FAITH RINGGOLD
Black is Beautiful

Article publié dans la Lettre n°569 du 3 mai 2023



 
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FAITH RINGGOLD. Black is Beautiful. C’est sans doute parce que cette artiste afro-américaine, née à Harlem (New York) en 1930, a témoigné son admiration pour Picasso dans certaines de ses œuvres, que le musée Picasso lui consacre cette rétrospective, la première en France pour cette figure majeure d’un art engagé et féministe américain. Et c’est une véritable découverte car aucune institution française ne possède l’une de ses œuvres, alors qu’elle est exposée dans une vingtaine de musées aux États-Unis et en Grande Bretagne, dont le Museum of Modern Art et The Victoria and Albert Museum.
Après un premier voyage en Europe en 1961, Faith Ringgold commence à peindre la série « American people » (1963-1967), ensemble de vingt tableaux qui interroge l’American way of life à la lumière du mouvement des droits civiques et de sa position de femme noire. C’est par cette période que l’exposition commence, en particulier avec ses toiles dites Black Light (Lumière noire). Elle y célèbre la beauté afro nouvellement reconnue (« Black is Beautiful »). À côté de ces toiles quasi monochromes dans des tons sombres, on voit d’autres réalisations plus militantes (l’artiste s’est engagée au sein du mouvement Black Power), telles des affiches et surtout une carte des United States of Attica (1972) où elle a noté toutes les guerres auxquelles se sont livrés les américains sur leur sol, contre les indiens, les espagnols, etc. et partout à travers le monde.
Un grand tableau, Postage Stamp Commemorating the Advent of Black Power [Timbre postal américain commémorant l'avènement du Black Power] (1967), introduit la section suivante, American People Series. On y voit un portrait de Charlayne Hunter-Gault, l’une des toutes premières étudiantes noires américaines, qui fit son entrée à l’université de Géorgie en 1961 (Study Now [Étudiez !], 1964), à côté d’anonymes comme ce Mr. Charlie [M. Charlie] (1964), un « blanc » en argot, ou ce groupe de Neighbors [Les Voisins] (1963). Mais le tableau le plus spectaculaire dans cette salle est Die [Meurt] (1967), une immense toile représentant une sorte de guerre civile entre blancs et noirs, d’une rare violence, directement inspiré du Guernica de Picasso, qui était alors exposé au MoMA. Signe des temps, aujourd’hui c’est Die qui est au MoMA.
La section suivante nous présente des tankas. C’est en voyant au Rijksmuseum ces peintures sur tissu tibétaines et népalaises du XVe siècle, dites tankas, que Faith Ringgold décide de faire de même, en 1972, avec sa série Slave Rape, où elle se représente avec ses deux filles. Plus tard, en 2010, elle procède de la même manière avec des leaders de la cause noire, comme Martin Luther King, reproduisant en arrière-plan leurs discours les plus célèbres.
Faith Ringgold avait déjà utilisé cette méthode de communication dans les années 1990 en écrivant des histoires autour de grandes toiles cousues, les quilts, comme le faisaient les femmes noires depuis la période de l’esclavage. Le centre du quilt est occupé par une vaste composition peinte, sur les côtés on trouve le texte de l’histoire, tandis que le cadre est composé de tissus fleuris. Parmi les six quilts présents ici on remarque surtout Picasso’s Studio, avec Picasso faisant le portrait de Willia Marie Simone, l’héroïne de l’histoire, devant Les Demoiselles d’Avignon. Dans la même série, The French Collection Part I, le quilt Wedding on the Seine est lui aussi remarquable. On y voit l’héroïne, double de l’artiste, s’enfuyant sur le Pont Neuf à Paris, en costume de mariée, afin de préserver sa liberté et sa vocation d'artiste. Le travail de ces quilts, faits en collaboration avec sa mère pour les bordures, est absolument magnifique.
La dernière salle est occupée par des tankas aux motifs géométriques et aux titres ironiques (« Bavardage », « Petit déjeuner au lit », « Femme », « Amour et paix », …) et des mannequins, Buba, mort d’overdose, et Bena, de chagrin. Ce matériel servait à Faith Ringgold, pour un spectacle-performance itinérant dans les universités du pays, The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro [La veillée funéraire et la résurrection du Noir bicentenaire], de 1975 à 1989.
Cette salle abrite une dernière toile de la série The American Collection, un quilt de 1997, The Flag is Bleeding #2: [Le drapeau saigne n° 2] avec lequel l’artiste dresse un constat amer sur la situation des Africains-Américains aux États-Unis.
Enfin, à l’écart, dans une salle en début de parcours, nous pouvons voir un immense patchwork, Tar Beach #2 [La plage de goudron n°2] (1990), une sérigraphie sur soie tirée à 24 exemplaires, montrant une petite fille qui rêve de voler au-dessus du Pont Washington. Une exposition magnifique sur une artiste militante très originale. R.P. Musée Picasso Paris 3e. Jusqu’au 2 juillet 2023. Lien : www.musee-picasso.fr.


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