GABRIELLE CHANEL. Manifeste de mode. Cette sorte de rétrospective consacrée à Gabrielle Chanel est la première exposition du Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, depuis son agrandissement. En effet le sous-sol en rez-de-jardin a été entièrement aménagé pour accueillir des expositions ou des collections permanentes, doublant ainsi la surface dédiée aux expositions, la portant à 1500 m2. Ces travaux ayant bénéficié du mécénat de la Maison Chanel, le Palais Galliera a donné le nom de Gabrielle Chanel aux nouvelles galeries voûtées ainsi créées.
L’exposition ne s’intéresse pas à la vie de Gabrielle Chanel mais presque uniquement à son œuvre, avec quelque trois cent-cinquante objets provenant du musée, de la Maison Chanel, de diverses institutions internationales et de collectionneurs. Néanmoins, au détour d’un cartel ou du tableau de repères chronologiques, on a quelques informations personnelles. Par exemple ce sont des officiers qui la surnomment « Coco », lorsqu’elle a vingt-quatre ans, parce qu'elle a pour habitude de chanter Qui qu'a vu Coco dans l'Trocadéro ? On évoque à peine son arrestation au Ritz en 1944 par les Forces françaises de l’intérieur alors que l’on sait aujourd’hui qu’elle était profondément antisémite (elle tenta même de s’approprier les 90 % de la marque de parfum N°5 que détenait une famille juive, les Wertheimer, aujourd’hui propriétaire de Chanel) et qu'elle fut recrutée comme espionne de l’Abwehr, devenant l'agent F-7124 sous le nom de code « Westminster ». En début de parcours on voit sa célèbre marinière, qui exprime l’essentiel de son « manifeste de mode ». En 1907 ou 1908, sur un champ de course dans le midi, elle se distingue des autres femmes par sa tenue de dandy, un manteau et une cravate d’homme associés à un petit canotier soigné de sa confection. Elle recherche déjà le confort et l’aisance procurés aux hommes par leurs vêtements alors que la mode de l’époque bridait les femmes dans leurs mouvements et les obligeait à se faire aider pour s’habiller. Ce n’est qu’en 1906 que Paul Poiret supprima le corset. Gabrielle Chanel commence ses activités de modistes en 1909 à Paris et ouvre en 1910 sa première boutique au 21 rue Cambon, à Paris. Suivront une deuxième boutique à Deauville en 1913 et une troisième à Biarritz en 1915. C’est la guerre, l'étoffe manquant, Chanel taille des robes de sport à partir des maillots de garçons-d'écurie en jersey, une matière pauvre qui va bien avec cette « silhouette neuve » qui lui vaudra sa réputation. En 1926 qu’elle crée la célèbre petite robe noire, une couleur jusqu’alors exclusivement réservée au deuil. Le magazine Vogue la qualifiera de « Ford signée Chanel » faisant référence à la populaire voiture américaine. Elle s’oppose ainsi résolument à la sophistication prônée par Paul Poiret, qui accusait Chanel de transformer les femmes en « petites télégraphistes sous-alimentées ». Des dizaines de robes pour la journée ou le soir, d’ensembles, de manteaux, de tailleurs, conçus entre les deux guerres, illustrent ses créations. Toutes sont très chic, d’une très grande simplicité dans les formes mais très élégantes dans le choix des matières et des motifs, lorsqu’elles en sont ornées. En contrepartie de ce « luxe austère », Chanel crée des bijoux fantaisie extravagants en s’associant à des paruriers dont la spécificité et le savoir-faire répondent à sa conception du bijou, alliant liberté d’expression et remise en question. Pour elle « le bijou n’est pas fait pour procurer l’envie… Il doit rester un ornement et un amusement. » Les dizaines de bijoux exposés, inspirés de bijoux anciens ou lointains, illustrent bien ce principe. Néanmoins, en 1932, elle crée « Bijoux de Diamants », une collection de haute joaillerie uniquement composée de diamants montés sur platine. Les joailliers historiques de la place Vendôme s'insurgent, reprochant à une « couturière de son état » de s'improviser joaillière. Aujourd’hui ne restent qu’une broche « Comète », exposée ici, et une « plume ». Une autre petite galerie est consacrée à N°5, ce parfum emblématique, le plus vendu dans le monde, créé en 1921 avec le parfumeur Ernest Beaux. A la complexité de sa composition - pas moins de quatre-vingts composants pour son assemblage - s’oppose la simplicité de son flacon et de son étui, comme le sont les vêtements de Coco. A la libération Chanel ne rouvre pas sa maison. Dès le début de la guerre elle avait licencié ses 4000 ouvrières, prenant ainsi sa revanche sur ces femmes qui avaient fait grève en 1936. Pourtant, à la surprise générale, peut-être en réaction à la mode lancée par Christian Dior avec ses balconnets et ses formes bouffantes, elle accepte, en 1954, de relancer sa maison. Elle a alors 71 ans. Le parcours de l’exposition explore en détail ces années-là. Toute une section est consacrée au fameux tailleur Chanel, popularisé par le magazine Elle qui en livre des patrons à ses lectrices. On y voit aussi ses chaussures bicolores et son sac matelassé à chaîne doré, le 2.55. Ce nouveau style Chanel deviendra un classique, souvent copié. Néanmoins, Gabrielle Chanel ne s’arrête pas là. Elle crée aussi de nombreuses robes, pour les cocktails ou pour le soir, privilégiant les tissus légers et les couleurs noires, blanc cassé ou rouges. « Rouge parce que c'est la couleur du sang et nous en avons tant à l’intérieur de nous qu’il faut bien en montrer un peu au-dehors », disait-elle. Une exposition flamboyante. R.P. Palais Galliera 16e. Jusqu’au 14 mars 2021. Lien : www.palaisgalliera.paris.fr Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici
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