GABRIELE MÜNTER. Peindre sans détours. Après Sonia Delaunay (Lettre 377) et Anna-Eva Bergman (Lettre 573), le Musée d’Art moderne de Paris présente une nouvelle exposition consacrée à une femme avec cette première rétrospective, en France, de l’artiste allemande Gabriele Münter (1877-1962).
Après une formation dans une école d’art privée de Düsseldorf, elle rejoint en 1898, avec sa sœur aînée Emmy, des membres de sa famille aux États-Unis. Là, elle se familiarise avec la technique de la photographie, encore à ses débuts. Le parcours de l’exposition, chronologique, commence ainsi avec quelques-uns des 400 clichés qu’elle prit aux États-Unis. Les thèmes sont variés: paysage, enfance, travail, portrait, et annoncent ceux de son œuvre future.
En 1901, elle s’installe à Munich et se forme dans différentes écoles dont la Phalanx, fondée par Kandinsky (1866-1944). Avec ce dernier, qui devient son compagnon jusqu’en 1914, elle voyage au Pays-Bas, en Tunisie, en Italie, en Suisse, à Paris et à Berlin. Les commissaires nous présentent des photographies prises en Tunisie et quelques toiles peintes dans ce pays.
En 1906, le couple s’installe à Paris, puis à Sèvres. Paris est alors le creuset de l’art moderne. Les artistes du monde entier s’y pressent. Münter fréquente l'Académie de la Grande-Chaumière, à Montparnasse et visite des expositions et des collections privées, en particulier celle des Stein, mécènes de Matisse, qui habitent le même immeuble qu’elle. Elle se familiarise avec la linogravure. Nous avons de nombreuses gravures faites avec cette technique qui lui permet de varier les couleurs, ainsi que diverses toiles peintes à cette époque. Münter expose pour la première fois six peintures au Salon des Indépendants, puis six gravures de sujets parisiens au Salon d'automne.
En 1908 elle se fixe à Munich. Cette année-là, elle découvre Murnau, un village situé dans les Préalpes bavaroises où elle achète une maison l’année suivante, tant l’endroit lui plaît. Commence alors sa période expressionniste avec des portraits aux couleurs criardes comme celles des peintres «fauves» français, et des objets ou des paysages aux couleurs vives, soulignées par des contours noirs. Elle est alors membre fondatrice de la Nouvelle Association des artistes de Munich et, en 1911, du Cavalier Bleu, aux côtés de Kandinsky, Franz Marc, August Macke et Paul Klee, entre autres. Elle participe à la réalisation du fameux Almanach (voir Lettre 475). Cette section est abondamment illustrée avec des œuvres de toutes sortes, sur toile ou sur carton.
Vient ensuite «retour aux sources», une section consacrée aux dessins d’enfants et à l'art vernaculaire. Les artistes du Cavalier Bleu y trouvaient un moyen de ressourcer l'art moderne. Nous voyons des objets d’art populaire collectionnés par Münter et Kandinsky ainsi que des dessins d’enfants dont l’un d’entre eux, une maison, est réinterprété par Münter.
Pendant la Première Guerre mondiale, Münter s’exile en Scandinavie où, grâce à ses relations, elle intègre rapidement la société artistique scandinave. En 1918, elle bénéficie d’une importante exposition personnelle à Copenhague avec plus de 130 œuvres.
Elle revient en 1920 en Allemagne. Commence pour elle une nouvelle période. N’ayant pas d’atelier fixe elle dessine beaucoup, avec une économie de moyens qui donne à ses dessins une force d’expression saisissante. Avec l’arrivée du nazisme, elle se fait discrète. Il faut faire oublier la période du Cavalier Bleu et ses peintures expressionnistes. En 1938, après la promulgation de la loi sur la «confiscation des produits de l’art dégénéré», elle cache dans sa cave à Murnau ses propres peintures et celles de Kandinsky et d’autres artistes du Cavalier Bleu en sa possession.
La carrière de Münter ne s’arrête pas là. Elle se poursuit jusque dans les années 1950 où elle participe à la 25e Biennale de Venise et à la première « documenta » de Cassel. En revanche, sur les quelque 150 œuvres exposées, nous n’en voyons qu’une de cette période, Nature morte devant «La maison jaune» (1953). Une exposition remarquablement présentée, avec des œuvres souvent originales et plaisantes nous permettant d’apprécier cette artiste peu représentée en France. R.P. Musée d’Art moderne de Paris 16e. Jusqu’au 24 août 2025. Lien: www.mam.paris.fr.