GAUDI

Article publié dans la Lettre n°548 du 25 mai 2022



 
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GAUDI. Les expositions sur des architectes sont souvent frustrantes car on ne voit que des dessins, photographies ou maquettes de leurs œuvres. Dans le cas d’Antoni Gaudi (1852-1926) c’est différent car il ne se contenta pas de construire des « casas » ou des églises mais également de les meubler. La présence de ce mobilier en tout genre tout au long du parcours rend celui-ci aussi agréable qu’instructif.
Dès l’entrée, on est confronté à un grand ensemble de boiseries pour le vestibule d'un appartement de la Casa Milà (1906-1910), dans le plus pur style de l’art nouveau. Après cette introduction, le parcours nous montre tout d’abord « Gaudi à l’œuvre » avec des vidéos, des moulages, des livres d’architectures, des dessins et des photographies. Dans une vaste salle les commissaires évoquent l’atelier et la bibliothèque de Gaudi et, plus loin, sa formation à l'École provinciale d'architecture de Barcelone et ses premiers projets. On raconte qu’au moment de la remise du diplôme, le directeur se serait écrié : « C'est un génie, ou un fou ! ». De conditions modestes, issu d’une famille de chaudronniers de Reus, la seconde ville de Catalogne, dont il se revendiquera pour son approche pratique de l’architecture, Gaudi cesse toute relation avec son école et se met au service de différents architectes. Il travaille ainsi avec Joan Martorell pour la restauration de la façade de la cathédrale de Barcelone. Cette rencontre est fondamentale pour la carrière de Gaudi car Martorell est l’architecte qui connaît le mieux les innovations à l’étranger et le plus brillant de Barcelone. C’est également lui qui mettra son jeune confrère en relation avec le marquis de Comillas et Eusebi Güell, qui deviendront ses principaux clients.
Justement, la section suivante, « Barcelone », nous rappelle le contexte historique. La ville s’est enrichie grâce au commerce colonial et aux nouvelles industries comme le textile. Un projet urbanistique prévoit la construction de grandes demeures le long de larges avenues comme le Passeig de Gràcia. Ce projet oublie la population plus modeste, anarchiste et anticléricale, qui recherche une identité mettant en avant la langue et les traditions catalanes. Cela aboutit à des attentats à la bombe et aux émeutes de la Semaine tragique durant l'été 1909, dont Gaudi sort ébranlé.
Néanmoins, durant cette période, les projets fleurissent. Gaudi noue des liens étroits avec Eusebi Güell (1846-1918), industriel du textile, bourgeois-aristocrate, littéraire et mélomane, dandy de la Catalogne identitaire. Pour lui il aménage les abords d’une propriété agricole, la Finca Güell, commence la construction d’une église à Santa Coloma de Cervelló pour la Colonia Güell, une usine textile avec une commune autosuffisante pour les ouvriers et leurs familles, et surtout le Palais Güell.
Cette demeure, construite sur un petit terrain carré, se développe autour d’un volume central vertical s'élevant à plus de quinze mètres, sous une coupole ajourée. Si l’extérieur est modeste, l’intérieur est luxueux grâce à l’emploi de riches matériaux, alliés à des solutions et des détails d’une très grande nouveauté. À côté de photographies d’époque, une méridienne, des fauteuils, une coiffeuse, un paravent et d’autres meubles, donnent une idée du luxe de cette demeure qu’il faut absolument visiter si l’on voyage à Barcelone.
Après une évocation du Park Güell, un projet destiné aux propriétaires aisés aspirant à un lieu de vie dans la nature, à la manière anglaise, dont on voit encore sur place le double escalier, la colonnade, l’esplanade et la fontaine, pour ne citer que les principales réalisations, nous arrivons aux autres hôtels urbains catalans construits par Gaudi.
On commence avec la Casa Vicens dont on découvre, entre autres, la fameuse grille, une jardinière et des carreaux pour la façade. Vient ensuite la Casa Calvet avec un ensemble de sièges en tous genres. Puis la Casa Batlló avec, en particulier, une vitrine, une porte, des sièges, une étonnante jardinière et même un crucifix. Et enfin la Casa Milà, évoquée par une paroi modulable, une grille, un élément de parquet, des miroirs, etc. Gaudi réalisa d’autres demeures comme la villa El Capricho à Comillas.
Fervent catholique, comme Güell, Gaudi participa à de nombreux projets dans des édifices religieux comme le palais épiscopal d’Astorga, le collège des Thérésiennes à Barcelone ou les Missions Franciscaines à Tanger (non abouti). Dès ses débuts il a en tête la construction d’une «Grande Église» mais doit se contenter de réaliser du mobilier ecclésiastique conforme à la réforme de la liturgie. Nous en voyons quelques exemplaires très originaux, tout comme un vitrail pour la Cathédrale de Majorque.
Vient ensuite une évocation de l'église de la Colonia Güell dont il ne termina que la crypte et enfin une section consacrée à son chef-d’œuvre, la Sagrada Familia (1883-1926). Pour réaliser cette cathédrale des pauvres qui se dresse telle une montagne au milieu d’une ville encore vide, Gaudi refuse toute nouvelle commande à partir de 1910, installe son atelier au milieu du chantier et y transfère même sa demeure dans les derniers mois, avant de mourir après avoir été renversé par un tramway. Un candélabre, des maquettes de baie, des dessins et un tableau de Joaquim Mir (1873-1940), La Catedral dels pobres [La Cathédrale des pauvres] (vers 1898), évoquent ce chantier toujours en cours, près d’un siècle après la mort de son concepteur. Nul doute que cette exposition, bénéficiant d’une magnifique scénographie, donnera envie à ceux qui ne les ont pas encore vus, d’aller à Barcelone et dans ses environs pour voir, « en vrai », les édifices mentionnés, dont sept sont classés au Patrimoine mondial de l’Humanité. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 17 juillet 2022. Lien : www.musee-orsay.fr.


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