GIORGIO DE CHIRICO. La peinture métaphysique. Si le fonds du musée de l’Orangerie est constitué par la collection de Paul Guillaume, le marchand d’art de Giorgio de Chirico (1888-1978), en revanche, aucun tableau de ce dernier n’y figure, la veuve de Paul Guillaume les ayant tous vendus. La présente exposition comble un temps cette absence en s’intéressant tout particulièrement aux œuvres réalisées par Chirico à Paris entre 1911 et 1915 et à celles qu’il fit avant et après ce séjour, à Munich et à Ferrare.
C’est durant cette période qui va de 1909 à 1918 que Chirico « invente » la peinture métaphysique, un qualificatif donné par le poète Guillaume Apollinaire, qui le présente, ainsi que son frère, le peintre, écrivain et compositeur Alberto Savinio, à Paul Guillaume et à des artistes tels Picasso, Matisse, Brancusi, Magnelli, Archipenko, Modigliani. Il est certes impressionné par ceux-ci, mais c’est la découverte du polonais Nietzsche dont il lit les écrits dès 1908 et du poète Rimbaud, qui forge son style comme il le confirme en 1919. Il crée un art fondé non pas sur l’apparence des objets, mais sur les significations potentielles et les associations d’idées que ces objets peuvent susciter. Giorgio de Chirico est né en Grèce en 1888, à Vólos, capitale de la Thessalie dans une famille ottomane cosmopolite de nationalité italienne. En effet son aïeul avait servi la Maison de Savoie et avait gagné cette nationalité. Il reçoit une éducation très complète, en particulier en langues étrangères, et s’inscrit à l’École polytechnique d’Athènes pour suivre les traces de son père, ingénieur dans les chemins de fer, tout en satisfaisant sa passion pour le dessin et la peinture. Son père décède en 1905. C’est sans doute en souvenir de ce dernier que Chirico introduit des trains dans certains de ses tableaux, trains qui évoquent aussi le départ ou le voyage. Sa mère décide alors de s’installer à Zurich pour favoriser la vocation artistique d’Alberto, musicien prodige. Giorgio, quant à lui, s’inscrit à l’Académie des beaux-arts qu’il quitte en 1908, sans diplôme. Le parcours est divisé en trois sections. La première « Munich. La proto-métaphysique » nous montre trois tableaux de cette époque (1906-1909) qui en compte très peu. Ceux-ci sont fortement inspirés des maîtres qu’il s’est choisis, Arnold Böcklin et Max Klinger. Avec « Paris. La métaphysique », nous entrons dans une section très riche où le peintre assemble dans ses tableaux des sculptures grecques, des arcades comme il en a vu à Turin, des trains, des effets d’ombre et de lumière, et toutes sortes d’objets hétéroclites à côté de bananes ou d’artichauts. Il donne à ses toiles des titres énigmatiques : Mélancolie d’un après-midi ; L’incertitude du poète ; La conquête du philosophe, etc. alors qu’aucun être humain n’est représenté dans ces tableaux. La troisième et dernière section « Ferrare. La grande folie du monde » est consacrée à cette période de 1915 à 1920 durant laquelle Giorgio de Chirico et son frère répondent à l’ordre de mobilisation générale décrétée par le gouvernement italien et rejoignent Ferrare. Déclarés inaptes aux efforts de guerre par les médecins, ils reprennent leurs travaux artistiques et restent en contact avec le milieu culturel parisien. D’avril à août 1917, Chirico est admis dans un hôpital militaire pour maladies nerveuses où il retrouve le peintre Carlo Carrà. Les toiles de cette période sont très différentes des précédentes tout en étant aussi déconcertantes. Fini les places et les grands espaces. On y voit des intérieurs resserrés, voire de « simples » accumulations d’objets, où se détachent des morceaux de cadres, des équerres, des tableaux à l’intérieur du tableau, des gâteaux, et bien d’autres objets souvent inidentifiables. Les titres sont toujours aussi énigmatiques : La Nostalgie de l’ingénieur ; La Révélation du solitaire ; Le rêve de Tobias, etc. En vis-à-vis de ces tableaux, nous avons des toiles de Carlo Carrà, Alberto Magnelli, Archipenko et surtout Giorgio Morandi, des artistes eux aussi inspirés par la métaphysique. Une photographie de Man Ray, André Breton devant un tableau de Giorgio de Chirico (1922), clôt cette brillante exposition. R.P. Musée de l’Orangerie 1er. Jusqu’au 14 décembre 2020. Lien : www.musee-orangerie.fr. Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici
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