Chefs-d’œuvre de la GALERIE BORGHÈSE. Profitant des travaux effectués en ce moment dans la Galerie Borghèse, le musée Jacquemart-André, qui possède un grand nombre d’œuvres d’art italiennes, nous présente une quarantaine de tableaux, parmi les plus célèbres, de la collection du cardinal Scipion Borghèse (1577-1633). Ce dernier, neveu du pape Paul V (1550-1621) profita de sa position influente de nipote, cardinal-neveu, pour s’enrichir considérablement, investir dans la construction de palais, d’églises et de monuments et dans la constitution d’une collection d’œuvres d’art. Commencée modestement par quelques œuvres reçues en héritage, celle-ci s’accroît rapidement par divers moyens plus ou moins légaux. Il profite ainsi de la saisie par le pape Paul V d’une centaine de tableaux, dont le fameux Garçon à la corbeille de fruits (vers 1596) de Caravage, dans l’atelier du Cavalier d’Arpin, accusé de détention illégale d’armes à feu. Il commandite le vol en pleine nuit et le transfert à Rome de la Déposition peinte par Raphaël pour la chapelle des Baglioni à Pérouse. À plusieurs reprises il a recours à la menace, jusqu’à faire emprisonner le Dominiquin, pour forcer les artistes à lui céder des œuvres ou à travailler pour lui. Mais il est aussi en relation avec des peintres séjournant à Rome comme Rubens, qu’il héberge, et avec d’autres collectionneurs. À sa mort sa collection compte plusieurs centaines d’œuvres d’art réparties dans ses différentes résidences, dont la Villa Borghèse à Rome. Le cardinal fit construire cette villa all’antica de 1607 à 1616 pour abriter sa collection et donner aux œuvres un cadre avantageux, une idée originale à son époque. Selon les volontés du cardinal, sa collection ne fut jamais dispersée, hormis la vente à Napoléon Bonaparte de plusieurs centaines de sculptures antiques, remplacées par de nouvelles acquisitions. Finalement, en 1902, la villa et son musée sont vendus à l’État italien.
Le parcours de l’exposition éclaire à la fois l’histoire de la collection et le sens des grandes thématiques explorés par les artistes aux XVIe et XVIIe siècles.
La première salle rappelle comment Scipion Borghèse a constitué sa collection et nous présente des œuvres de Caravage, de Bassano (La Cène, vers 1547-1548), du Bernin (Autoportrait à l’âge mûr, vers 1638-1640), du Cavalier d'Arpin (L'Arrestation du Christ, vers 1598), de Guerrieri (Loth et ses filles, 1617) et aussi d’un peintre hollandais de passage à Rome, Gerrit van Honthorst (Concert - Le vol de l’amulette, vers 1620-1630).
Dans la deuxième salle, c’est « Le goût Borghèse » qui est évoqué. Scipion s’émancipe de toute théorie dogmatique ou programme préétabli. L’Antiquité se mêle à la peinture de la Renaissance, à la peinture et à la sculpture contemporaines. Il acquiert ainsi des œuvres facilement transportables, appréciées pour leurs qualités esthétiques et stylistiques. On voit ici le spectaculaire tondo Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste enfant et six anges, vers 1488-1490, de Sandro Botticelli ; La Prédication de saint Jean-Baptiste, vers 1566-1570, de Véronèse ; La Dame à la licorne, vers 1506, de Raphaël et aussi L'Enlèvement d’Europe, vers 1603-1606, du Cavalier d'Arpin.
La salle suivante nous présente quelques tableaux de peintres ayant travaillé à Ferrare et Bologne au XVIe siècle, dont Garofalo, Les Noces de Cana, vers 1518 et Dosso Dossi, Allégorie mythologique, vers 1529. On y voit aussi des tableaux du Dominiquin et de Guido Reni.
Après une section où sont exposés trois portraits de la Renaissance peints par Lorenzo Lotto, Antonello da Messina et Parmesan, nous entrons dans la salle explorant l’esthétisme du cardinal. Celui-ci s’attachait avant tout à la qualité et à la beauté des œuvres qu’il se procurait, tant de la Renaissance (Bassano, Andrea del Sarto, Giulio Romano, Lorenzo Lotto) que contemporaines (Andrea Solario et Annibal Carrache) présentes ici.
La section suivante nous raconte la genèse de la Villa Borghèse avec une vue peinte par Johann Wilhelm Baur en 1636.
Avec «La dramaturgie du corps», les commissaires nous montrent le passage de la Renaissance au début du baroque, période où l’on privilégie l'expression des émotions et la représentation réaliste du corps humain. À côté d’un tableau de Titien, La Flagellation du Christ, vers 1568, nous avons des toiles d’Annibal Carrache (Samson enchaîné, vers 1594), Rubens (Suzanne et les vieillards, vers 1606-1607) et Baglione (Ecce homo, 1606 et Judith et Holopherne, 1608).
Enfin, la dernière salle, «Amour et Éros», rappelle la «Salle des Vénus», à l’étage de la Villa Borghèse, un ensemble d’œuvres présentant des nus féminins sous l’aspect de personnages mythologiques, voire contemporains comme La Fornarina, vers 1520, de Raphaël. Parmi ces toiles, notons une copie de Léda et le cygne, avant 1517, d’après Léonard de Vinci (l’original est perdu), une autre Léda, vers 1565-1570, de Ghirlandaio ainsi qu’une Lucrèce, vers 1560-1570, du même artiste, une Psyché et l'Amour, 1589, de Zucchi et un chef d’œuvre de Titien, Vénus bandant les yeux de l’Amour, vers 1565. Ainsi se termine le parcours de cette exposition qui mérite bien son titre. R.P. Musée Jacquemart-André 8e. Jusqu’au 5 janvier 2025. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.