FERNANDE OLIVIER ET PABLO PICASSO
Dans l’intimité du Bateau-Lavoir

Article publié dans la Lettre n°563 du 8 février 2023



 
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FERNANDE OLIVIER ET PABLO PICASSO. Dans l’intimité du Bateau-Lavoir. C’est l’une des premières de la cinquantaine d’expositions organisées cette année pour le cinquantenaire de la mort de Pablo Picasso (1881-1973) et elle est particulièrement réussie. En effet, à côté d’œuvres plus ou moins bien connues de Picasso, on découvre en profondeur qui était Fernande Olivier, cette première compagne de l’artiste espagnol, et c’est passionnant.
Fernande Olivier, de son vrai nom Amélie Lang (1881-1966), naît à Paris d’un père non dénoncé qui la confie en pension à sa demi-sœur. À quinze ans elle commence un journal qui lui sera très utile plus tard. À 17 ans elle est présentée à un certain Paul Émile Percheron qui l’enlève et la viole. Elle donne alors naissance à un fils, André Robert (1899-1964) qui sera sans doute abandonné. Elle est alors obligée d’épouser ce Paul Percheron qui lui fait subir viols et violences conjugales. Elle s’enfuit l’année suivante, rencontre le sculpteur Laurent Debienne et vit dans son atelier, à Montparnasse puis, en 1901, au Bateau-Lavoir. Elle commence alors à travailler comme modèle professionnelle sous le pseudonyme de « Fernande Olivier » pour divers artistes dont Boldini, Canals, Henner, Léon-Sicard, etc.
En mai 1904, Pablo Picasso s’installe au Bateau-Lavoir et entame une liaison avec Fernande quelques mois plus tard. C’est cette année-là qu’il passe de la période bleue à la période rose. Un an plus tard, Fernande s’installe chez Picasso et cesse de travailler. En 1906, tous deux passent quatre mois en Espagne, à Barcelone puis à Gósol. Picasso peint et dessine inlassablement, souvent inspiré par sa compagne. Ils retourneront plusieurs fois en Espagne, jusqu’en 1911, année où Pablo commence une liaison avec Eva Gouel, compagne du peintre Louis Marcoussis. En 1912, c’est la rupture définitive sur fond de jalousie. Fernande accumule alors toute sorte de petits métiers et publie, en 1930, des articles dans le quotidien Le Soir où elle raconte sa vie avec Picasso. Celui-ci fait interrompre les parutions. En 1932, elle lui demande une aide financière, qu’il refuse. Avec le soutien de Paul Léautaud, qui dit qu’il « voudrait bien écrire comme elle », elle publie, en 1933 Picasso et ses amis. Bien plus tard, en 1957, aculée par les difficultés, elle songe à publier son journal. Cette fois, alerté par Marcelle Braque, Picasso décide de lui verser un million de francs par an pour qu’elle y renonce. Il faudra attendre 1988 pour que son journal soit publié, sous le titre Souvenirs intimes. Écrits pour Picasso.
C’est en ayant cette biographie à l’esprit que l’on peut vraiment apprécier cette exposition qui nous fait revivre cette aventure du Bateau-Lavoir. Le parcours commence avec des cahiers de Fernande, sur lesquels elle dessinait également, un de ses tableaux daté 1905, d’autres vers 1935, et son fameux livre Picasso et ses amis. Après un corridor décoré d’œuvres d’Agnès Thurnauer (née en 1962) et de citations tirées de Souvenirs intimes, où Fernande décrit la difficile condition des femmes à son époque, on entre dans des salles qui évoquent sa rencontre avec Pablo, les amis espagnols de celui-ci et le Bateau-Lavoir. Grâce aux peintures et dessins des uns et des autres et aux nombreuses citations extraites des livres de Fernande, on a une idée précise de ce que pouvait être la vie de ces jeunes artistes au début du XXe siècle.
La suite de l’exposition est tout d’abord consacrée à l’art de Picasso et en premier lieu à ses portraits de Fernande, tant peints que sculptés. Vient ensuite son passage à la peinture cubiste, vers 1910 avec Femme assise dans un fauteuil. Fernande est ainsi témoin de toutes les avant-gardes. Celles-ci l’intéressent, car « elle les a vu naître », même si elle ne les admire pas. Nous avons ici des œuvres de Braque, « cherchant peut-être davantage à cause de ses moyens plus réduits », Matisse, « le type du grand maître ; qui n’avait pas les idées de Picasso », Juan Gris, « sans grands dons mais malin », Van Dongen, Rousseau, « merveilleusement doué pour la peinture », Derain, dont elle « préférait l’art à celui des autres », et surtout Susanne Valadon et Marie Laurencin, ses amies.
L’exposition se termine sur les « modèles et artistes femmes » en ce temps-là. On comprend les difficultés pour ces dernières à se faire accepter comme artiste. Ainsi Picasso refuse d’aider et de conseiller Fernande lorsqu’elle manifeste le désir de peindre. En tant que modèles, les femmes sont source d’inspiration, mais en tant qu’artistes, elles sont des rivales dans ce milieu masculin et misogyne. Cela, Fernande Olivier, observatrice perspicace comme l’avait noté Picasso, l’explique clairement et cette exposition l’illustre avec brio. R.P. Musée de Montmartre 18e. Jusqu’au 19 février 2023. Lien : www.museedemontmartre.fr

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