HAMMERSHØI
Le maître de la peinture danoise

Article publié dans la Lettre n°479 du 15 mai 2019



 
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HAMMERSHØI, le maître de la peinture danoise. Lors de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, il n’y eut aucun acquéreur pour les onze toiles présentées par Vilhelm Hammershøi (1864-1916) alors que l’État français achetait Intérieur, un tableau peint par son jeune frère Ilsted Hammershøi. Aujourd’hui c’est l’inverse qui se serait produit tant l’esthétique plus radicale de Vilhelm s’impose à nos regards. La présente exposition, la première depuis la grande rétrospective du musée d’Orsay en 1997 (Lettre 139), nous permet d’apprécier, avec une quarantaine d’œuvres provenant essentiellement des institutions scandinaves, l’univers poétique et mystérieux de l’artiste.
Dès son plus jeune âge, Hammershøi, encouragé par sa mère qui conservera toutes les coupures de journaux le concernant, montre de grandes dispositions artistiques. Il a une double formation, celle de l’Académie des Beaux-Arts de Copenhague, plutôt conservatrice, et celle des nouveaux Ateliers indépendants, créés en 1882, qui trouve sa pleine expression dans les portraits, sujet de la première section. À côté d’autoportraits, il peint essentiellement des membres de son entourage, sa fiancée Ilda, sa mère, ses amis. Les personnages, peints dans des tons gris, sur des fonds neutres, semblent absents. Ils n’expriment rien. C’est frappant dans les deux toiles monumentales exposées ici, Trois jeunes femmes (1895) et Cinq Portraits (1901-1902) où chacun semble occupé à on ne sait quoi, sans regarder les autres.
Dans la section suivante, à côté d’autres portraits, nous voyons les premiers Intérieurs qui firent la célébrité d’Hammershøi et des autres peintres danois, tant ce sujet était en vogue. Outre ses propres toiles, on a aussi Mère et enfant (1892) et Intérieur (1896) de Peter Ilsted, son beau-frère, et  La Femme de l’artiste dressant la table (1884-1888) de Carl Holsøe, son ami. Il y a plus de couleurs dans ces trois tableaux et les intérieurs sont plus meublés et décorés que ceux d’Hammershøi. En effet, celui-ci a surtout peint l’intérieur de ses appartements successifs et, en comparant avec des photographies de ceux-ci, on s’est aperçu que l’artiste réarrangeait les meubles, les bibelots, les tableaux, dépouillant volontairement ses intérieurs de tout détail superflu, peignant ce qu'il voulait voir plutôt que ce qu'il voyait.
Hammershøi s’est également intéressé au paysage, le dépouillant lui-aussi jusqu’à l’abstraction, à part dans ce tableau peint quand il avait seize ans, Paysage avec une rangée d’arbres (1880), tout à fait dans le style des peintres danois de la première moitié du XIXe siècle. Ce dépouillement se retrouve aussi dans ses paysages citadins où les arbres sont squelettiques, les rues désertes, les édifices réduits à l’essentiel comme dans l’Église Saint-Pierre de Copenhague (1906), où il met l’accent sur le clocher.
Il s’est aussi exercé à l’art du nu féminin. Ce sont des peintures très rares. Il n’y en avait aucune à l’exposition du musée d’Orsay. Ici nous en avons cinq, dont Trois Études de nu féminin (1909-1910), avec des esquisses pour deux toiles, dont le monumental Nu féminin (1910), exposé ici. Fidèle à lui-même Hammershøi peint les personnages dans des tons gris très froids, sur des fonds neutres, également gris. Ses modèles, pourtant vivants, n’expriment rien.
Les deux dernières sections présentent un ensemble d’Intérieurs magistraux où Hammershøi se livre à des jeux de lumière subtiles, provenant par exemple d’une porte ouverte, de la nappe sur une table ou d’une fenêtre dont on ne voit que l’ombre projetée. Lorsqu’il y a des personnages, ceux-ci sont la plupart du temps de dos (Intérieur avec une femme debout, n.d. ; Hvile dit aussi Repos, 1905) et, s’ils sont plus ou moins tournés vers le spectateur, regardent ailleurs (Intérieur avec une femme arrangeant des fleurs, 1900 ; Cour, Strandgade 30, 1905). À la suite de ces « Silhouettes du quotidien et atmosphères étranges » comme les commissaires ont nommé cette septième section, vient « Poésie du vide et de la lumière » avec des toiles sans personnages, peu meublées mais où Hammershøi se livre là-aussi à de subtiles compositions avec les infimes variations de la lumière provenant de l’extérieur. Une très belle exposition, avec une scénographie bien adaptée à cet artiste, permettant de voir ou revoir les toiles d’un peintre peu présent dans les collections françaises. R.P. Musée Jacquemart-André 8e. Jusqu’au 22 juillet 2019. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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