ANNA-EVA BERGMAN
Voyage vers l'intérieur

Article publié dans la Lettre n°573 du 28 juin 2023



 
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ANNA-EVA BERGMAN. Voyage vers l’intérieur. Après la rétrospective consacrée à Hans Hartung, son époux, le Musée d’Art Moderne de Paris présente la première grande rétrospective de l’œuvre d’Anna-Eva Bergman (1909-1987), artiste norvégienne libre et visionnaire, figure-clé de la peinture de l’après-guerre, dont l’œuvre est largement méconnue aujourd’hui. Elle est à rapprocher d’autres grandes artistes femmes comme Hilma af Klint, Georgia O’Keeffe (Lettre n°533) ou encore Sonia Delaunay (Lettre n°377), ses contemporaines, toutes éclipsées par leur conjoint.
Avec quelques 300 œuvres et documents de toute sorte, cette exposition nous apporte un éclairage complet sur cette artiste qui a su inventer un langage pictural très particulier. Le parcours, chronologique, en six grandes sections, commence par « Une jeunesse européenne ». Très tôt, en Norvège, Bergman développe une grande faculté d’observation et un esprit critique acerbe. Elle fait des études artistiques à Oslo, Vienne et Paris où elle rencontre Hans Hartung, un jeune peintre abstrait inconnu, qu’elle épouse en 1929, à Dresde, en Allemagne. Le couple voyage beaucoup. Installation en 1933-1934 sur l’île de Minorque, aux Baléares, voyage en Espagne et surtout en Italie (1937-1938) où Bergman est bouleversée par les villages de Ligurie, les mosaïques byzantines et l’art de la Renaissance. Si, à cette époque, elle signe des articles et des dessins pour la presse pour faire vivre le ménage, il ne faut cependant pas la réduire au statut d’illustratrice, comme en témoignent les nombreux dessins de cette période tels Les immigrés allemands, 1932 ; Futur national-socialiste (vers 1933) ; El generalissimo (vers 1935) ; Fabrication d’enfants (vers 1944) pour n’en citer que quelques-uns. En 1939 elle divorce d’Hans Hartung. Sa lettre de rupture est exposée ici. Elle cesse alors de peindre.
La deuxième section « Fragments d’une île en Norvège » nous montre son parcours dans ce pays où elle a épousé, en secondes noces, le fils de l’architecte spécialiste du gothique, Christian Lange, dont elle partage les préoccupations esthétiques, philosophiques et mystiques. Elle se passionne pour le nombre d’or, la qualité rythmique de la ligne, la symbolique des couleurs. Il n’y a qu’une seule œuvre exposée de cette période 1939-1949, parmi celles qu’elle a faites. En revanche, nous y voyons une vingtaine de peintures de 1950 et 1951 dans lesquelles elle met en pratique ses toutes dernières recherches. Parmi celles-ci figurent deux peintures dans lesquelles elle a inséré des feuilles de métal, une technique qui deviendra sa marque de fabrique.
Dans les années 1950 Bergman développe une œuvre singulière, originale, qui ne doit rien aux modes. Si les sujets – pierres, univers, arbres, astres -  tendent à l’abstraction, Bergman préfère parler de « non-figuratif » ou d’« art d’abstraire ». Dans cette section, qu’Hélène Leroy, la commissaire, a nommé « Naissance des formes », un panneau didactique décrit l’Alphabet développé par Bergman au fil du temps. C’est un répertoire qui constitue les bases des formes qu’elle utilisera dans ses peintures. On y trouve : pierre, lune, planète, arbre, montagne, tombeau, vallée, barque, miroir, etc. Les peintures exposées dans cette section, toutes de grandes dimensions, sont bien en accord avec leurs titres, que ce soit Grand soleil (1956) ou Pyramide (1960) voire Un univers (1954), Crabe d’argent (1955) ou encore Grand arbre (1957).
Au milieu du parcours une section, « Dans l’atelier », nous montre quelques-uns des instruments utilisés par l’artiste pour peindre, graver ou incruster des feuilles de métal. Un film nous la montre en train de réaliser la pose des feuilles de métal sur son tableau, une technique qui rend de telles œuvres très fragiles.
En 1964, Bergman et Hartung, qu’elle a épousé une deuxième fois en 1957, voyagent le long de la côte nord de la Norvège jusqu’au cap Nord. Ce sera une source d’inspiration pendant de nombreuses années pour Bergman. La commissaire a réuni les œuvres de cette période 1962-1970 sous le titre « Cosmogonies, transcriptions paysagères ». Il s’agit de peintures brillantes, grâce à l’emploi des feuilles de métal de toute nature (or, argent, aluminium, cuivre, étain, plomb, bismuth), qui évoquent aussi bien les paysages du grand nord que ceux de l’Espagne où Bergman projette de construire une maison-atelier à Carboneras. Les couleurs ne sont pas nécessairement celles que l’on attend. C’est ainsi que le rouge s’empare de Paysage nordique (1969) ou de Grand Finnmark rouge (1967) et un brun très sombre de Carboneras (1963). Ici nous avons aussi bien des grands formats que des très petits, que Bergman nomme des «mini-peintures».
La dernière section « Épures, captations atmosphériques » expose des peintures de 1970 à 1984. Si beaucoup présentent de grandes surfaces monochromes avec un choix minimaliste de teintes, d’autres tentent de représenter avec un certain succès les vagues (Vague baroque, 1973), le vent (Mistral, 1975) et surtout la pluie (Pluie, 1974). Une exposition chatoyante et variée, avec tous les commentaires nécessaires pour comprendre l’œuvre de cette artiste singulière. R.P. Musée d’Art Moderne de Paris 16e. Jusqu’au 16 juillet 2023. Lien : www.mam.paris.fr.


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