CORITA KENT. La révolution joyeuse. Frances Elizabeth Kent (1918-1986) entre dans l’ordre religieux du Cœur Immaculé de Marie, à Hollywood, à l’âge de 18 ans et devient Sister Mary Corita. Après avoir enseigné dans le secondaire à Los Angeles et brièvement dans le nord-ouest du Pacifique, elle est rappelée en 1947 pour enseigner l’art à l’Immaculate Heart College. Sous la direction de Corita Kent et de son mentor Sœur Magdalen Mary, le département d’art devient un centre réputé de création et de liberté accessible à tous. Dans les années 50 ses premières œuvres ont un contenu religieux. Mais à partir des années 60, après avoir vu une exposition d’Andy Warhol dans une galerie de Los Angeles, elle s’inspire des principes des artistes du Pop’art ou conceptuels qui décèlent le potentiel artistique dans les objets de la vie quotidienne. Elle intègre alors dans ses œuvres des images et des slogans publicitaires, des paroles de chansons populaires, de la littérature et des versets bibliques. Plus pop, plus colorées, plus enjouées dans leur forme, les œuvres de Corita s'inscrivent dans les courants modernistes tout en gardant les inspirations et références religieuses qui ne la quitteront jamais. Tout au long de ces années, son travail devient de plus en plus politique, incitant la population à s’interroger sur la pauvreté, le racisme et l’injustice. Elle condamne également la guerre du Vietnam, comme le montre «stop the bombing» (1967) ou encore phil and dan (1969), rendant hommage à deux prêtres engagés dans la désobéissance civile non violente pour la paix et contre la ségrégation raciale. Philip deviendra le premier prêtre prisonnier politique, incarcéré jusqu’en 1978. Elle participe aussi aux Mary’s Days qui incarnent pleinement l’esprit d’une «révolution joyeuse» avec ses bannières éclatantes, inspirées des codes de la publicité, brandies dans les avenues d’Hollywood par les sœurs et les étudiantes de l’Immaculate Heart College. Ces processions sont un moyen d’attirer l’attention sur les problèmes sociaux contemporains comme la faim, la pauvreté ou la guerre. Ce ton, cet engagement, cette liberté, qui va pourtant de pair avec le concile Vatican II initié par Jean XXIII, ne convient pas au cardinal archevêque James McIntyre qui demande à ce que «les activités de Corita Kent soient confinées à sa salle de cours». Finalement, épuisée par toutes ses activités (230 expositions en 1968, des conférences dans tout le pays, etc.) et ce conflit avec l’archidiocèse, elle demande en 1968 à être dispensée de ses vœux et s’installe à Boston. Elle sera suivie par la majorité des membres de l’ordre qui feront la même demande et constitueront une nouvelle organisation œcuménique, la Communauté du Cœur Immaculé. La présente exposition, la première en France consacrée à cette artiste qui figure pourtant dans les plus grandes institutions et collections privées, s’intéresse essentiellement au travail de Corita Kent dans les années 1960, ses années pop, avec néanmoins une œuvre de 1957, custodiat, qui s’inspire déjà de son environnement immédiat. Elle commence avec une dizaine de panneaux didactiques déployés sur de grandes toiles dans la spectaculaire nef du collège. Les œuvres de Corita Kent sont exposées dans l’ancienne sacristie. Nous y trouvons une trentaine de sérigraphies originales, le medium favori de Corita car il permet une large diffusion, prêtées par le Corita Art Center de Los Angeles. Ce dernier possède la plus grande collection d’œuvres d’art et d’archives de Corita Kent (30 000 pièces de toutes sortes). Ces sérigraphies nous donnent une bonne idée de son œuvre. Les commissaires ont ajouté une installation de cubes, à l’image de celles réalisées en son temps par Corita et ses élèves, en particulier celle pour la vitrine du siège social d’IBM à New York pour Noël 1968, une installation de 725 cubes intitulée Peace on Earth (Paix sur Terre). Cette exposition, faite en partenariat avec l’École des Arts Décoratifs de Paris, a permis à ses élèves de réaliser six bannières sérigraphiées inspirées de l’œuvre de Corita Kent en s'engageant dans des causes qui leur tiennent à cœur, tels les stéréotypes de genre, le dépistage du cancer du sein, les agressions de toutes sortes dont les femmes sont victimes, etc. La visite se termine avec la présentation à l’ancienne, comme l’avait voulu Corita Kent, de 80 diapositives parmi les 8000 prises par l’artiste lors du voyage qu’elle fit de novembre 1959 à janvier 1960, avec Sister Magdalen Mary, dans de nombreuses villes de France, d'Italie, de Grèce, de Turquie, d'Égypte et d'Espagne. Une exposition très réussie qui nous permet de découvrir une artiste méconnue en Europe. R.P. Collège des Bernardins 5e. Jusqu’au 21 décembre 2024. Lien : www.collegedesbernardins.fr. Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici
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