIXe siècle. Ses romans sentimentaux mettent en scène des intrigues amoureuses chargées de rebondissements et des héroïnes romantiques auxquelles toute une génération de lectrices s’identifie : Claire d'Albe, Malvina Amélie et Mathilde, toutes déchirées entre le devoir et la passion amoureuse. Ces romans inspirent de nombreuses œuvres et leurs personnages abondent dans l'imagerie populaire, des tissus d'ameublement aux images d'Épinal.



3 - HÉROÏNES EN SCÈNE

Scénographie

À une époque où le théâtre, le ballet et l’opéra attirent un public nombreux, la scène devient un espace de diffusion des héroïnes romantiques. Celles-ci sont incarnées par des interprètes adulées comme Mademoiselle Mars, Mademoiselle Rachel, Guiditta Pasta, Maria Malibran ou encore Marie Taglioni. Devenant de véritables icônes, ces femmes sont représentées par les artistes dans leurs rôles les plus fameux.

Au théâtre, la comédienne irlandaise Harriet Smithson contribue à la renommée des héroïnes shakespeariennes, tandis que Mademoiselle Rachel, célèbre pour ses rôles de tragédienne, notamment celui de Phèdre, joue aussi dans des drames romantiques, telle la pièce Cléopâtre de Delphine de Girardin. La figure de la Sylphide, inspirée de légendes celtes et germaniques, apparaît dans le monde de la danse. Élancée, jeune et d'une beauté gracieuse, elle symbolise sur scène l’idéal d’une femme immatérielle. Les danseuses Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi, vêtues de vaporeux tutus blancs et chaussées de pointes, diffusent une nouvelle manière de danser, caractéristique du ballet romantique.

Les opéras romantiques mettent en scène des héroïnes sacrifiées qui ne survivent presque jamais aux héros. C’est le cas de la célèbre Desdémone dans l’Otello de Gioachino Rossini, interprétée par les deux cantatrices Maria Malibran et Guiditta Pasta, et peinte par François Bouchot, Henri Decaisne et François Gérard. Véritable apothéose musicale et émotionnelle des opéras, la mort de l’héroïne témoigne de sentiments passionnés et désespérés propres au romantisme.

 
Texte du panneau didactique.
 
Auguste Clésinger (1814-1883). Rachel dans le rôle de Phèdre, vers 1850. Marbre. Paris, collection Patrice Benadon.

Rachel représente un modèle idéal pour évoquer la puissance de la passion à laquelle les romantiques donnent une place importante. Ses gestes, sa voix et sa transfiguration leur offrent une source fascinante d'inspiration. Phèdre qu'elle interprète pour la première fois en 1843 à l’âge de vingt-deux ans devient l’une de ses incarnations les plus admirées. De Dantan à Gérôme, de Dubuffe à Clésinger, bustes, tableaux, lithographies et photographies multiplient son image comme symbole de la tragédie classique. Ce buste réalisé par Clésinger et présenté au Salon de 1850 montre la tragédienne le visage soucieux comme habité par le drame.

 
Frédérique O'Connell  (1823-1885). Rachel dans le rôle de Phèdre, vers 1850. Huile sur bois. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Cette peintre prussienne a réalisé de nombreux portraits de la comédienne Rachel. L'actrice de la Comédie-Française est ici représentée dans son rôle le plus célèbre, celui de l'héroïne Phèdre dans la tragédie de Jean Racine. Vêtue d’un costume aux couleurs vives contrastant avec sa peau très pâle, une main repliée sur le cœur et le visage rongé par les tourments, Rachel incarne dans ce tableau une interprétation hors norme du personnage qui marque ses contemporains. Plus connue pour ses rôles de tragédienne, Rachel inspire pourtant fortement les romantiques, tels que Théophile Gautier ou Théodore Chassériau.

 
Louis-Pierre Henriquel-Dupont  (1797-1892). Madame Pasta dans le rôle d'Anna Bolena, 1832. Pierre noire, lavis et rehauts de gouache blanche sur papier, 23,5 x 30 cm. Musée de la Vie romantique, Paris, France © Musée de la Vie romantique.

Le célèbre graveur français représente dans ce dessin préparatoire à son aquatinte la chanteuse Giuditta Negri (1797-1865), devenue Giuditta Pasta après son mariage, qui fut l’une des plus grandes gloires du Théâtre-ltalien au XIXe siècle. Elle est ici figurée dans le fameux rôle d'Anna Bolena écrit pour elle dans l’opéra de Gaetano Donizetti en 1830. Deuxième épouse du roi Henri VIII d'Angleterre, Anne Boleyn fut reine consort de 1533 à 1536. Accusée d’adultère, d’inceste et de haute trahison, elle fut exécutée par décapitation. En incarnant cette héroïne romantique, la Pasta acquiert une notoriété sans précédent.

 
Panneau didactique pour le jeune public
 
Eugène Lejeune (1818-1894). Les Trois Grâces. Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi, 1844. Lithographie coloriée sur papier. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Cette célèbre planche montre les trois plus illustres ballerines de l’époque romantique réunies et portant les costumes de leurs rôles.
Marie Taglioni est représentée en Sylphide, Fanny Elssier dans la cachucha et Carlotta Grisi dans la tenue de Diane chasseresse et non
dans l'attendue Giselle.

Scénographie
 
Henri Decaisne (1799-1852). Maria Malibran dans le rôle de Desdémone, 1830. Huile sur toile, 138 x 105 cm. Musée Carnavalet. Paris © Musée Carnavalet, CCØ Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.

Sans doute la plus célèbre chanteuse de l’histoire de l’opéra, Maria Malibran, qui a appris le chant sous la conduite de son père, le célèbre ténor Manuel Garcia, débute à New York au cours d'une tournée organisée par ce dernier. Elle est remarquée pour son extraordinaire don dramatique ainsi que pour l'exceptionnelle amplitude de sa voix. Elle interprète souvent le rôle de Desdémone dans l’Otello de Rossini. Decaisne la représente ici au moment du coucher fatal de l'héroïne dans l'acte II. Elle a l'air pensif, les yeux brillants de larmes, comme perdue, tandis que le ciel menaçant au fond du tableau semble annoncer le drame à venir.

 
Panneau didactique pour le jeune public

 

Citation
 
François Gérard (1770-1837). Giuditta Pasta (1797-1865), chanteuse, rôle de Desdémone dans Otello de Rossini, vers 1825. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris.

Après des débuts à Milan en 1815, la chanteuse Giuditta Pasta s'impose sur toutes les scènes italiennes avant de triompher à Paris ou à Londres. Elle se distingue d’abord dans les premiers rôles de la plus belle époque de Rossini en interprétant le rôle de Desdémone en 1821 au Théâtre-Italien. S’imposant rapidement par son jeu dramatique, elle est adulée par le public et par les mélomanes, et devient l'une des premières divas dont George Sand s’est inspirée pour son roman Consuelo (1854).

 
François Bouchot (1800-1842). Portrait de la Malibran dans le rôle de Desdémone dans Otello de Rossini, 1831. Huile sur toile. Paris, musée de la Vie romantique, dépôt du musée du Louvre.

Bouchot exécute ce portrait de la célèbre chanteuse lyrique Maria Malibran alors qu’elle n’a que vingt-trois ans. Elle est représentée dans un de ses plus grands rôles, celui de Desdémone dans l’opéra Otello de Gioachino Rossini, librement inspiré de la pièce du même nom de William Shakespeare. Le peintre la montre les cheveux défaits et la chemise à demi ouverte, saisissant l’instant d’avant le drame, son étranglement par son époux Othello.

Scénographie
 
Rupp (éditeur). Giselle, 1849. Lithographie sur papier. Paris, bibliothèque nationale de France.

La lithographie est un moyen de reproduction très apprécié au XIXe siècle, particulièrement utilisé pour diffuser les images du théâtre, de l'opéra et du ballet. Ici, Giselle danse pour Albrecht, tous deux étant encadrés par deux Willis, des fantômes dansants. Cette scène illustre sans doute la fin du récit, lorsque les Willis, désireuses de venger Giselle, font danser Albrecht jusqu’à l'aube. La tombe de Giselle est, en effet, visible au premier plan. Le décor champêtre évoque l'attachement des artistes romantiques à la nature, parfois vue comme un reflet de l'âme, de même que les Willis, figures centrales dans histoire de Giselle, sont à l'image de leur goût pour le monde surnaturel et les créatures légendaires.

 
Panneau didactique pour le jeune public
 
Éléonore Godefroid (1778-1849). Mademoiselle Mars (1779-1847), 1830. Pierre noire et gouache sur papier, 57 x 41,3 cm. Musée Carnavalet, Paris © Musée Carnavalet, CCØ Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.

Mademoiselle Mars est une actrice de la Comédie-Française qui joue des pièces d'un nouveau genre, les drames romantiques. Elle interprète notamment le rôle de Desdémone au théâtre, dans la pièce Othello d’Alfred de Vigny d’après William Shakespeare. Ce dessin représente l’actrice en buste de trois-quarts droit, parée de bijoux et en costume moscovite. Il est très proche d’un tableau de François Gérard, dont la peintre portraitiste était la collaboratrice.

 
Achille Devéria (1800-1857). Fanny Elssler dansant la cachuta dans Le Diable boiteux, entre 1831 et 1839. Lithographie coloriée sur papier, 55 x 35,7 cm. Cattier, imprimeur - lithographe, Goupil & Vibert, éditeur. Musée Carnavalet, Paris. CCØ Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.

D’abord danseuse étoile à Vienne et à Londres, Fanny Elssler est engagée à l'Opéra de Paris en 1834. Son interprétation de la cachucha dans un nouveau ballet, Le Diable boiteux, en 1836, est une révélation. De même que Marie Taglioni incarne parfaitement la Sylphide, Fanny Elssler devient la cachucha personnifiée.

 
Jean Auguste Barre (1811-1896). La Bayadère Amany, 1838. Bronze. Paris, musée de la Vie romantique.
 
Francis-Antoine Conscience, dit Francis (1795-1840). Kemble et Miss Smithson dans Roméo et Juliette, 1827. Lithographie sur papier. Paris, bibliothèque nationale de France.

Charles Kemble et Harriet Smithson éblouissent les spectateurs parisiens dans les représentations de Roméo et Juliette données en 1827 à Paris. Eugène Delacroix écrit à ce propos: « Les anglais ont ouvert leur théâtre. Ils font des prodiges puisqu'ils peuplent la salle de l'Odéon à en faire trembler tous les pavés du quartier sous les roues des équipages. » Dans cette lithographie, les deux acteurs sont représentés à l’instant le plus tragique de la pièce : Juliette, ne touchant plus le sol, a l'apparence d’une morte, tandis que Roméo, dont le visage est empli d'effroi, la tient dans ses bras.

Scénographie
 
Eugène Lami (1800-1890) (dessinateur). Michel Fresnay (1931-2016) (créateur). Costume d’après les dessins d’Eugène Lami, porté par Ghislaine Thesmar dans le rôle-titre de La Sylphide, ballet en 2 actes d’après Filippo Taglioni, repris et chorégraphié par Pierre Lacotte. Musique de Jean Schneitzhoeffer, 1972. Tulle, soie, taffetas, plumes de paon. Moulins, centre national du costume de scène. Don de Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar.

Ce costume est créé par Michel Fresnay d’après des dessins d’Eugène Lami pour Ghislaine Thesmar qui interprète le rôle-titre de La Sylphide en 1972. Pierre Lacotte mène de longues recherches pour réintégrer ce ballet au répertoire de l'Opéra de Paris. Il souhaite être fidèle à la mise en scène originelle de 1832, en reprenant les décors et le placement du corps de ballet. Le costume de la sylphide reprend également celui de 1832: le tutu romantique, garni de fleurs artificielles roses et de perles ivoire. Les ailes, élément caractéristique de la sylphide sont en plumes de paon. Les matières et les couleurs employées permettent de retrouver l'essence du personnage: une figure éthérée, symbole de beauté et de légèreté.

 
Gabriel Lépaulle (1804-1886). Marie Taglioni et son frère Paul dans le ballet La Sylphide, 1834. Huile sur toile. Paris, musée des Arts décoratifs.

Marie Taglioni est l’une des personnalités incontournables du ballet romantique. Arrivée à Paris en 1827, elle est promue première danseuse à l'Opéra en 1831. C’est dans le rôle-titre de La Sylphide qu’elle triomphe. Ce ballet est créé pour elle par son père, Filippo Taglioni, sur un livret d’Adolphe Nourrit et une musique de Jean Schneitzhoeffer. Paul, le frère cadet de Marie, lui aussi danseur et chorégraphe, demeure son partenaire de danse jusqu’en 1829. Dans ce tableau, Marie est identifiable aux ailes de la Sylphide, tandis que Paul est vêtu du traditionnel tartan écossais. Bien que cette œuvre le laisse penser, Paul n'interpréta jamais le rôle de James.

Extraits de films mettant en scène des héroïnes romantiques : Madame Bovary; La Sylphide; Violetta (La Traviata) ; Jeanne d'Arc ; Mary Stuart ; Lady Macbeth.


 
Vidéo
 
 
Manufacture Darte. Vase au portrait d'Henriette Sontag, vers 1828. Porcelaine polychrome. Paris, musée de la Vie romantique.

Henriette Sontag (1806-1854) est une cantatrice franco-allemande dont la voix et la technique sont unanimement reconnues par les critiques de l’époque, qui se montrent moins élogieux pour son interprétation. Elle renonce à la scène à l'âge de vingt-cinq ans, avant d’y revenir en 1844 pour des tournées internationales. Son portrait est choisi pour orner un vase de la manufacture Darte aux côtés d’autres icônes féminines de l'époque, dont la comédienne Harriet Smithson ou la chanteuse Maria Malibran.

 
Manufacture Darte. Vase au portrait d’Harriet Smithson, vers 1828. Porcelaine polychrome. Paris, musée de la Vie romantique.

L'actrice irlandaise Harriet Smithson connaît une renommée éclatante en France grâce à son interprétation des héroïnes shakespeariennes Juliette et Ophélie. Son jeu réaliste, qui en fait la muse tragique du théâtre de William Shakespeare, rencontre un écho immense auprès des artistes romantiques, des peintres aux musiciens. Elle inspire notamment au compositeur Hector Berlioz, qui deviendra son époux, sa Symphonie fantastique, ou encore la ballade La Mort d'Ophélie. Comptant parmi les plus talentueux porcelainiers parisiens sous la Restauration, la famille Darte contribue à la diffusion dans les arts décoratifs des portraits des icônes contemporaines.