L' ÉCOLE DU REGARD
Caravage et les peintres caravagesques dans la collection Roberto Longhi

Article publié dans la Lettre n°529 du 18 août 2021



 
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L’ÉCOLE DU REGARD. Caravage et les peintres caravagesques dans la collection Roberto Longhi. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on revoit en France une partie de la collection de Roberto Longhi (1890-1970), ce grand historien de l’art qui consacra, en 1911, sa thèse à un peintre quasiment oublié, Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Caravage (1571-1610). Nous avons gardé un souvenir ébloui de l’exposition de 2015 « De Giotto à Caravage. Les passions de Roberto Longhi », au Musée Jacquemart-André à Paris (Lettre n°384), où la plupart des tableaux exposés ici à Caen étaient déjà présents, et l’on s’étonnait qu’un professeur et historien de l’art, sans fortune patrimoniale, ait pu se procurer tant de chefs-d’œuvre. Mais Roberto Longhi avait l’œil et savait dénicher des tableaux de peintres oubliés, vendus une bouchée de pain, qui redevinrent célèbres, grâce à lui. C’est ce fameux « œil » que la présente exposition met à l’honneur avec quelque 44 tableaux de maîtres et 13 dessins de Roberto Longhi, appartenant tous à la Fondation Roberto Longhi.
Ces dessins sont une vraie surprise. Longhi en a fait près de 250 qu’il a légués « au profit des générations futures » avec sa collection d’art, sa bibliothèque, sa photothèque et sa demeure de Florence, la villa Il Tasso, à la Fondation qui porte son nom. La copie de tableaux de maître, permettait à Longhi de mieux comprendre le style et l’univers de l’artiste et accompagnait ainsi son travail critique. Ayant copié ses propres tableaux, nous pouvons voir côte à côte l’original et le dessin de l’historien d’art et apprécier le talent de ce dernier pour saisir, en noir et blanc, l’essence même du tableau original.
Après une présentation de la Fondation Roberto Longhi pour l’étude de l’histoire de l’art et des cartels sur « L’expert et collectionneur » et le « Dessinateur » Roberto Longhi, une première section est consacrée à des peintres antérieurs à Caravage, comme Bartolomeo Passarotti (1529-1592) dont on voit la Marchandes de volailles (vers 1580), un tableau plein d’allusions facétieuses, et surtout Lorenzo Lotto (vers 1480-1556/1557) dont le luminisme, d’après Longhi, a préparé et surpassé celui de Caravage.
La suite du parcours est une succession de tableaux de peintres caravagesques, identifiés comme tels par Longhi, bien que le Caravage n’ait eu aucun élève. En les admirant, on songe à la célèbre exposition de 1951 à Milan, « Mostra del Caravaggio e dei Caravaggeschi », organisée par Longhi, qui remporta un incroyable succès populaire. Après le célèbre Garçon mordu par un lézard (vers 1597) de Caravage, avec une nature morte remarquable en premier plan, et une copie du tableau du même Garçon pelant un fruit (fin du XVIe siècle) nous enchaînons sur une quinzaine de peintres des XVIe et XVIIe siècle. Parmi tous les tableaux exposés, on remarque plus particulièrement l’Allégorie de la vanité (vers 1620) d’Angelo Caroselli ; Judith avec la tête d’Holopherne (vers 1618) de Carlo Saraceni ; Sainte Marie-Madeleine pénitente (vers 1610-1613) de Domenico Fetti ;les trois apôtres et surtout Saint Thomas (vers 1612), attribués en 2002 seulement par Gianni Papi à Jusepe de Ribera alors qu’ils étaient attribués jusque-là à un certain Maître du Jugement de Salomon, ce qui crée un certain doute sur la qualité de « l’œil » de Roberto Longhi (!) ; l’Adoration des bergers (vers 1630-1640) par le Maître de l’Annonce aux bergers ; l’Annonce de la naissance de Samson à Manoach et à sa femme (vers 1630-1632) de Matthias Stom (ou Stomer), un peintre flamand installé à Rome, comme tant d’autres ; le Reniement de Pierre (vers 1615-1617) de Valentin de Boulogne, l’un des nombreux français qui eux-aussi travaillaient à Rome ; L’Ange de l’Annonciation (1615-1620) de Guglielmo Caccia, dit Moncalvo et la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne (vers 1630) de Giovanni Antonio Molineri.
Les deux dernières salles abritent des tableaux plus récents, peints au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle comme le Saint Sébastien soigné par des anges (vers 1660-1670) et le Saint chartreux en pleurs (saint Bruno ?) (vers 1662-1665), tous deux de Giacinto Brandi, et surtout le lumineux Suzanne et les vieillards (vers 1656-1659) de Mattia Preti à propos duquel Longhi écrivait en 1914 « Le peintre calabrais Mattia Preti ramène le style de Caravage vers une manière plus mollement vénitienne mais toujours structurée par d’énergiques plans lumineux ». Tout est dit ainsi sur le style de Caravage. Une exposition bien documentée avec une très belle scénographie. Musée des Beaux-Arts de Caen 14. Jusqu’au 17 octobre 2021. Lien : mba.caen.fr.


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